A quoi pensent les russes
Notre globe-trotter des pays en crise reprend du service en Russie, alors en pleine invasion de l’Ukraine, pour sonder les états d'âme de ses habitants...
Carnets de voyages Documentaires Format à l’italienne La Boite à Bulles Les petits éditeurs indépendants Les prix lecteurs BDTheque 2023 Photo et dessin Russie Témoignages
Fin juin 2022, alors que les télévisions de l’aéroport de Dubaï annoncent les dernières avancées russes en Ukraine, Nicolas Wild s’apprête à embarquer pour Saint-Pétersbourg. Si les frontières russes sont fermées aux journalistes occidentaux, la réglementation n'a pas changé pour les artistes. Équipé de son attirail de dessinateur et un poil stressé, l’auteur de Kaboul Disco part à la rencontre d’un peuple coupé du jour au lendemain d'une grande partie du monde. Durant deux semaines, accompagné d’une interprète, il ira à la rencontre d’un large panel de résidents russes : membres de la société civile, artistes, opposants politiques, militaires, expatriés et simples citoyens, tous passeront sous le crayon de Nicolas pour exprimer leurs vues sur la guerre en Ukraine et la situation de leur pays. Parfois amusant, parfois triste voire inquiétant mais toujours instructif, "À quoi pensent les Russes" est un album nécessaire qui offre un contrepoint saisissant sur la situation aux frontières de l’Europe, et qui dresse le portrait juste et sans détour d’un peuple divisé, qui approuve ou subit la dérive autoritaire de ses dirigeants. Texte : Editeur.
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Date de parution | 04 Octobre 2023 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
3.5 Un bon carnet de voyage sur ce que pensent certains habitants de la Russie après l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Le seul gros défaut de l'album est que c'est daté parce que les témoignages datent du début du conflit et j'aimerais bien voir ce que pense maintenant tout ce beau monde maintenant que cette guerre censé être facile pour les russes dure depuis plus de 2 ans. A part cela, c'est vraiment un bon carnet de voyage qui va plaire aux fans du genre. Il y a une belle diversité dans les témoignages et parlant de diversité on va aussi apercevoir quelques minorités culturelles pas très connu en dehors de la Russie et j'ai vraiment aimé. Le dessin est vraiment sympathique. J'espère que l'auteur va faire une suite !
C'est ma première incursion chez Nicolas Wild. Le dessin ne m'attirait pas des masses, je le trouvais un peu quelconque. En fait, il est pas si mal. Il s'acquitte en tous cas très très bien de sa fonction. Le format est adapté pour ce type de récit, à savoir un carnet de voyage, grosso modo. Ca n'a l'air de rien, mais ça aide à "mettre dedans". J'ai entamé ma lecture sans a priori, et je ne voyais ni profondeur, ni but, simplement une collection de témoignage un peu plat. Et là encore, en fait non ! Nicolas Wild parvient à brosser un portrait très nuancé de la population russe. En ce moment, c'est vraiment un ouvrage salutaire : un peu de finesse dans un monde de brutes ! On apprend ainsi que les russes ont entrainé des syriens à l'utilisation de la kalachnikov (??!!!), dans un centre de "vacances" pour la jeunesse en Crimée... Le chapitre consacré aux Bachkirs par exemple, est également un grand moment de cette lecture. Ce peuple amalgamé à la Russie, défend l'Empire Russe en temps de guerre, mais résiste bec et ongles à ses tentatives hégémoniques en temps de paix. Ainsi, à l'image de cet étonnant passage sur la visite de l'auteur en Bachkirie (rien à voir avec le fromage à la vache rouge hein ?), on passe son temps à s'étonner, s'offusquer, se féliciter. On est surpris, et bon nombre d'a priori volent en éclats. Je ressors de cette lecture avec cette impression gratifiante d'être moins con. C'est quand même un bon signe, non ?
Je me permets de mentionner en ouverture un détail très important : le prix de l'album me semble quelque peu excessif. Le format à l'italienne, réduit, et la pagination pas tellement importante ne me semblent pas justifier le prix que je trouve trop élevé à mon goût. Pour la BD en elle-même, maintenant, j'ai beaucoup apprécié. Comme à son habitude, Nicolas Wild déambule et pose son regard mi-candide mi-sérieux sur le monde qui l'entoure, ici la Russie de Poutine post-invasion ukrainienne. Son récit est plus une compilation de rencontres et d'échanges qu'une véritable enquête, mais elle met en lumière que les Russes, tout comme les français finalement, sont divers et pluriels. Que pense le Russe ? Ça dépend duquel on parle. L'ensemble des personnes croisées montre une fracture de la société, accentuée par la guerre : une disparité ville-campagne mais aussi entre pro-occidentaux (notamment dans la culture) et pro-Poutine, plus patriote. Pour autant, rien n'est simple, comme cette gamine chantant en français mais résolument patriote, comme tant d'autres enfants sans doute, portée par les valeurs qu'on lui inculque. Il en ressort une sorte de tableau mêlé, dont il ressort une fantastique bouffée d'humanité et un rappel que ces Russes ne sont pas foncièrement des ennemis, juste des humains dans un pays qui est dirigé par Poutine. Comme le rappelait Zerocalcare dans son Kobane Calling, il y a un fossé entre un leader et son peuple. Oserait-on dire que Macron nous représente ? Cela dit, la BD me laisse légèrement sur ma faim. C'est une collection de rencontres certes intéressantes mais l'ensemble ne dépasse jamais vraiment ce cadre, contrairement à d'autres BD de l'auteur qui prennent du recul et rajoutent quelques informations sur l'ensemble. J'aurais aimé plus et la BD laisse un petit goût d'inachevé alors que d'autres BD reportages m'ont déjà bien plus parlé, celles de l'auteur notamment. Pas indispensable à mon avis mais de bon ton pour comprendre un peu mieux cette Russie dont on semble trop faire un mystère.
"We share the same biology, regardless of ideology But what might save us, me and you Is if the Russians love their children too" Difficile de ne pas penser au titre de Sting (40 ans déjà !) lorsqu’on observe les vieux réflexes soviétiques d’un Poutine qui, sous sa belliqueuse présidence, a relégué aux oubliettes les accords START, signés en 1991 entre Gorbatchev et Bush père. Alors que la guerre en Ukraine, cette fameuse « opération spéciale », semble ne plus vouloir en finir avec ses atroces crimes de guerre perpétrés inlassablement par le susnommé, tsar sanglant de ce début de millénaire, ceux qui pensent que « les Russes aussi aiment leurs enfants » auront forcément envie de se plonger dans le nouvel album de Nicolas Wild, auteur de talent qui a fait du reportage dessiné sa marque de fabrique. Atypique dans sa présentation, d’abord par son format à l’italienne qui vient contredire sa densité, l’album ne se lit pas aussi vite qu’on pourrait le croire. Et ce n’est pas le seul trompe-l’œil puisque l’objet est également un faux N&B (il comporte maintes touches de couleur), avec des personnages à l’apparence majoritairement humaine mais quelques autres affublés de têtes d’animaux dont le personnage central, Chat, « la fixeuse aux pattes de velours » représentée en chat (logique, non ?). Peut-être une manière pour Wild, inconsciente ou non, de nous inviter à ne pas se fier aux apparences (lui-même dissimulant un reporter derrière le masque d’artiste), dans ce gigantesque pays où l’on aurait tendance à croire que la propagande poutinienne a colonisé les esprits… Parce que comme on s’en doute, l’auteur avait besoin d’une « fixeuse », ne pouvant guère se promener librement pour interroger qui bon lui semblait dans un tel contexte, même si Saint-Pétersbourg, son point d’atterrissage en Russie, ressemble plus aujourd’hui à n’importe quelle ville occidentale qu’à la Leningrad de l’ex-URSS. En apparence seulement, bien sûr… et notre frenchie va s’en rendre compte très vite, puisqu’au fil de ses rencontres plus ou moins aléatoires, il constatera que la répression a redoublé à l’encontre des opposants politiques et de tous ceux qui ne rentrent pas dans le rang depuis le début de la guerre. Il y a par exemple Anna, la jeune artiste et activiste LGBT, Elena, « la grand-mère de l’opposition », ancienne professeur d’arts plastiques et devenue célèbre sur les réseaux à force de se faire embarquer au poste, mais aussi Loubna, la « chanteuse patriote », rencontrée par hasard via sa mère dans le train vers Moscou. Consciente d’une certaine mainmise du maître du Kremlin sur les médias, la maman semble pourtant accepter la situation, peu encline à s’exprimer (par peur, déni ou indifférence ?), tandis que Loubna, qui adore chanter du Lara Fabian, veut rejoindre l’armée si elle ne réussit pas dans la musique. Son rêve ultime : acquérir sa datcha « en lisière de forêt »… Ainsi, Nicolas Wild ira promener ses guêtres autour de la capitale russe, avec une escapade dans la lointaine Bachkirie, notamment dans le petit bourg de Paris (Parij), fondé à l’époque napoléonienne ! Notre globe-trotter va ainsi rencontrer des citoyens russes pour tenter d’ausculter l’état d’esprit ambiant dans ce contexte particulier, avec à la clé quelques anecdotes amusantes ou surprenantes. « Kaboul Disco » semble déjà bien loin, le trait est plus affiné, le ton plus grave. C’est clair, les temps ont changé. Nicolas Wild a abandonné les saillies potaches (et ironiques aussi) pour un humour plus dilué, plus en phase avec une réalité qui ne peut guère prêter à rire. Quand l’auteur évoquait l’Afghanistan en 2005, les Talibans avaient été chassés de la capitale même si leur pouvoir de nuisance était resté intact, mais néanmoins il s’agissait bien d’une parenthèse « enchantée » avant leur retour désastreux d’il y a deux ans. D’un point de vue graphique, Wild a également introduit une touche artistique en intégrant des reproductions (en couleur) de peintures (celles d’Elena, la fameuse grand-mère citée plus haut, ainsi qu’un portrait de la poétesse Anna Akhmatova par le peintre ukrainien Natan Altman) voire ses jolies dédicaces évoquant Jean Cocteau ! A la manière d’un Emmanuel Guibert, il insère également des photos et documents divers, produisant ainsi une agréable sensation de variété formelle. Ce docu instructif se conclut sur le mégalo-projet édifiant de Poutine plombé par le Covid, le « Parc des patriotes ». On n’en dira pas plus, mais cette dernière image nous fait ressortir consternés de cette lecture, à l’image de Nicolas Wild qui se sépare de sa fixeuse comme s’il venait d’avaler à lui tout seul une marmite entière de bœuf Strogonov. Au final, on n'est pas vraiment sûr de ce que pensent les Russes, mais on constate qu’ils n’en pensent pas moins et que surtout, ils ne sont pas si différents de nous, Européens…. Et s’il le fallait, cet ouvrage ne fait que prouver que le docu-BD, plus furtif et donc, d'une certaine manière, plus redoutable pour les puissants, n’a plus grand chose à envier aux traditionnels reportages photographiques, écrits ou audiovisuels.
Je suis de près l'actualité du conflit en Ukraine et cela inclut notamment le suivi du discours russe, qu'il s'agisse de la propagande officielle mais aussi quelques interviews dans la rue de civils russes par des vidéastes militants qui cherchent à sonder l'opinion publique de leurs villes. J'avais donc une certaine vision de ce que pouvaient penser les russes mais comme tout ce qui vient d'Internet, j'apprécie d'avoir un autre point de vue qui puisse confirmer, contrebalancer voire compléter ces infos comme c'est le cas avec cette BD. Premier constat, Nicolas Wild s'est rendu en Russie en juin 2022 donc seulement 3 mois après le début de "l'opération spéciale" : cela implique que les Russes à qui il parle sont encore dans une position où leur opinion oscille entre celle qu'ils avaient avant l'invasion de l'Ukraine et une vision encore très partielle des conséquences de cette guerre. Cela se ressent notamment dans l'intéressante interview du couple indien qui fréquente le milieu des affaires et se réjouit des investissements internes à la Russie à une époque où justement l'état Russe injectait un maximum de fonds pour contrer les sanctions internationales et où la situation financière Russe et celle du rouble en particulier n'était pas encore aussi compliquée qu'aujourd'hui. Il n'était pas encore question non plus de mobilisation partielle et de l'effet qu'elle a eu sur la population en âge d'aller se battre. Pas plus qu'il n'était question évidemment des pertes humaines, des attaques sur le territoire russe ou de la reprise de terrain par l'armée ukrainienne... Dans un conflit et un monde qui bougent aussi vite, cette période de plus d'un an entre le recueil de ces opinions russes et la publication de cette BD lui donne déjà un aspect un peu désuet mais bien évidemment pas inintéressant pour autant puisqu'il permet d'en faire une photographie de l'époque. Sur les premières pages, j'étais un peu déçu de voir l'auteur interviewer des opposants politiques et autres intellectuels urbains car ce sont justement les plus critiques envers leur pays et qu'ils ne reflètent pas le patriotisme aveugle et revanchard des russes moins éduqués et des populations rurales endoctrinées par les médias officiels. Mais la BD aborde justement ce fait, quoiqu'un peu brièvement, et permet aussi au fil des pages de découvrir les paroles d'autres russes moins engagés et plus proches du conformisme souhaité par l'état poutinien ou plus éloignés des grandes villes également. Par chance justement, l'auteur ne se contente pas de rester à Saint-Pétersbourg et Moscou mais il lui est donné l'occasion de découvrir aussi la Bachkirie et de me faire découvrir à travers lui une petite part de la réalité des régions russes et notamment de celle-ci qui a l'air très jolie et différente des étendues ex-soviétiques sordides qu'on envisage si facilement. Sur la forme maintenant, autant j'apprécie le dessin de Nicolas Wild, autant l'aspect BD apporte relativement peu à cette lecture qui est avant tout une suite de dialogues pour lesquels le dessin fournit juste un support illustratif qui allège un peu la lecture mais sans raconter sa propre histoire. Bref, j'ai été plutôt intéressé mais pas foncièrement passionné non plus, voire un peu ennuyé lors des quelques interviews plus politiques des quelques militants ou avocats. Nicolas Wilde conclut son album par un "à bientôt". S'il en a l'occasion, je serai en effet très curieux de le voir revenir en Russie et voir comment les choses ont évolué, que ce soit avant ou après la fin de la guerre en Ukraine.
J'avais quitté Nicolas Wild en compagnie des femmes battues de Seine-saint-Denis (voir À la Maison des femmes) pour le retrouver dans un autre exercice aussi périlleux. Il ne faut pas s'y tromper: son carnet graphique n'est qu'une couverture pour un reportage journalistique sur la situation et le moral d'une partie de la population russe depuis le début de "l'opération spéciale" en Ukraine. Cette sémantique m'a immédiatement renvoyé à une autre formulation très célèbre d"opération de mantien de l'ordre " (ou de "pacification")utilisée alors par des gouvernements qui se cachaient derrière les mots. J'ai été happé par le déroulé des rencontres (risquées) de Nicolas Wild. Ses rencontres sont très variées et représentent un panel éclectique de la population russe. Bien sûr l'auteur donne la parole à nombre d'opposants à Poutine et à la guerre mais pas seulement. Ce n'est d'ailleurs pas un sondage représentatif mais une série d'analyses raisonnées ou émotionnelles qui traduit l'esprit de la population bien mieux que ce que j'avais pu lire ou entendre jusque là. Wild ne se borne pas à la guerre en Ukraine mais laisse ses interlocuteurs revenir sur des événements traumatisants pour le peuple russe comme la guerre en Afghanistan ou l'éclatement de l'URSS en 1991. Wild montre aussi que la Russie de Poutine n'est pas aussi isolée que cela et qu'une partie importante de la population vénère l'image militariste qu'incarne leur homme fort. Un ouvrage de Wild ne serait pas complet sans quelques traits d'humour souvent dans l'autodérision. Ici c'est assez rare ce qui souligne le poid des mots qui peuvent coûter plusieurs années de prisons. J'ai trouvé que le graphisme de Wild avait atteint une maturité encore inédite. C'est surtout vrai dans le soin apporté aux détails des décors et des extérieurs qui sont nombreux dans l'ouvrage. Les personnages sont toujours aussi expressifs et Wild se met en scène de façon juste laissant à ses interlocuteurs le centre de l'attention du lecteur. Une excellente lecture pour un ouvrage de référence à mon avis sur une situation qui nous concerne au premier chef.
Quel plaisir de retrouver la verve de Nicolas Wild dans ce nouvel album dont le titre annonce clairement la couleur : l’auteur s’est rendu en Russie (pourtant fermée aux journalistes) en 2022 pour découvrir « A quoi pensent les russes ». Lors de sa visite, il a rencontré des politiciens, des artistes, des journalistes, des activistes, mais aussi des simples citoyens, et il est fascinant de découvrir les avis variés et divisés sur la question épineuse de « l’opération militaire spéciale » en Ukraine. L’auteur se contente de poser ses questions, il ne juge pas, il n’influence pas. On retrouve son humour décalé, parfois incongru (comme si rajouté après coup) mais qui rend cette lecture agréable et fluide. Il en profite également pour faire du tourisme, on visite donc la Russie avec lui… il a d’ailleurs eu la bonne idée d’intégrer des photos dans ses planches (à la manière du superbe « Le Photographe »). Un album fascinant et instructif, qui donne la parole aux gens et nous montre la propagande Russe de l’intérieur.
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