La Fabrique des Français - Histoire d’un peuple et d’une nation de 1870 à nos jours
L'histoire de l'immigration en France
Immigrants Institut Saint-Luc, Liège
Aujourd’hui, un quart de la population française trouve ses racines à l'extérieur du territoire. De la IIIe République à nos jours, cette fiction documentaire en bande dessinée illustre la construction d’une nation par le prisme de son immigration, de toutes les immigrations. Celle des Italiens, des Polonais, des Arméniens, des Russes, des Espagnols, des Portugais, des Algériens, des Maliens, des Cambodgiens... et de tous ceux venus y faire leur vie. En croisant enquête historique et contemporaine, les auteurs racontent la France « au pluriel » et la manière dont elle s’est construite depuis plus de 150 ans. Un document salutaire.
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Date de parution | 24 Mai 2023 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Je me suis lancé dans cette lecture sans vraiment savoir de ce qu’il s’agissait réellement, ce qui façonne l’identité française ? l’histoire de France ? ce que cela représente d’être français ? Finalement c’est rien de cela et en même temps ça l’est. Cela traite de l’immigration en France depuis la troisième république, à la fois de manière générale avec les mouvements d’immigrations au fil de l’histoire et des différentes lois et logiques, parfois positives et parfois négatives, qui s’appliquent au fil du temps, mais aussi de manière individuelle avec de nombreux mini-témoignage qui habille ce récit, cette bd peut intéresser quiconque s’intéresse au sujet, un ami à droite sur le spectre politique trouve l’angle un peu biaisé, le dessin est sympa et correspond bien à ce type d’ouvrage.
C’est un album très intéressant, qui reprend de façon chronologique la façon dont la France s’est construite depuis deux siècles, comment les immigrés/étrangers se sont insérés, ont été attirés/refoulés, les préjugés qui se sont construits autour d’eux, etc. C’est assez influencé par les écrits de Gérard Noiriel (dont plusieurs ouvrages sont cités dans la bibliographie de fin de volume), documenté et précis, sans pour autant être barbant (le dessin de Vassant, simple et efficace, y étant pour beaucoup). La constante de certains préjugés, qui s’appliquent pourtant au fil des décennies, à des populations très diverses (des migrants de « l’intérieur » aux différentes vagues migratoires européennes ou des anciennes colonies) est flagrante. Comme l’est l’utilisation par des politiques (d’extrême droite, mais pas que) de la « menace migratoire » pour masquer une absence de programme économique, ou pour ne pas parler des inégalités sociales. Et l’empilement des lois sur le sujet (une autre est à l’heure actuelle en préparation et remplit les médias, au détriment de plus réelles préoccupations) peut laisser pantois. C’est en tout cas une lecture qui donne des clés pour comprendre ce que pourrait être une vision sereine et positive de ce brassage d’individus, qui tous apportent leur pierre à l’édifice commun. En cela l’effacement cynique du rôle des colonisés et autres « étrangers » dans la Libération du territoire durant la seconde guerre mondiale, l’occultation des méfaits de la colonisation, du rôle des « immigrés » dans le fonctionnement de l’économie nationale (rappelons-nous les « premières lignes durant le confinement qui, comme certaines premières lignes de la premières guerre mondiale, étaient constituées de beaucoup de personnes qui n’étaient pas françaises de souche, ou ne l’étaient pas du tout, mais qui ont pourtant permis au pays de « s’en sortir ») sont pour beaucoup dans la façon biaisée de regarder le sujet. Bref, une lecture fortement recommandable !
Pure coïncidence, cette bande dessinée, je l’ai lue quelques jours avant les émeutes de début juillet. Et comme on a pu le voir, certains politiques, en particulier l’extrême-droite avec comme chef de file le venimeux Eric « Gargamel » Zemmour, n’ont pas manqué de brandir une fois de plus le thème du « grand remplacement ». Ces derniers seraient donc bien inspirés d’entamer la lecture de cet ouvrage passionnant et documenté, qui traite de l’immigration depuis 1870 à nos jours. Car c’est dans cette seconde moitié du XIXe siècle qu’ont commencé les premiers mouvements de population au sein de l’Hexagone. A l’époque déjà, les Bretons et les Auvergnats, qui venaient s’installer dans la capitale en quête d’une vie meilleure, suscitaient l’hostilité des Parisiens. Suivis par les Italiens, les Belges et les Polonais qui furent appelés par la République, car en effet, le besoin de main d’œuvre était criant dans une France en pleine phase d’industrialisation. En 1886, les étrangers représentaient déjà une population de 1,2 millions, tandis que la démographie des Français, elle, stagnait ! C’est dans ces années que fut voté, afin de contrer le droit du sang des nationalistes, le droit du sol, condition nécessaire pour mieux intégrer ces populations et accessoirement grossir les rangs de l’armée française… Bref, l’ouvrage est passionnant, entrecoupé d’anecdotes et de témoignages de célébrités et d’anonymes dont les parents et aïeux n’étaient pas « de souche » ! Saviez-vous par exemple que la baguette était liée à la construction du métro parisien et aux immigrés qui y travaillaient ? Ou encore que la musette (oui, celle des bals) a été créée avec l’apport de l’accordéon par les Italiens ? Sans parler évidemment du couscous, devenu plat préféré des Français (mais ça tout le monde le sait déjà…).En déroulant le fil de cette histoire de l’immigration, on prend conscience de la richesse que celle-ci a apporté à la nation, mais aussi du fait que les étrangers ont été régulièrement pointés du doigt par les politiques les plus démagogues, enclins à titiller les peurs et les bas instincts. La défense de l’identité « gauloise », cet argument électoral nécessitant peu de rigueur intellectuelle, a souvent fonctionné et bien hélas fonctionne encore, en se répercutant surtout sur les lois successives qui ont fini par transformer aujourd’hui l’acquisition de la nationalité française (ou de la simple carte de séjour) en parcours du combattant. En ce qui concerne la partition graphique, Sébastien Vassant, adepte du format documentaire et historique (« Juger Pétain », « Politique qualité », « La Veille du Grand Soir »…) produit un dessin hyper lisible et donc très approprié. Son style, moins relâché et artistique que dans d’autres de ses productions, est tout à fait conforme aux codes du genre. La mise en page est variée et accompagne bien le texte. Le bémol se situe au niveau des représentations des personnages, plus ou moins célèbres, qu’on a parfois beaucoup de mal à reconnaître. Cela ne retire rien à l’intérêt de ce document que l’on peut considérer comme un ouvrage de salut public, à l’heure où le gouvernement s’apprête à présenter un énième projet de loi immigration, déjà repoussé en raison des controverses qu’il a suscitées. Mais surtout en raison de la montée en puissance des discours haineux vis-à-vis d’une frange de la population issue de l’immigration récente « de couleur », des discours qui pourraient pour la première fois favoriser l’arrivée au pouvoir d’un parti d’extrême-droite aux prochaines présidentielles. Dans un tel contexte, on se prend à espérer que « La Fabrique des Français » soit largement diffusée dans les écoles et les bibliothèques de « France et de Navarre ». Un livre très instructif qui apaise le débat, à lire évidemment de toute urgence !
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