Jheronimus Bosch
Cette biographie de Marcel Ruijters nous emmène au sein de la vie du peintre, de sa famille, de ses sources d’inspiration, et nous montre comment ses œuvres, si singulières, prennent vie en cette période fascinante.
1454 - 1643 : Du début de la Renaissance à Louis XIII Auteurs néérlandais Biographies Les petits éditeurs indépendants Peinture et tableaux en bande dessinée
Jheronimus Bosch, créateur visionnaire de démons, génie insaisissable, parfois désigné comme « artisan du Diable » a peint parmi les œuvres les plus emblématiques de la fin du Moyen Âge. Cette biographie nous emmène au sein de la vie du peintre, de sa famille, de ses sources d’inspiration, et nous montre comment ses œuvres, si singulières, prennent vie en cette période fascinante. Le dessinateur, Marcel Ruijters, réalise ici un roman graphique sur le peintre, sur lequel il a travaillé pendant quatre ans pour un résultat graphiquement superbe. Très documenté (notamment bien référencé à la fin de l’album), il apporte une attention particulière au contexte culturel et historique. La bande dessinée se compose de six chapitres, couvrant chacun un pan de la vie de Bosch. On sait peu de choses sur lui, mais en dépeignant le bas Moyen Âge dans toute sa crudité et sa beauté, Ruijters fait un lien avec les peintures de Bosch, nous permettant de mieux comprendre comment celui a imaginé fait naître ses figures si étranges. Comme dans cet extrait où la femme de Bosch fait un cauchemar dans lequel elle semble se promener dans les peintures de son mari… Ruijters est alors à son meilleur. Celui-ci a su libérer sa riche imagination sur la vie et l’époque de Bosch, sans en déformer les faits. Il réussit, avec un humour contagieux, un cocktail irrésistible qu’aucun amateur de bande dessinée, amateur d’art ou admirateur de Jheronimus Bosch ne devrait manquer.
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Date de parution | Septembre 2022 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Malgré le fait que cette BD bénéficie de nombreuses qualités, je sors un peu déçu de ma lecture. Et je crois que la déception provient pour l'essentiel des lacunes en matière de processus créatif. Certes, dans la biographie de Jérôme Bosch, on ne compte pas les lacunes, les traces laissées par le maitre flamand étant assez ténues. On a peu de certitudes concernant son parcours. Mais Ruijters aurait selon moi tout à fait pu tenter des interprétations plus hardies. Car oui, malgré tout, cette BD est hardie, un peu. On suit le jeune maître dans sa maturation, on voit sa renommée grandir au fil des années, mais sans que l'on en saisisse vraiment la raison. Il y a bien sa relation avec le maitre d'œuvre Alart, mais elle est trop lacunaire pour que le lecteur en saisisse les raisons profondes. Enfin, sauf erreur de ma part, pas une ligne sur son supposé séjour à Venise... Dernier reproche : les dialogues : ils sont assez confus parfois. Je ne comprenais pas toujours les réponses, la faute sans doute à des raccourcis dans le récit (liés il est vrai aux incertitudes historiques). Ruijters a axé son travail sur le quotidien de l'artiste, ses relations parfois tumultueuses avec ses frères, l'incendie de Bois-Le-Duc qui selon l'auteur a profondément marqué le jeune Van Aken. Du coup, on entre par la petite porte, ce qui est malgré tout une excellente entrée. Du coup, on est immergé dans la vie quotidienne au sortir du Moyen Age. Quelques anecdotes savoureuses, réelles ou fictives, peu importe finalement, nous donnent accès à l'univers intérieur de Bosch, un dessin suffisant parfois à nous faire comprendre son aversion pour telle ou telle question de société. Et le dessin justement, est vraiment bon. On dirait que Marcel Ruijters, étant donné son trait mais également son intérêt pour la période, aurait tout a fait pu inventer cet artiste de toutes pièces, voire dessiner lui-même les tableaux. Tout cela fonctionne très bien ensemble. Il y a un petit quelque chose de Foester dans la démarche. Donc oui, bonne BD, mais qui manque peu être d'un brin d'approfondissement. C'est dommage parce que j'adore Bosch, et j'aime beaucoup le travail de Ruijters.
Marcel Ruijters ne propose pas ici une biographie académique (on dispose en effet d’assez peu d’éléments sur la vie de Bosch, si ce n’est qu’il travaillait dans l’atelier familial de peinture et d’enluminures en compagnie de ses frères Jan et Goessen). Le bédéiste a plutôt opté pour une relecture très personnelle du parcours de l’artiste médiéval. Au risque d’être déconcerté, il faudra plutôt envisager le livre comme une évocation du contexte historique que comme un véritable récit linéaire. Certes, il y a bien une sorte de linéarité, mais la narration possède un caractère assez fantaisiste qui pourrait dérouter le lecteur, lequel ne disposera pas forcément des éléments nécessaires pour appréhender aisément l’histoire. Et pourtant, Ruijters s’est incontestablement documenté, pour preuve ces nombreuses références en fin d’album. Ainsi, l’auteur semble avoir mis l’accent sur le dessin, ce qui paraîtrait assez logique de la part d’un dessinateur ! Et de ce point de vue, on peut dire que c’est réussi. Sans le dire explicitement, l’auteur nous montre ce qui a pu inspirer le peintre hollandais au fil de ses déambulations dans les rues de Bois-le-duc, qui, comme son nom ne l’indique pas, est bien une ville hollandaise. Ruijters recourt à un trait caricatural, avec des corps et des visages longilignes et parfois déformés à l’extrême, un trait particulier, très graphique, qui interpelle par le simple fait de feuilleter l’album. Le récit se déroulant au Moyen âge, on sait que la misère y était très répandue. Chaque ville avait sa cour des miracles et Bois-le-Duc ne faisait pas exception. La lèpre engendrait des monstres estropiés et rampants réduits à la mendicité. Les cadavres des bandits de grand chemin étaient exposés jusqu’à leur décomposition sur le gibet où ils avaient été pendus ou amputés devant un public avide de vengeance. Certaines scènes sont très crues et donnent lieu à voir un monde cauchemardesque où la souffrance s’exhibait dans les grandes largeurs, avec la bénédiction de la religion, pour rappeler aux âmes récalcitrantes que l’enfer était sur Terre. Le dessin de Marcel Ruijters est saisissant, on ne peut être qu’impressionné par la façon dont il a retranscrit la dureté et la laideur d’une époque où barbarie, folie et mort faisaient partie intégrante de la vie quotidienne. Son talent est de parvenir à suggérer au lecteur les sources d’inspiration de Bosch. Le rapprochement est assez vite fait avec les diablotins peuplant les mondes infernaux du « Jardin des délices », et le terrible incendie de la ville, qui serait survenu alors qu’il n’était qu’un enfant, n’est assurément pas étranger à ses visions apocalyptiques. On ne sait pas vraiment dans quelle mesure la réalité décrite est authentique, mais elle correspond bien à l’idée que chacun peut avoir sur cette époque, et on imagine facilement que l’auteur a pris soin de se documenter au vu de ce qui a été dit plus haut. « Jheronimus Bosch » aurait pu atteindre l’excellence s’il n’était plombé par une narration aussi saccadée, un rien décousue, ce qui impliquera peut-être une seconde lecture pour mieux apprécier cette bande dessinée tout à fait unique. L’autre qualité de cette biographie très libre serait de prouver, s’il en était besoin, toute la modernité du fascinant génie batave qu’était Bosch.
C’est je crois le dernier album de cet auteur qu’il me restait à aviser. Je m’étonne qu’il n’ait pas déclenché davantage de curiosité vu le peu d’avis que ses séries recueillent, et ne peux que vous encourager à jeter un œil sur une œuvre des plus originales. Bref, toujours est-il que j’attendais avec beaucoup d’impatience la sortie en Français de cet album, tant l’auteur m’intéresse, et tant son sujet (Bosch a réalisé certaines des images les plus fortes qui soient) me captive a priori. Paul Kirchner, autre auteur atypique, s’était fendu il y a peu d’un album sur le sujet, mais dans une optique bien moins réaliste et plus franchement humoristique et décalée avec son Jheronimus & Bosch. Ruijters se retrouve en terrain connu, lui qui ne publie que des choses dans un univers médiéval affirmé, avec forte prégnance religieuse. Il a mis plus de quatre ans à réaliser cet album, et s’est énormément documenté. On retrouve le fruit de son travail tout au long de l’album, mais aussi dans le dossier final. Quel bilan dresser de la rencontre de ces deux créateurs ? Eh bien, aussi paradoxal que cela paraisse, j’en suis sorti un chouia (tout petit chouia) déçu. En effet, j’ai trouvé que Ruijters était resté trop respectueux de ses sources, comme intimidé par son sujet. Premier homme au cœur de ses albums (d’habitude ce sont des femmes qui officient en tant que personnages principaux – y compris dans sa relecture de l’œuvre majeure de Dante), on sent l’admiration de Ruijters pour l’homme et l’artiste. Mais du coup il n’y a pas – ou pas assez – les petits à-côtés des autres albums, les petites touches de folie et d’humour noir qui les parsemaient. Voilà le regret. Pour le reste, la lecture est très fluide (j’aime bien son trait semi caricatural) et cette biographie parfaitement documentée permet de pénétrer dans le processus de création (Ruijters a bien sûr dû combler certaines lacunes, et prendre parfois parti quand l’imagination seule restait à décider – mais jamais cela ne trahit la vraisemblance). La société des Pays-Bas de l’époque est bien rendue, avec les tensions entre catégories sociales (et entre corporations), les tensions religieuses (la réforme est en fermentation). Mais aussi la misère et la violence qui dominent (et qui vont abondamment inspirer les oeuvres de Bosch). Les gibets ne sont jamais vides d'hommes et animaux (Ruijters montre un cochon condamné – ce qui est très représentatif de la société de l’époque, plusieurs procès d’animaux et en particulier de cochon étant documentés). Bref, une lecture intéressante, instructive, mais qui m’a un peu perturbé, j’en attendais sans doute, si ce n’est plus, tout du moins autre chose de la part de Ruijters. Mais ce choix d’auteur n’enlève rien à la bonne facture de l’ouvrage. Note réelle 3,5/5.
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