C'est aujourd'hui

Note: 4/5
(4/5 pour 2 avis)

Une trilogie inédite, en un seul volume, réalisée entre 2016 et 2019 par un Carlos Giménez toujours actif et débordant de projets. Elle met en scène un dessinateur vieillissant, alter ego de l’auteur, qui s’interroge sur la mort, ce qu’il a fait et ce qu’il laissera aux générations futures. Carlos Giménez a conquis les lecteurs avec la série Paracuellos, où il racontait son enfance dans un orphelinat sous la dictature du général Franco. En accueillant un nouvel auteur de 81 ans dans son catalogue, Futuropolis se plait à rappeler que la bande dessinée n’est plus réservée qu’aux jeunes de 7 à 77 ans.


Auteurs espagnols

Dans le premier récit (Chrysalide), l’oncle Pablo (double de papier de l’auteur) dialogue avec son âme sœur Raúl. Ce récit parle de crise, de la façon dont cela nous affecte en termes économiques et moraux. S’ensuit une longue série de réflexions - et d’incompréhensions – sur les misères de la création et les limites de la vieillesse. Dans le second (Un chant de Noël), l’oncle Pablo, à la veille de Noël, veut rester seul et surtout ne pas participer aux célébrations sentimentales et familiales de cette fête, tel un nouveau Ebenezer Scrooge. Il ignore que les trois esprits de Noël vont lui rendre visite, comme chez Dickens, pour le forcer à raconter son passé, son présent et son avenir. Dans le dernier (C’est aujourd'hui) est le testament artistique de Carlos Giménez, son grand album autobiographique sur la fin de la vie. C’est aussi l’une de ses bandes dessinées les plus expérimentales. À cette occasion, l’oncle Pablo, le protagoniste des deux chapitres précédents, racontera sa propre mort à la première personne, dans un dialogue serein et de bonne humeur avec lui-même. Texte : L'éditeur

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 02 Novembre 2022
Statut histoire Histoires courtes (édition intégrale de 3 tomes) 1 tome paru

Couverture de la série C'est aujourd'hui © Futuropolis 2022
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 2 avis)
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04/04/2023 | Gaston
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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
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Les choses, de même qu'elles commencent, se terminent un jour. - Ce tome regroupe trois ouvrages de Carlos Giménez (scénario et dessin) : Chrysalide (2016), Un chant de Noël (2018), C'est aujourd'hui (2020). La première édition en français date de 2022, et la traduction a été réalisée par Hélène Dauniol-Renaud. Ces récits sont en noir & blanc. Chacun des trois récits dispose d'une préface rédigée par l'auteur. le premier s'accompagne d'un épilogue sous forme de texte consacré à Raúl, accompagné des dessins qu'il a fait de pépé Páquito. Chrysalide, 58 pages. Pablo, bédéiste vieillissant, est assis à sa table de travail et annonce que son ami Raúl est décédé il y a quelques jours. Il devrait plutôt dire, pour reprendre l'expression précise qu'il employait, que son ami Raúl a fini de mourir. Il se souvient de l'une de leur conversation dans l'atelier de son ami. Ce dernier lui expliquait qu'on a l'idée que la mort tombe sur l'être humain. Par exemple : untel est mort mardi à 11h15. Mais ce n'est pas comme ça. À moins de passer sous un autobus ou de se faire tirer dessus, ce n'est pas comme ça. Untel a fini de mourir, mais en réalité sa mort avait commencé plusieurs années auparavant. On commence à mourir le jour où on commence à penser sérieusement à la mort, le jour où on prend conscience que la fin a commencé, qu'on est dans sa dernière ligne droite. C'est ce jour-là qu'autour de l'individu commence à se former une chrysalide. Il arrive un jour où tout autour de l'individu commence à se former une espèce de cocon, une chrysalide qui, peu à peu, couche après couche, durcit, l'emprisonne, le réduit. C'est ce jour-là que l'individu commence à mourir. Lui Raúl a commencé à mourir il y a onze ans, un 11 février pour être exact. Un chant de Noël, une histoire de fantômes, 101 pages. Pour commencer, Raúl était mort. Pablo papote avec Páqui, sa femme de ménage. À sa question, il lui répond qu'il ne pense pas beaucoup à Raúl, normalement, de temps en temps. Ils évoquent les résultats de la loterie, puis elle lui demande où il va réveillonner pour la veillée. Il lui répond qu'il dîne toujours seul pour la veillée de Noël : il n'aime pas Noël, il n'en garde pas de bons souvenirs. Sa nièce Loli arrive pour l'inviter à venir manger chez elle avec tout le reste de la famille. Mais il refuse également. le soir-même, alors qu'il est dans sa chambre, le fantôme de Raúl lui apparaît pour le prévenir que trois autres spectres vont venir lui rendre visite. C'est aujourd'hui, 94 pages. Pablo est chez lui, assis sur son lit en train de discuter avec un autre lui-même. le premier porte une couronne de carton sur la tête et il fait le constat à haute voix : Alors c'est aujourd'hui. Les deux Pablo commencent à papoter, à échanger des souvenirs, des anecdotes, à faire des constats sur l'état du monde, de la société, de ses habitudes. Carlos Giménez est un bédéiste espagnol, né en 1941, ayant commencé sa carrière au tout début des années 1960. Il a acquis sa renommée avec des oeuvres autobiographiques, comme la série Paracuellos (Alfred du meilleur album au Festival d'Angoulême 1981 & Prix du patrimoine au Festival d'Angoulême 2010), et Los Profesionales. Dans les trois albums regroupés dans ce recueil, il se met en scène sous la forme d'un avatar dénommé Pablo, ce qui lui permet de raconter ses souvenirs, sans s'en tenir à une forme de vérité biographique. Dans la première histoire, il évoque son ami Raúl au travers de ses derniers jours, et de souvenirs de discussion. Dans la deuxième, il reprend le principe de Un chant de Noël (1843), de Charles Dickens (1812-1870), Pablo revisitant des moments de son passé, la réalité de son présent, et un futur possible. Dans le troisième, le titre du recueil prend tout son sens puisque Pablo vit son dernier jour en toute conscience de ce qu'il en est, en se parlant à un double fantomatique, évoquant à nouveau des souvenirs. Dans un premier temps, le lecteur peut être un peu appréhensif de la narration visuelle qui se compose à plus des deux tiers de personnages en plan taille ou en plan poitrine, souvent assis, souvent en train de papoter, et parfois en train de descendre un cocktail Cuba Libre (à base de rhum, citron vert, et cola). En plus, il s'agit essentiellement de dialogues entre hommes blancs d'un certain âge, vraisemblablement des septuagénaires. Les contours sont réalisés avec des traits un peu sec, quelques aplats de noir pour les ombres portées. Les personnages présentent de légères exagérations dans les expressions de visage, dans les coiffures, dans certaines postures. Bref, rien de folichon. Chrysalide s'ouvre avec un texte en introduction dans lequel l'auteur regrette le manque d'expérimentations en BD, la rareté des transgressions, le fait que presque personne ne proteste contre rien, que la routine amène à gagner sa vie en faisant toujours les mêmes travaux, la nécessité de ne pas déranger l'éditeur, ni agacer le client. Ça sent un peu la personne âgée aigrie. de temps à autre, Raúl ou Pablo effectue constats ou des jugements de valeur négatifs : tout le monde ment, la décrépitude corporelle avec l'âge, la perte de pouvoirs des états face à l'économie de marché généralisée, la destruction des emplois non qualifiés par la technologie, la fossilisation des comportements de l'individu avec l'âge, la mainmise des religions prescriptrices, le sort des réfugiés traversant la mer méditerranée sur des embarcations de fortune, la fumisterie des euphémismes, l'insignifiance d'une vie humaine, le tabou à parler de sa mort. Or à la lecture, ces dialogues, ces souvenirs, ces considérations charrient une chaleur humaine, un goût de vivre, une humanité incroyables. D'un côté, le lecteur voit un vieux barbon pontifier allant parfois jusqu'à s'écouter parler ; de l'autre côté, il dévore ces paroles d'un individu humaniste avec une solide expérience de la vie dont chaque anecdote relève des petits riens de la vie pour en révéler l'infinité de saveurs. Alors bien sûr, Carlos Gimenez a atteint son stade de maturité graphique depuis belle lurette et il ne faut pas attendre de lui qu'il innove. Alors bien sûr, un tel artiste n'a pas réussi à mener une aussi longue carrière juste sur un malentendu. Certes, il y a de nombreuses cases de Pablo en train de parler en plan taille, mais il bouge encore (il n'est pas vraiment mort), il s'emporte, il s'indigne, il va jusqu'à gesticuler parfois, exprimant ainsi son état d'esprit. En outre, la représentation des souvenirs s'accompagne souvent d'une représentation dudit passé, avec Pablo jeune homme, ou enfant, ou à un autre stade de sa vie, avec d'autres potes, des membres de sa famille, une copine. Dans ces circonstances, la prise de vue quitte le bureau de Pablo ou sa chambre à coucher pour s'aventurer dans la rue, dans d'autres intérieurs, dans une école, sur une plage, dans une chambre d'étudiant, dans un parc, etc. L'artiste représente tout ça avec une évidence et un naturel qui dénotent une longue pratique apportant une aisance donnant une impression de facilité trompeuse. S'il n'y prête pas attention, le lecteur peut même ne pas se rendre compte qu'à chaque retour dans le passé, la reconstitution de l'époque comporte des détails authentiques, directement issus de la mémoire de l'auteur. de même, il suffit d'une planche pour prouver sans doute possible la qualité de la narration visuelle : la planche 77 de Un chant de Noël, muette sans un seul mot, et reprenant la découverte du corps d'Aylan Kurdi, enfant kurde retrouvé mort sur une plage turque le 2 septembre 2015. Quoi qu'il en soit, le lecteur oublie rapidement ses réserves sur la narration visuelle car Pablo se révèle être un homme singulièrement attachant, même sans partager toutes ses convictions. En fait, il ne raconte rien d'exceptionnel : des anecdotes sur sa vie, banales prises une à une. Elles dégagent un parfum un peu exotique car il s'agit de la vie d'un auteur espagnol de bande dessinée, peu probable que ce soit la situation du lecteur. D'un autre côté, elles brossent le portrait d'un homme ordinaire, commun, parfois médiocre, qualificatif qu'il utilise lui-même. En même temps, elles relatent l'expérience faite de la vie, l'expression d'une humanité universelle générant une empathie chez le lecteur. de temps à autre, ce dernier peut s'offusquer de se retrouver face à des certitudes défaitistes, certes construites à partir de nombreux constats faits au cours d'une vie riche de plusieurs décennies. Toutefois, il devient vite évident que ces anecdotes qui se rapportent toutes à Pablo (ou presque) parlent surtout des autres personnes qu'il a rencontrées ou côtoyées. Ces trois autofictions parlent de lui sans être nombrilistes ou égocentriques. Son évocation de la vie se fait avec la conscience explicite et exprimée de sa mort, sans rien de macabre ou de morbide. En cela, il applique le principe qu'il développe dans sa première introduction : une transgression majeure (parler de sa propre mort) et aborder des sujets personnels et d'actualité tels que certaines facettes de la société, ou l'état du monde. En outre, Carlos Gimenez n'est pas un donneur de leçon : il exprime son opinion personnelle présentée comme telle, il expose sans fard les facettes les moins reluisantes de sa personne. Il sait mettre en lumière des aspects de la condition humaine aussi bien dans la vie de tous les jours (se baigner en été et découvrir à quel point le monde peut se passer de soi) que dans un fait divers atroce (la mort d'Aylan Kurdi et l'impuissance de l'individu à l'éviter, ainsi que l'obligation de savoir qu'on vit dans un monde qui s'accommode d'une telle tragédie), ou une tragédie meurtrière (l'attentat contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015). Par ailleurs, au fil de ces trois récits, le lecteur comprend que l'auteur dispose d'une culture littéraire, sans qu'il n'ait besoin de l'étaler avec l'évocation en passant d'auteurs comme Gustavo Bécquer (1836-1870), Jack London (1876-1916), Guy de Maupassant (1850-1893), André Maurois (1885-1967), Francisco Candel (1925-2007), Charles Dickens (1812-1870), Omar Khayyam (1048-1131). Feuilleter cette bande dessinée ne donne pas forcément envie de la lire. En revanche commencer à la lire donne une envie irrépressible de passer du temps en compagnie de Pablo / Carlos Giménez par ce moyen privilégié. La narration visuelle ne paye pas de mine, pour autant après quelques pages le lecteur ne peut pas l'imaginer sous une autre forme. Après quelques séquences, il a fait l'expérience de sa richesse sous-jacente. Au début, Pablo semble être un vieil oncle un peu casse-pied avec ses rengaines. Rapidement, il devient un homme expérimenté qu'on a envie d'écouter pour ses anecdotes sur sa vie, pour ses avis éclairants et tolérants. Lui-même dit qu'il est devenu l'homme âgé qu'adolescent ou jeune homme il considérait comme un fossile, un être humain dont le corps a commencé à dépérir, tout le contraire de l‘appétit de vie. le lecteur n'entretient aucun doute sur l'inéluctabilité de la fin de l'ouvrage, et c'est pourtant une vraie tristesse qui l'étreint. Formidable.

23/07/2024 (modifier)
Par Gaston
Note: 3/5
L'avatar du posteur Gaston

2.5 Comme c'est souvent le cas avec les sorties récentes des œuvres de Carlos Giménez en français, on retrouve des albums dans un même tome. Ici ce sont trois albums qui mettent en vedette le double de papier de l'auteur, l'oncle Pablo. Dans le premier tome, Pablo parle de son meilleur ami qui est mort. Le deuxième tome est une version du Conte de Noël de Dickens avec Pablo qui voit ses Noëls du passé, du présent et du futur. Et le dernier tome se passe durant la journée de la mort de Pablo. Comme souvent avec Giménez, on a surtout droit à des séries d'anecdotes qui montrent parfois le coté sombre de l'homme, surtout lorsque ça se passe durant la dictature de Franco. Ce sont d'ailleurs les meilleurs passages de cette intégrale. Il y a aussi plusieurs anecdotes qui ne m'ont pas du tout intéressé, surtout lorsque ça tournait autour de jeunes hommes qui draguent les filles. Un autre problème est que souvent l'avatar de l'auteur et son meilleur pote se plaignent de l'état actuel du monde. Je suis souvent d'accord avec eux, mais leur discours n'est vraiment pas original vu qu'ils parlent comme n'importe quel vieux gauchiste (tout le monde est trop offensé de nos jours, les politiciens sont pourris, les riches pensent juste au fric, la religion c'est mal et autres pensées qu'on a tous déjà entendues 100000 fois), ça fait parfois petit vieux qui radote. Il y a des bonnes scènes, mais aussi pas mal de longueurs et en plus c'est bavard. Je pense que je préfère lorsque l'auteur nous parle de la vie sous Franco, le ton est plus intéressant et original. Sinon, le dessin de Giménez est toujours aussi bon.

04/04/2023 (modifier)