Crénom, Baudelaire !
Le portrait flamboyant d'un des plus grands poètes français du XIXe siècle. D’après le roman de Jean Teulé.
1816 - 1871 : De la chute du Premier Empire à la Commune Adaptations de romans en BD Charles Baudelaire Jean Teulé
Fresque en 3 tomes, cette adaptation initiée par Jean Teulé fait la part belle à l’image et l’imaginaire. En trois volumes, elle s’attarde sur les grandes périodes de la vie de Baudelaire et enlumine de peintures expressionnistes les grands poèmes qui jalonnent le récit. Teulé montre un homme qui travaillait ses vers sans relâche, qui voulait réunir dans une même musique l’ignoble et le sublime, et qui a changé à jamais, avec les Fleurs du Mal, la poésie française. À Namur, en sortant d’une église, Baudelaire fait une mauvaise chute qui lui fait lâcher ce juron : Crénom ! Il ne dira dès lors plus rien d’autre. Nous sommes en 1867. Il ne lui reste que peu de temps à vivre… Enfant, il ne se sent heureux que dans les jupes de sa mère. À tel point que le décès de son père le réjouit car, désormais, la femme de sa vie ne sera que pour lui ! Son bonheur sera toutefois éphémère, car quelques mois plus tard elle épouse le chef de bataillon Jacques Aupick qui entend faire son éducation. Après son renvoi du lycée Louis Le Grand, son beau-père l’envoie sur un navire partant vers les Indes pour une année qui doit en faire un homme. À bord, il évite les autres passagers pour se consacrer à la poésie dont il est persuadé qu’elle fera sa gloire. C’est à bord qu’il écrit les vers de L’albatros…
Scénario | |
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Dessin | |
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Genre
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Public
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Date de parution | 05 Avril 2023 |
Statut histoire |
Série en cours
(3 tomes prévus)
1 tome paru
Dernière parution :
Moins de 2 ans
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Les avis
Jean Teulé, je l'ai adoré dans Je, François Villon, dans Charly 9 (surtout le roman) et dans "Monsieur de Montespan". Ici j'accroche moins, mais c'est peut-être parce que cela détruit l'image que je garde de Baudelaire. Et aussi cela le rend presque inhumain, dans une violence contre l'ordre établi qui ne fait jamais de pas en arrière, cela détruit la vraisemblance au point qu'on n'y prête moins attention. Comme pour le Dali de Birmant et Oubrerie, mais presque plus encore parce que le dessin et la colorisation sont à la limite de l'abstraction par moment, et toujours dans un contraste exagéré avec beaucoup de noir dans les pages. Le propos et le dessin sont dans le même ton provocant et jusqu'auboutiste. Alors que si on lit des articles de Baudelaire dans la presse, il sait se contenir dans une prose tout simplement bourgeoise. C'est un peu pour ça que le parti pris de Jean Teulé ne me convainc pas. Pour les trois autres opus cités , l'idée de départ n'est pas très vraisemblable non plus, mais la construction de l'histoire, l'épaisseur des personnages secondaires réussissent à conforter le scénario. Mais je dois reconnaître que j'ai été séduite par les moments où les poèmes arrivent, et viennent reformuler une situation de la vie de leur auteur. On ressent le travail de Teulé qui reconstitue une situation, imaginée à partir des ambiguïtés du poème, et fait entrer tout ça dans une fiction à laquelle il essaie de donner une cohérence dans son scénario, sans réellement y parvenir. L'album est donc une rencontre entre deux grands personnages, pas toujours agréable mais malgré tout fascinante.
Quelques mois après la mort de Jean Teulé, la sortie de cet ouvrage prend une dimension tout à fait particulière. Cet auteur, qui avait débuté dans la bande dessinée au tournant des années 80, s’était par la suite converti au roman où il évoquait comme personne la vie de personnages illustres de l’Histoire. Et pourtant, le lien avec le neuvième art n’a jamais été véritablement rompu, beaucoup de ses romans ayant fait l’objet d’une adaptation en BD, la plus emblématique étant sans doute Charly 9, de Richard Guérineau, une fresque grandiose consacrée au roi Charles IX. Il y eut également Je, François Villon, de Luigi Critone, et Ô Verlaine, de Philippe Thirault et Olivier Deloye. « Crénom, Baudelaire ! », le roman, n’était paru qu’en 2020. Après plusieurs années d’absence, Dominique Gelli, dont c’est ici la deuxième adaptation d’un ouvrage de ce conteur hors pair qu’était Jean Teulé, après Mangez-le si vous voulez, récit incroyable d’un fait divers effrayant pendant la guerre franco-prussienne de 1870, aura eu avec cette BD l’opportunité de se remettre sur les rails tout en révélant le talent graphique dont il était capable. Et lorsqu’on découvre ce nouvel opus, on se dit que le précédent n’était en fait qu’une mise en bouche… Pour ce faire, Dominique s’est adjoint les services de son fils Tino (on est artiste dans la famille !), davantage tourné vers la peinture, « inspiré par le mysticisme et l’ésotérisme », peignant et composant « sa propre musique qui devient la bande originale de son œuvre picturale », selon les termes de l’éditeur. Ainsi, ce portrait composé à quatre mains est le fruit d’une alchimie père-fils qui semble avoir fonctionné à plein. La partition narrative au trait légèrement charbonneux, assuré par Dominique, est entrecoupée de planches le plus souvent en pleine page, dévoilant le travail du fiston, entre abstraction et symbolisme. Gelli père quant à lui, a visiblement été très inspiré par ce portrait, et sa maîtrise sur la couleur que l’on avait constatée dans Mangez-le si vous voulez donne ici sa pleine mesure. Les scènes en clair-obscur sont splendides, avec ces touches de vert fluorescent ou de rouge qui explosent sous la grisaille parisienne, sans parler des délicats effets de drapés (la robe démesurée et voluptueuse de Madame Baudelaire !). Jeanne Duval, le « soleil noir » de Baudelaire, apparaît tel une reine africaine antique, d’une flamboyance presque terrifiante à faire pâlir — et c’est le cas — tous ceux gravitant autour d’elle, d’autant qu’à l’époque les Noirs étaient extrêmement rares à Paris. Les quelques scènes sexuelles un peu crues ne contiennent aucune once de vulgarité, et en ce sens reflètent parfaitement le propos baudelairien. Si le roman a ici été très bien synthétisé dans sa narration, évitant même de reproduire les tics un brin agaçants de Teulé de recourir à des expressions modernes, surtout dans la première partie de son livre, il a été littéralement magnifié d’un point de vue graphique. On ne pourra être que subjugué par ce qui s’avère un des joyaux éditoriaux de l’année. Cette BD, premier volet d’une trilogie pour laquelle l’écrivain a dispensé ses conseils, constitue donc désormais un double hommage, dédié d’une part à un immense poète (malgré son caractère invivable) et d’autre part un talentueux conteur des temps modernes. Il va sans dire qu’on est impatient de découvrir la suite.
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