Bleu à la lumière du jour
Un conte noir, entremêlant récit d'horreur et dénonciation de l'oppression féminine et relevé d'une touche de fantastique.
Auteurs espagnols
Une époque indéterminée qui ressemble au Moyen Âge... Un château lentement rongé par la nature... Entre jalousie larvées et rancœurs familiales, les femmes attendent le retour des hommes, partis à la chasse. Elles attendent surtout un sacrifice rituel. Le sacrifice de Matilde, auquel sa sœur Teresa tente de la faire échapper.
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Date de parution | 18 Août 2023 |
Statut histoire | One shot (même univers que "The Black Holes" et "Nuit couleur larme") 1 tome paru |
01/09/2023
| Mac Arthur
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Les avis
Car il n'est rien de caché dans le monde, nul grand secret à découvrir. - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre d'une certaine manière, mettant en scène une variation d'un personnage récurrent chez l'auteur d'une autre manière. Sa publication initiale date de 2023 pour la version française. Il a été réalisé par Borja González pour le scénario, les dessins et les aplats de couleur. La traduction de l'espagnol a été réalisée par Christilla Vasserot. Il comprend cent-soixante-seize planches de bande dessinée. Il se termine avec une postface d'une page de l'auteur, ainsi que trois illustrations en pleine page. Cet auteur a précédemment réalisé The Black Holes (2019) avec Gloria, Laura et Cristina comme personnages, et Nuit couleur larme (2021) avec Matilda & Teresa. La nuit dans un bois, avec un château se découpant en ombre chinoise dans le lointain. Sur la plaine, trois cavaliers chevauchent au galop s'éloignant du domaine. Quelque part dans une pièce du château, une bouteille de vin est tombée à terre déversant son contenu sur le plancher. Les bougies sur le bougeoir sont éteintes. La pendule marque minuit moins deux. Au mur, le tableau d'un archer avec deux chiens à ses pieds. Deux coups retentissent à la pendule, une femme en long manteau se tient à l'entrée d'une immense arche, sur le perron. Dans le parc, une autre femme encapuchonnée se retourne pour un dernier regard, puis elle sort du domaine par un grand passage sans portail. Derrière elle, l'autre femme referme les deux vantaux de bois après être rentrée dans le château. Matilde continue de s'éloigner, passant devant un grand arbre aux branches torturées. le bruit de deux vantaux se refermant retentit dans la nuit. La jeune femme ne se retourne pas. Elle continue de marcher, traversant une longue étendue herbeuse plane. Elle atteint l'orée du bois et s'y enfonce. Matilde a rabaissé son capuchon laissant voir ses cheveux. Elle pénètre plus avant dans la forêt. Une mésange bleue la rejoint, attirant son attention par son chant. Elle s'adresse à l'oiseau, s'étonnant qu'il connaisse son nom. Elle ne l'avait jamais vu ici auparavant. Elle lui confirme qu'elle cherche la sortie. Elle écoute sa réponse, surprise de la direction qu'il lui suggère de prendre. La mésange s'envole devant elle et elle décide de la suivre comme si l'oiseau lui indiquait le chemin. Elle finit par rejoindre l'oiseau et elle constate que d'autres oiseaux sont perchés sur des branches. Elle se demande si ce chemin mène bien à l'extérieur. Elle arrive devant une pièce d'eau à la surface de laquelle se trouvent quelques nénuphars, un escalier d'une demi-douzaine de marches permet d'accéder à la surface de l'eau. Elle se retourne vers l'oiseau lui demandant s'il se fiche d'elle, si c'est ça la sortie, le lac ? Il vient se poser sur sa main et il la regarde avec son œil fixe et vide. Elle enlève son long manteau et descend quelques marches en récitant un texte : le vent toujours soupire dans la cime des arbres. L'eau est tout sourire à ses pieds. Et les hirondelles poussent des cris aigus. Voilà un récit bien étrange. le lecteur est immédiatement pris par la douceur onirique de la narration visuelle. Pour commencer, neuf pages dépourvues de tout mot, une séquence nocturne, l'absence de traits de visage pour chacune des deux femmes (pas de bouche, de nez, d’œil), certains éléments dépourvus de texture et de détail, des couleurs posées en aplat, l'hirondelle uniquement en ombre chinoise mais d'un bleu de Prusse, l'absence de nom donné aux deux personnages, l'absence de repère temporel, peut-être une époque médiévale. Cette sensation de monde rêvé perdure tout du long du récit : pas de trait de visage pour aucun personnage, soixante-quatre pages muettes soit un tiers de la pagination, de grandes cases aérées, vingt-trois dessins en pleine page, douze en double page, des pages structurées comme une juxtaposition d'images laissant la liberté à l'imagination du lecteur d'établir les liens de causes à effet entre elles, des éléments visuels récurrents comme l'hirondelle bien sûr, ainsi que son œil vide générant un motif de cercle trouvant son écho dans d'autres éléments visuels, également un cerf, un masque grotesque, des taches rouges de vin ou de sang, une épée fichée dans un bosquet de ronce ou dans un autel, des chiens de chasse, une flèche, quelques fleurs cueillies, des plumes, le crâne d'un cerf accroché au-dessus d'une cheminée, des troncs très droits en forêt comme des piliers ou des barreaux, etc. Par moments, le lecteur ressent l‘influence graphique du bédéiste Mike Mignola (créateur et auteur de Hellboy) et de son coloriste attitré Dave Stewart. La patte Mignola se discerne dans les grandes masses d'aplat de noir uniforme, dans l'usage d'éléments massifs dont la texture de pierre ou de bois est mise en évidence (les arbres, quelques statues), dans quelques cases avec un œil tout rond en très gros plan sans iris ni pupille, dans la mise en valeur d'un élément que le lecteur associe au registre des contes et légendes comme un cerf ou une épée. L'influence de Stewart se détecte dans l'usage d'aplats sans variation de nuances, d'une palette limitée, de quelques formes tranchant du contexte par leur couleur bleue ou rouge, effet utilisé avec une grande parcimonie. Ainsi que cette capacité extraordinaire à faire ressortir chaque élément avec une palette si restreinte. Pour autant, le lecteur n'éprouve jamais l'impression que le bédéiste réalise des cases ou des planches à la manière de. Il met en œuvre un vocabulaire graphique personnel, différent de celui Mignola soit par sa nature, soit par la manière de l'utiliser dans le contexte, ou par des cadrages propres. La narration visuelle s'avère très agréable, à la fois par le faible nombre de cases par page, ce qui donne une sensation d'espace, et également de rythme de lecture régulier, sans effet de lourdeur, et aussi parce que le lecteur ressent qu'il peut choisir son rythme. Il peut se laisser mener par son impatience de découvrir l'histoire et progresser à rythme soutenu en ne s'intéressant qu'à la dimension concrète et descriptive des pages, pour assimiler d'un simple coup d’œil les informations visuelles. Il peut aussi choisir de prendre son temps, en laissant agir l'atmosphère d'un lieu ou d'une situation. Il laisse alors son esprit vagabonder, entre associations d'idées et questions. Associer un château avec une princesse, une épée symbolique avec au choix un mythe comme celui d'Excalibur ou une forme phallique alors que les hommes sont absents du récit parce qu'ils sont partis à la chasse. Et encore le cercle comme étant la surface réfléchissante d'un miroir, mais aussi un œil complètement vide, ou encore le reflet de la Lune ou peut-être un symbole ésotérique, un trou béant, qui sait ? La mésange comme l'animal totémique de Matilde, ou peut-être un esprit animique qui la guider, ou autre chose ? Le mutisme de Matilde comme une stratégie psychologique pour ne pas participer au monde qui l'entoure, ou une preuve de ses faibles capacités cognitives ? Les questionnements gagnent alors en ampleur. Quelle est la part d'éléments réels et d'éléments imaginaires dans ce qui est montré ? Qu'est-ce que Matilde sait réellement de ce qui va advenir et du rôle qu'elle est sensée y tenir ? Sa soeur Teresa en sait-elle plus ? le fait de se réfugier dans le mutisme, peut-il permettre à Matilde de changer le cours des choses ? Est-ce une manière efficace de lutter contre la tradition en n'y participant pas ? D'ailleurs, à quelle époque le récit se déroule-t-il ? Le lecteur est sûr de son fait pour cette dernière question, jusqu'à ce que les deux sœurs atteignent la ville en page cent-trente-six. Très rapidement, le lecteur se rend compte que les caractéristiques narratives l'amènent à participer à la narration et à l'intrigue, à la fois par ses questionnements, et par ses projections émotionnelles, ses supputations sur les liens de cause à effet. La postface de l'auteur vient éclaircir une partie de ses intentions et ajouter à la confusion du lecteur sur d'autres points. Il indique qu'il considère son travail comme un journal émotionnel. Sur le fil conducteur très basique du destin de Matilde, le lecteur peut donc plutôt s'attacher aux états émotionnels qu'il ressent. Cependant le bédéiste ajoute que ce qui l'intéresse, c'est de d'attraper des sensations concrètes, souvent, voire toujours, confuses et fuyantes, comme un rêve capable de laisser une puissante sensation d'angoisse ou de nostalgie. Il continue : le personnage principal de ses histoires est Teresa, une fille totalement déconnectée de son époque, de sa réalité, voire d'elle-même, obsédée par le passé et incapable d'imaginer un futur. Une expérience de lecture sortant de l'ordinaire. Une narration visuelle onirique jouant entre des éléments évoqués et des éléments décrits précisément, des personnages sans visage, des animaux en silhouettes, un environnement entre château médiéval et forêt ancestrale. Une jeune femme qui ne prononce pas un mot, dont la vie quotidienne évoque le vol erratique d'un oiseau sans but, soumis à des contingences matérielles qu'il ne comprend pas, incapable d'établir un contact signifiant avec autrui, évoluant dans un monde dont certains éléments prennent la dimension de symboles récurrents indéchiffrables. Un voyage singulier.
Recommandé par mon libraire, je me suis laissé tenté par cet album. Mais au final, je rejoins le ressenti global des avis précédents : c'est beau, mais on peine à y retrouver ses petits... Je ne connaissais pas Borja González, belle occasion de découvrir un auteur espagnol, et j'avoue qu'un feuilletage sommaire de l'album m'avait mis à la bouche. Je trouve ses planches d'une rare élégance. Tant dans la composition de ses planches que dans l'harmonie de ses courbes ou des touches de couleur qu'il distille avec parcimonie, je suis tombé sous le charme. Malheureusement, le récit qu'il nous propose se révèle plus que nébuleux. Autant j'aime le fantastique et l'étrange, mais là j'avoue avoir l'impression de ne pas avoir compris grand chose au récit de cette étrange famille où les femmes attendent une cérémonie dans un château pendant que leurs hommes sont partis à la chasse. Tout cela semble se passer au Moyen Age, mais on finit par découvrir les vestiges de notre monde moderne lors d'une échappée hors la propriété de la protagoniste... Rêve, réalité, mythes, contes, vérité, mensonges, tout semble s'entremêler... Alors oui, l'ambiance oppressante que construit l'auteur est bien là, portée par ce graphisme envoutant. Mais pour autant on sort de cette lecture un peu hébété, sans trop savoir où l'auteur à voulu nous emmener ou nous raconter. Dommage.
En fin d'ouvrage Borja Gonzàlez nous fournit une brève explication de son mode créatif. Il invite ses lecteurs "à établir une connexion" avec son héroïne, Teresa. Pour ma part c'est raté. Je suis resté en dehors de l'aspect rationnel (y en a-t-il un ?) ou de l'aspect sensible et onirique d'un récit bien hermétique. Je n'ai jamais réussi à rentrer dans l'univers de l'auteur et je me suis assez vite ennuyé. Le texte est rare et quand il existe il est soit trivial soit abscons. Il y a peut-être une sonorité en espagnol qui donne du charme au texte mais ici je ne m'y suis pas retrouvé. La narration est purement graphique et développe une certaine élégance. Les personnages sans visage réussissent à dégager une belle expressivité corporelle. C'est à mes yeux le principal atout du récit. Une lecture difficile très austère dont je n'ai trouvé aucune clé de compréhension ni aucune vibration sensible. Une déception.
Je découvre l’univers de Borja González avec cet album, j’en suis sorti assez dubitatif. Il y a des choses que j’ai adoré, d’autres beaucoup moins. Le visuel est vraiment sympa, ça me fait pensé à du Mignola, l’ambiance un peu gothique aussi d’ailleurs. Chaque image est bien travaillée, l’auteur maîtrise son sujet, il a su se démarquer de son aîné et impose une certaine patte personnelle, avec ses personnages sans visages et une narration très lente. On peut déplorer une certaine absence d’émotions dans ce style et c’est un peu galère à reconnaître les personnages. J’ai même trouvé comique les fois où l’auteur fait référence à la couleur des yeux ou aux regards ?! C’est assez spécial mais en vrai ça ne me déplaît pas du tout, je ne demandais qu’à être envoûter totalement. Sauf que c’est le récit qui coince un peu, qu’est ce que c’est abscon !! Ok l’ambiance est bien posée, mélancolique toussa toussa, mais faut pas oublier à un moment de donner des clés aux lecteurs ?! Les « on ne sait pas pourquoi » de Mac Arthur sont très bien vus ;) Un univers bizarre, des femmes dans un château, les hommes à la chasse, alors que l’on pensait être au moyen âge. Nous croiserons immeubles et voitures à l’abandon. C’est beau, il y a du travail mais ça m’embête de le dire, c’est un peu chiant. Je n’ai pas trop saisi où l’auteur voulait nous embarquer, à moitié envoûté, tout en métaphore. Je jetterais quand même un œil à ses autres productions. 2,5
Troisième œuvre que je lis de Borja González et troisième fois que je n'y comprends pas grand chose... L'auteur nous invite à un voyage onirique dans un château hors du temps et de l'espace. Alors que l'on a l'impression d'être au Moyen-Age, des décors actuels (avec tags et carcasses de voitures) apparaissent à l'occasion. Au sein de ce château ne résident que des femmes et un enfant. Une de ces femmes doit être sacrifiée (on ne saura jamais pourquoi), provoquant la jalousie d'une autre (on ne sait pas trop pourquoi) tandis qu'une troisième, personnage récurrent dans les albums de l'auteur, cherche très mollement à la sauver (et aussi à la peindre)... et on ne sait trop pourquoi. L'auteur déclare dans sa postface rechercher prioritairement à créer une ambiance d'horreur et de mélancolie grâce à ses œuvres. De mélancolie, il est bien question. D'horreur pas spécialement, je parlerais plutôt d'une étrangeté déstabilisante. Le rythme excessivement lent, les dialogues abscons, l'absence d'émotion dans le chef des personnages ont rendu ma lecture très détachée. Seul le dessin parvenait à capter mon attention. Car, au niveau visuel, Borja González a un style, une patte, une esthétisme indéniables. Ses œuvres sont incompréhensibles à mes yeux mais c'est beau à voir. La mise en page est aérée, le trait est élégant, les compositions sont soignées. Si je parvenais à saisir ne fusse que 40% de ce qu'il cherche à nous dire derrière ces illustrations, je serais sans doute emballé. Mais là, désolé, je capte rien... NB : le titre de l'album fait directement référence à la couleur des yeux d'une des protagonistes... Borja González dessine tous ses personnages sans visage (juste un ovale dépourvu de nez, de bouche, ... et d'yeux). Voilà, voilà... Trop intello pour moi, sans doute, ou trop 'artistique', mon ressenti au final est juste que c'est beau mais frustrant (et quand même parfois bien chiant sur les bords).
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