Humaine, trop humaine
Depuis septembre 2017, 'Philosophie Magazine' publie chaque mois deux pages de Catherine Meurisse.
BDs philosophiques Ecole Estienne Paris Ecole nationale supérieure des Arts décoratifs La BD au féminin
Cent pages de dialogues, de citations et de mises en scènes burlesques qui sondent et ébranlent les règles et les codes de la pensée philosophique universelle et l'image du corps. Socrate, Montaigne, Voltaire, Rousseau, Simone de Beauvoir, Barthes, Tocqueville, Simone Weil, Cioran, Deleuze, ... Ils sont tous là. Pour appréhender ces philosophes, Catherine propose de suivre les échanges incongrus entre certains d'entre eux et une jeune femme moderne, bien décidée à les déstabiliser, mais aussi des tableaux plus classiques de sujets incontournables. La légèreté et le rire seront la clé pour réussir l'exercice.
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Date de parution | 18 Novembre 2022 |
Statut histoire | Histoires courtes 1 tome paru |
Les avis
La joie, c’est tout ce qui consiste à remplir une puissance. - Ce tome est un recueil de scénettes de deux pages, chacune consacrée à un philosophe différent, qui était initialement parues dans Philosophie Magazine. Il comprend quarante-six entrées, toutes réalisées par Catherine Meurisse, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il se termine par une liste alphabétique des quarante-six philosophes ainsi évoqués. Les trois lignes de texte en bas de chaque deuxième page ont été rédigées par l’épicurienne Mathilde Chédru. L’autrice termine l’ouvrage en indiquant qu’elle sait qu’elle ne sait rien sinon ce qu’elle doit à René Pétillon. Mépilation métaphysique : une dame pénètre dans l’institut de beauté Sois belle et tais-toi. Elle passe en cabine pour se déshabiller et va s’allonger pour une épilation des jambes puis du maillot. Dans le même temps, le récitatif invite à commencer par la considération des choses les plus communes, à savoir les corps qu’on touche et qu’on voit. Prendre par exemple un morceau de cire. Mais voici qu’on l’approche du feu. Ce qui y restait de sa saveur s’exhale, sa couleur change, sa figure se perd. Il devient liquide, il s’échauffe, à peine le peut-on toucher. La même cire demeure-t-elle après ce changement ? il faut avouer qu’elle demeure et personne ne peut le nier. Qu’est-ce donc que l’on connaissait en ce morceau de cire avec tant de distinction ? – Mauvaises herbes : Voltaire est assis à sa table de travail et il écrit. Ayant terminé, il part se promener dans le parc, dans un salon, dans la rue, au bal, puis il monte sur scène. Tout du long, il repense à son écrit : il faut cultiver notre jardin, en répétant cette phrase comme un mantra, jusqu’à hurler à plein poumon à l’adresse du public : Make jardin great again! Abécédaire : bien installé dans son fauteuil, Gilles Deleuze discourt au profit de son interlocutrice. I, comme idée. L’idée traverse toutes les activités créatrices. Créer, c’est avoir une idée. L’idée, en philosophie, se présente sous forme de concepts. Un peintre n’a pas moins d’idées qu’un philosophe. L’artiste, lui, crée des percepts, c’est-à-dire un ensemble de perceptions et de sensations qui survient à ceux qui les éprouvent. D, comme désir. La philosophie du désir, ça consiste à dire aux gens : n’allez pas vous faire psychanalyser, n’interprétez jamais, expérimentez des agencements. - Les tweetées de Pascal : le philosophe est assis un banc dans un parc et il poste ses pensées sur les réseaux sociaux. L’amour-propre est un avertissement pathétique. Nous haïssons et la vérité et ceux qui la disent. Nous aimons qu’ils se trompent à notre avantage, et nous voulons être estimés d’eux. On nous traite comme nous voulons être traités. Nous voulons être flattés, on nous flatte. Nous aimons à être trompés, on nous trompe. La vie humaine n’est qu’une illusion perpétuelle : on ne fait que s’entre-tromper et s’entre-flatter. - Langue vivante : attablé à la terrasse du café Flore, Gottlob Frege s’adresse à la jeune femme assise avec lui. Elle se plaint qu’il l’a chauffée et que finalement il refuse d’aller plus loin. Le titre constitue une déclinaison de l’ouvrage Humain, trop humain, un livre pour esprits libres (1878/1886) écrit par Friedrich Nietzsche (1844-1900), avec une connotation féminine L’autrice réalise quarante-six scénettes, mettant en scène des philosophes de tout horizon, de Héraclite (-550 à -480) à Jean Baudrillard (1929-2007), en passant par René Descartes ou Gottlob Fregge. Elle intègre également un mythe, celui d’Ulysse, et les trois singes de la sagesse. Chaque philosophe dispose de ses deux pages en vis-à-vis, une courte mise en scène indépendante de toutes les autres, avec un titre, une forme d’intrigue, une chute, et trois lignes en bas de la deuxième page, la première indiquant son nom, son métier, ses dates de naissance et de mort, les deux suivantes exposant de manière très synthétique le concept mis en scène et l’ouvrage dans lequel il apparaît. Chaque page est constituée de cases alignées en bande, leur nombre pouvant varier d’un unique dessin en double page pour Edmund Husserl (1859-1938), à deux pages en gaufrier de trois bandes de trois cases chacune pour chaque page dans l’entrée consacrée à René Descartes (1596-1650). Une poignée d’entrées sont construites sur des cases de la largeur de la page, telle celle de Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831). Pour chaque présentation, l’autrice choisit un thème précis ou un concept de l’œuvre du philosophe considéré. Dans la majeure partie d’entre elles, elle prend le parti de mettre en scène ledit philosophe en train d’énoncer ce principe, en reprenant un texte extrait de son œuvre. Ainsi Søren Kierkegaard déclame ses idées sur le concept de l’angoisse, en haut d’un promontoire rocheux, écouté par une femme dont la randonnée l’a amenée là. Elle peut également adapter le discours en y insérant des thèmes modernes, comme le développement d’Aristote (-384 à -322) sur le logos, appliqué aux logos des marques. Sans surprise, le lecteur retrouve quelques grands classiques. On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, d’Aristote (-550 à -480) : elle l’éclaire avec une dimension écologique, l’eau claire et pure du fleuve devenant un dépotoir pour déchets de toute sorte. La réflexion d’Henri Bergson (1859-1941) sur le rire donne lieu à une transposition sous forme de numéros de stand-up interprétés par d’autres philosophes. Emmanuel Kant (1724-1804) n’hésite pas à se donner en spectacle au karaoké ce qui permet d’illustrer sa vie studieuse et routinière, entièrement consacrée à ses recherches. Catherine Meurisse choisit également d’autres philosophes à la pensée complexe, et moins dissouts dans la culture populaire. En pages 30 & 31, le lecteur voit une femme enceinte s’allonger sur la table d’un médecin pour une échographie. Les traits de contour restent légers et secs pour définir rapidement les deux silhouettes féminines, l’appareil médical, le lit, et l’écran sur lequel apparaît le fœtus en train d’écrire. Il évoque le point de vue du philosophe sur la mort : l’être humain ne court pas vers la mort, il fuit la catastrophe de la naissance. La mise en scène fait apparaître la force transgressive d’un tel point de vue au regard de la médecine moderne entièrement tournée vers la facilitation de ce qui est qualifiée de catastrophe. Le lecteur se dit que Catherine Meurisse n’a pas choisi ce philosophe et ce concept par hasard, qu’il répond à la pensée dominante visant à sacraliser toute vie. Dix pages plus loin, 40 & 41, le lecteur découvre l’avatar de l’autrice assise à une table de jardin dans un paysage campagnard vallonné. Face à elle se tient un monsieur qui lui expose sa théorie sur l’essence de l’homme, le Dasein. Elle intègre un élément humoristique jouant sur le personnage Charlie, créé par Martin Handford (Où est Charlie ?), tout en retranscrivant le caractère ardu de sa pensée qui remet fondamentalement en question la manière même de poser le problème de l’être et de sa vérité. En fonction de sa sensibilité, le lecteur peut voir dans cette démarche la volonté de l’autrice de dire, d’exposer la difficulté d’accessibilité de l’œuvre de certains philosophes qui n’en sont pas moins fascinants pour autant. Il en va de même avec le petit théâtre d’Edmund Husserl (1859-1938) qui expose ses difficultés pour faire apparaître aux spectateurs venus à son petit théâtre dans un parc, un nouveau mouvement de pensée philosophique qui, avant lui, était comprise comme la science de l’apparaître, mais que désormais il voudrait présenter comme la science de ce qui n’apparaît justement pas à première vue, une phénoménologie de l’inapparent. Le lecteur en vient à se demander si cette mise en scène du philosophe en prestidigitateur ne constituerait pas un commentaire pince-sans-rire de l’autrice, elle-même se demandant si cette phénoménologie sortie du chapeau ne serait pas à la fois séduisante et un tour de passe-passe. Avec le titre, l’autrice affiche un point de vue d’humaine. Le lecteur sourit en découvrant que l’exposé de René Descartes s’adresse à une femme qui partage son lit, et se déroule alors que le lecteur la suit au salon de beauté pour se faire épiler : il y a effectivement une composante féminine. Dans la troisième histoire, Deleuze s’adresse à une ophtalmologiste. Dans la cinquième, Frege prend un café en terrasse avec une femme qui s’énerve parce qu’il l’a allumée et qu’il se montre froid et distant. La sixième séquence est consacrée à Denis Diderot et à son discours sur les femmes. Ça commence fort : Les femmes : Impénétrables dans la dissimulation, cruelles dans la vengeance, sans scrupules sur les moyens de réussir. Animées d’une haine profonde contre le despotisme de l’homme. Les femmes portent au-dedans d’elles-mêmes un organe susceptible de spasmes terribles disposant d’elles, et suscitant dans leur imagination des fantômes de toute pièce. Les idées de justice, de vertu, de vice, de bonté, de méchanceté nagent à la surface de leur âme. Plus civilisées que nous en dehors, elles sont restées de vraies sauvages en dedans, toutes machiavéliques. Le symbole des femmes en général est celui de l’Apocalypse, sur le front de laquelle il est écrit : mystère. La chute de l’histoire montre trois femmes débranchant cet automate et rédigeant l’article sur le clitoris dans la Nouvelle Encyclopédie. La position du philosophe est traitée avec humour. Il en va de même pour l’évocation de la condition féminine par Saint Augustin (354-430, Augustin d’Hippone), au travers du mythe d’Ulysse, par Fénelon (Fénelon (1651-1715, François de Salignac de la Mothe-Fénelon), par Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865). L’autrice s’amuse bien également dans les deux pages consacrées à Simone de Beauvoir (1908-1986), pour renverser les rôles avec Jean-Paul Sartre. Le lecteur ne peut que constater l’actualité des propos de Simone Weil (1909-1943) sur l’absence de sens du travail à la chaîne. La philosophie en bande dessinée constitue un défi pour rendre compte de la complexité et de la richesse de la pensée, de son cheminement. Catherine Meurisse relève le défi, avec la gageure qui est de le faire en deux pages par philosophe. Dans un premier temps, le lecteur peut éprouver une sensation de désappointement : mettre en scène le philosophe, lui faire dire un extrait de son œuvre, et le faire interagir avec une interlocutrice ou avec son environnement pour arriver à une chute en forme de gag. Il lui faut un peu de temps pour ressentir l’effet cumulatif : le choix des philosophes entre évidence et complexité, la mise en scène très synthétique de sa pensée sur un concept bien cadré, l’interaction entre la mise en situation et ledit concept, la variété des thèmes abordés dont certains très ambitieux, et des situations correspondantes. La personnalité de l’autrice se devine en filigrane dans le choix des philosophes, le choix des concepts, la forme d’humour toujours gentille, et les piques bien méritées sur quelques philosophes livrant leur réflexion sur la femme.
Un album vraiment pas terrible qui me fait poser des questions sur la notoriété de Catherine Meurisse. J'aime bien son dessin, mais jusqu'à présent ses albums m'ont parus au mieux sympathique et au pire vraiment bof comme cet album. Il faut dire que je m'attendais à autre chose. La quatrième de couverture et le titre m'avaient donné l'impression que j'allais lire un cours sur le sexisme des philosophes au cours des âges et au final j'ai droit à des gags en deux pages sur des philosophes. Certains parlent de la vision des femmes de ses messieurs, mais il y aussi plusieurs qui n'ont rien à avoir avec le sujet alors je comprends pas du tout la présentation de l'album par l'éditeur. Cela m'aurait pas dérangé si au moins les gags étaient marrants, mais là j'ai même pas souris. Les chutes tombent à plat ou sont convenues. On est du niveau des pires moments du magazine Spirou et je suis surpris d'apprendre que ça été diffusé dans un magazine pour adulte. En même temps les jeunes risquent de na pas aimer lire les longues citations chiantes qui parsèment l'album. À lire si on aime les albums gags de Jul sur les philosophes. Tiens un autre auteur dont je ne comprends pas qu'il fait parti des quelques auteurs de BD qui semblent être le chouchou de certains médias parisiens.
Une lecture laborieuse. Je découvre Catherine Meurisse avec cet album. Elle est élue à l'académie des beaux-arts, section peinture, en 2020. La première femme a y être admise. Et cette première rencontre avec l'autrice n'est pas une réussite. Le Philosophie Magazine publiait chaque mois une histoire en deux pages de Catherine Meurisse à partir d'une citation d'un philosophe, certains que je connaissais et d'autres, inconnus au bataillon. Et toutes ces publications forment cet album. Une BD qui parle philosophie, pas forcément le truc qui me fait vibrer. Heureusement, elle emploie l'humour pour faire passer la pilule, mais malheureusement, je n'ai pas trouvé ça drôle. Un recueil qui permet de s'instruire et l'autrice arrive à mettre ces histoires aux goût du jour tout en pointant du doigt des sujets d'actualité comme le féminisme. J'ai légèrement souri à certaines histoires, sûrement parce que j'ai compris la chute, par contre pour les autres, je dois manquer de culture. Je me suis forcé par terminer ma lecture et ce n'est pas bon signe pour la note. Question dessin, je n'ai pas accroché, aucun plaisir et la colorisation n'arrange rien. Un album qui trouvera son public, je n'en fais pas partie. Et pour le mot de la fin : "Celui qui sait qu'il ne sait pas, éduque-le. Celui qui sait qu'il sait, écoute le. Celui qui ne sait pas qu'il sait, éveille-le. Celui qui ne sait pas qu'il ne sait pas, fuis-le".
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