Ratures indélébiles

Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 2 avis)

Prix France Bleu de la BD 2023 Pourquoi ça fait si mal ?


Adolescence Bichromie Harcèlement scolaire La BD au féminin Les petits éditeurs indépendants Prix France Bleu de la BD

Juliette et Mathilde sont amies depuis toujours. En cette rentrée en 4e, Mathilde a des envies de popularité et un crush pour le beau Thomas. Elle se rapproche alors de Karine, qu’elle semble admirer plus que tout. Juliette n’apprécie pas vraiment Karine, sa bande, et les airs rebelles qu’ils se donnent. Une incompréhension grandissante s’installe entre les deux amies. Peu à peu, c’est un étrange mécanisme d’exclusion qui se met en place, jusqu’à ce qu’une photo de Juliette, à demi-nue, soit prise dans les vestiaires… (texte : Jungle)

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 15 Septembre 2022
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Ratures indélébiles © Jungle 2022
Les notes
Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 2 avis)
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04/07/2023 | Spooky
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Par gruizzli
Note: 3/5
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Mon avis sera en deux parties et je m'en excuse. Mais j'ai un commentaire à faire sur les BD parlant de harcèlement et je ne peux pas le laisser passer sous silence. La BD est très bien faite. Tout comme d'autres lectures sorties récemment qui traitent du même sujet, on évoque les difficultés de communication, l'isolation progressive, la violence invisible, la douleur, etc ... C'est rude, la montée est progressive jusqu'à l'isolation complète et la perte de tout liens sociaux. La fin viendra remettre un peu d'espoir là-dessus en montrant que sortir est possible mais nécessite de l'aide, aide qui est rappelé à la fin de la BD par un encart sur les différentes personnes que l'on peut contacter. L'auteure a un trait sympathique qui colle bien au récit, notamment dans l'excellente représentation des volutes noires qui symbolisent les rejets progressifs des groupes. C'est visuellement très parlant, cette hostilité qui émane de gens que l'on peut croiser et qui vous dissuade de vous en approcher. Une réalisation qui colle parfaitement au ton du récit. Une BD bien faite et réussie sur la douloureuse question du harcèlement scolaire. Voila, critique de la BD terminée, maintenant je vais ajouter un avis personnel sur la BD. A la fin de ma lecture, j'étais irrité par la BD. Pourquoi irrité ? Parce que, comme beaucoup d'autres BD sur des thématiques aussi graves, il y a une volonté de la part des auteur(e)s de finir bien, montrer comment s'en sortir et donner l'impression que tout est réglé. Et ça, c'est faux. Déjà, il est rare qu'une personne extérieure intervienne. Des affaires récentes montrent que la plupart des harcelé(e)s le subiront en silence jusqu'à la sortie de leurs études. Le harcèlement détruit beaucoup de choses : la confiance en soi, la capacité sociale, l'empathie, la gestion émotionnelle. Il est rare que les victimes s'en sortent totalement, elles se trainent souvent pendant des années des phobies sociales, scolaires, des difficultés émotionnelles. Tout ça n'est jamais traité et mériterait de l'être. Il faudrait montrer l'après, la nécessité d'un suivi pour s'en sortir, l'aide qu'il faut demander autour de soi, la difficulté à établir des liens amicaux et amoureux suite à un harcèlement et un isolement social. Oui, il faudrait ... Mais alors je reproche juste à cette BD de bien finir ? Non, pas seulement. Je lui reproche de ne pas mettre l'accent sur la réalité du problème. Ce n'est pas juste un souci entre élève (et à cet égard La Fille et le Kibrille le traite bien mieux) avec des "méchants" et des "gentils". C'est bien trop simple. C'est un souci sociétal : notre système d'éducation laisse les collèges et les lycées être de véritables jungles. Les élèves sont coupés du monde adulte, on leur apprend qu'ils sont seuls et sans aide, il n'y a plus personnes pour les aider à quoi que ce soit. Ta sociabilité ne peut être faite qu'avec des gens de ton âge et si celle-ci se passe mal, c'est ton problème. Je pourrais continuer longtemps, mais le harcèlement n'est pas un problème interne à l'école, il découle directement de notre conception catastrophique de celle-ci. Ce que je reproche foncièrement à cette BD, comme à beaucoup d'autres, c'est de ne pas mettre en avant que l'école crée du harcèlement, de la violence, de la compétition, des malheureux, par sa simple existence. Parce qu'elle est conçue pour laisser développer et favoriser ces comportements. Et que les BD sur le harcèlement n'en parlent jamais me terrifie, parce qu'elles refusent de pointer du doigt l'origine du problème. Punir les coupables ne suffira pas. Donc oui, la BD est bien. Mais ce n'est pas assez et le sujet n'est pas développé comme il faudrait à mon sens. On peut et on doit faire plus, mais ça implique une remise en cause de notre sacro-sainte éducation, que visiblement personne ne veut s'autoriser.

16/01/2024 (modifier)
Par Spooky
Note: 4/5
L'avatar du posteur Spooky

Le sujet du harcèlement scolaire n'est pas nouveau en bande dessinée, il est même devenu relativement fréquent ces dernières années comme en témoigne ce thème, mais on n'a jamais trop d'histoires permettant de témoigner, d'accompagner, de comprendre, et de guérir. L'histoire de Juliette est assez exemplaire : suite à la rencontre de sa meilleur copine avec un garçon qui lui plaît, elle se retrouve un peu isolée. d'une nature réservée, pudique, elle se change dans les douches du gymnase plutôt que dans le vestiaire, et c'est là qu'une fille plus à l'aise, plus populaire, mais aussi malveillante en profite pour lui faire une sale blague. (tiens, ça me rappelle un célèbre roman d'horreur) Se retrouvant à moitié nue devant ses camarades, l'une d'entre elles la prend en photo, et à l'heure des réseaux sociaux, le cliché humiliant fait rapidement le tour du collège, et au-delà. Juliette est alors mise à l'index, insultée, harcelée, encore plus isolée. La spirale s'enclenche : déprime, perte d'appétit, résultats scolaires en chute libre, agressivité, idées noires... On ne peut s'empêcher d'avoir de l'empathie pour Juliette, qui est une victime du début à la fin dans cette histoire. Enfin non, pas jusqu'à la fin, car elle décide [ATTENTION SPOILER, mais c'est important], avant que ça ne finisse mal, d'enfin en parler à qui de droit, pour que les responsables, les harceleurs, soient mis face à leurs responsabilités. [FIN SPOILER] Ainsi Aurelle Gaillard propose donc à ses lectrices et lecteurs, qu'ils/elles soient dans la position de Juliette, celle des harceleurs/ses ou d'un témoin de tels agissements, de savoir quoi faire. Cette histoire peut être, et a certainement été celle de dizaines, de centaines, de milliers d'adolescentes de par le monde, et la première chose à faire est d'en parler à un adulte. Si le cheminement de l'histoire ce recèle pas vraiment de surprise, elle a tout de même la qualité de l'écriture, la clarté du propos et des situations, qui en font un bon "manuel de la marche à suivre". Camille K., qui n'avait jusque-là réalisé qu'un album en solo, prête son dessin assez expressif, en bichromie, et avec assez peu de décors (mais on s'en fiche, le propos est là avec les personnages) pour servir ce sujet qui n'est plus tabou mais constitue encore un véritable fléau pour la jeunesse. A noter en annexes de nombreuses ressources pour aller plus loin, et surtout, agir, lorsqu'une telle situation se présente. Je valide totalement.

04/07/2023 (modifier)