Rwanda - À la poursuite des génocidaires
Trente ans après, le combat pour la justice continue.
Afrique Noire BD Reportage et journalisme d'investigation Documentaires Génocide des Tutsis au Rwanda Les petits éditeurs indépendants
"Depuis 1994, il n'est pas un jour où nous n'avons pas prononcé le mot 'génocide'" Dafroza et Alain Gauthier. Rwanda, à la poursuite des génocidaires raconte le travail d'enquête d'Alain et Dafroza Gauthier qui traquent depuis plus de 20 ans les génocidaires rwandais cachés en France. Les proches de Dafroza ont été décimés en 1994 alors qu'elle vivait à Reims avec son mari et ses 3 enfants. Le couple a rapidement réalisé que des tueurs avaient trouvé refuge en France et a décidé de tout faire pour que la justice soit rendue. Plusieurs fois par an, Alain et Dafroza se rendent au Rwanda pour récolter des preuves et des témoignages permettant d'ouvrir des informations judiciaires menant, en principe, à des procès. Mais ils rencontrent des obstacles innombrables : la lenteur de la justice, les hésitations politiques, les menaces, l'épuisement. Cet album, à travers leur histoire, permet de comprendre non seulement le déroulé du génocide, sa préparation, sa mise en place, mais aussi de prendre conscience de l'injustice française : alors que l'on estime qu'entre 200 et 400 génocidaires présumés vivraient sur notre sol, la France refuse de les extrader vers le Rwanda tout en mettant des années, parfois des dizaines d'années, à les juger elle-même. Cet album est avant tout une histoire humaine. Celle d'un couple ordinaire Dafroza et Alain Gauthier qui a décidé de consacrer toute sa vie et toute son énergie à la lutte pour la justice. Alain le dit lui-même : "depuis 1994, il n'est pas un jour où nous n'avons pas prononcé le mot 'génocide''. (texte : Steinkis)
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Date de parution | 21 Septembre 2023 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Un avis pour donner un habit à ces corps dépecés, désarticulés, demembrés, souillés, profanés, dénudés, niés. Le génocide des Tutsis au Rwanda par les Hutus, du 7 avril au 17 juillet 1994, a fait un million de morts (hommes, femmes et enfants). Un million de morts en 102 jours. En seulement 102 jours, soit 9803 morts par jour. Un nombre affolant qui n'est qu'une moyenne, il faut savoir que 80% des massacres étaient accompli à la mi-mai. La machine d'extermination mise en place pour le pouvoir rwandais a été d'une efficacité mortifère. Et pendant ces crimes, la communauté internationale était dans l'inaction et la France a fermé les yeux, en raison des liens historiques entre Paris et le régime du président rwandais, sous la présidence du controversé François Mitterrand. Une France qui accueillera entre 200 à 400 de ces génocidaires en toute impunité. Et c'est justement pour cela qu'Alain et Dafroza Gauthier se battent, ils veulent faire comparaître devant les tribunaux les individus ayant joué un rôle actif dans le génocide. En 2001, ils vont créer le Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda (CPCR). Ils déposent des plaintes contre ces individus résidants en France, mais c'est un combat de chaque instant. ils se rendent plusieurs fois par an au Rwanda pour trouver des témoignages, ils se heurtent à la lenteur de la justice, le premier procès n'aura lieu qu'en 2014. Je ne peux être qu'admiratif devant le courage de ce couple et de sa pugnacité à vouloir rendre justice à ce million de voix éteintes. Un album instructif qui se lit facilement malgré la dureté du sujet. Mais surtout, un album qui questionne... sur nos politiques, sur le peu de médiatisation, sur la haine de l'autre et de la monstruosité dont l'homme est capable. Heureusement, Alain et Dafroza Gauthier sont la petite flamme qui donne espoir en un monde meilleur. Un dessin qui ne fait pas partie de ceux qui me met des étoiles dans les yeux. Mais un dessin efficace, qui va droit à l'essentiel avec son trait charbonneux très expressif et une couleur ocre omniprésente, une couleur de désolation. Un dessin qui nous montre l'horreur sans jamais tomber dans la surenchère du sordide. Une chronologie qui résume très bien les racines de cette haine Hutus/Tutsis en fin d'album. Une lecture plus que recommandable.
En lisant ce récit marquant et en suivant ce couple qui pourchasse les responsables du génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda, je n’ai pu m’empêcher de penser au couple Klarsfeld (comme Serge Klarsfeld, Dafroza Gauthier a perdu sa famille dans ce génocide). L’autre point commun hélas, c’est que des gens « ordinaires » sont obligés de se substituer à la justice et aux Etats, défaillants (quand ils ne sont pas a minima complices comme la France au Rwanda) pour que les victimes ne soient pas en plus privées de justice, un certain nombre de ceux qui ont participé au génocide coulant des jours heureux en France, sans même se cacher ni changer d’identité d’ailleurs ! Au travers de leurs recherches au Rwanda, lorsqu’ils cherchent des témoins pour pouvoir poursuivre les criminels, c’est tout le mécanisme du génocide qui est montré. Qui est incarné aussi, puisque nous suivons des évènements précis, avec des visages, des noms – et des chiffres hallucinants (des dizaines de milliers de personnes tuées en quelques jours, un million en quelques semaines. Et les méthodes pour tuer, torturer sont elles aussi hallucinantes. L’album rappelle aussi que les massacres avaient commencé bien avant – à plus petite échelle, et le rôle des colonisateurs – avant même celui de la France, qui a couvert le crime et a permis aux criminels de s’enfuir – est accablant. Une lecture hautement recommandable, qui donne à réfléchir. Et qui questionne aussi sur notre silence concernant ce génocide (parce que ce sont des Noirs ? parce que nous avons mauvaise conscience ? parce que ce qui se passe ailleurs, loin, n’a pas d’importance ? Que de mauvaises raisons en fait).
C'est l'avis de Spooky qui m'a incité à lire cette BD et je ne le regrette pas du tout ! L'ouvrage le rappelle très justement, le terrible génocide des Tutsi a été perpétré avec l’accord tacite de « Tonton », qui a fermé les yeux alors qu’il était au courant. Qui plus est, la France a équipé et entrainé l’armée rwandaise, sans bouger le petit doigt lorsqu’a débuté ce massacre à grande échelle dont la réalité dépasse la fiction dans le registre de la saloperie humaine. En 40 jours seulement, un million de Tutsi furent méthodiquement et systématiquement assassinés par un gouvernement qui incitait la population hutue à participer à cette campagne d’extermination vengeresse, pour des raisons remontant à des politiques coloniales totalement arbitraires, considérant les Tutsi comme une « race » supérieure… Dans leur combat judiciaire, Alain et Dafroza Gauthier apparaissent véritablement comme des héros. Dafroza, d’origine rwandaise et tutsie, a perdu toute sa famille. Elle mène ce combat aux côtés de son mari, un travail de longue haleine réclamant toute leur énergie et leur valant parfois des menaces de mort. A ce jour, seulement 5 procès ont été instruits sur les 35 plaintes déposées par le CPCR. « Le génocide s’est accaparé la vie des Gauthier », qui par leur action, font un travail que le gouvernement français rechigne à entreprendre, fort logiquement puisqu’il a accueilli sur son sol « entre 200 et 400 génocidaires », dont certains exercent dans la médecine ou le professorat, d’autres occupant même la fonction de prêtres « qui disent encore la messe » ! On croit rêver, non ? Tout en évoquant le quotidien de ces héros ordinaires, Thomas Zribi nous livre un déroulé méticuleux du contexte et des faits, avec plusieurs témoignages glaçants des survivants. Même si cet épisode extrêmement tragique du vingtième siècle finissant a marqué l’Histoire, la façon dont les auteurs le présentent permet une immersion très prégnante du lecteur, renforcée par un dessin au fort pouvoir évocateur, et tout cela dépasse à ce point l’entendement que l’on est happé par cet ouvrage qui se lit d’une traite et provoque inévitablement un choc émotionnel. Dans des tonalités à dominante ocre, souvent sombres, laissant cette impression que la couleur du sang s’est diluée dans la terre, le dessin de Damien Roudeau nous confronte sans voyeurisme à cette horreur mieux que ne l’aurait fait un texte historique. En les mettant en scène, il rend un hommage vibrant à ces deux citoyens d’une humilité touchante, animés par la flamme de la justice réparatrice, deux qualités qui forcent le respect, mais il donne également un visage à ces millions d’anonymes victimes d’un désastre géopolitique honteux et aux survivants ayant le courage de témoigner, se faisant ainsi le relais de l’action des Gauthier. Par ailleurs, en représentant certains génocidaires face à la justice française (notamment Laurent Buciyibaruta, ancien préfet d’une région où l’on a tué le plus), il les extirpe de leur confortable anonymat dont ils auraient préféré ne jamais sortir. Imaginer que ces assassins, qui pourraient ressembler à votre voisin, auraient pu croiser votre chemin en se promenant le plus tranquillement du monde fait froid dans le dos et provoque un sentiment de révolte… « Rwanda, à la poursuite des génocidaires » est un livre-choc qui mérite largement un coup de projecteur. L’ouvrage ne laisse pas indemne mais ne fait que renforcer l’idée que la justice est une étape essentielle pour apaiser la douleur des survivants et permettre à ce pays de se réconcilier avec lui-même, même si les cicatrices auront marqué durablement son Histoire. Il s’agit là d’une contribution mémorielle indispensable, non seulement pour les Rwandais, mais aussi pour nous citoyens français, qui devront déplorer une fois de plus l’attitude désinvolte et immorale de nos dirigeants quant à la gestion post-coloniale du fameux « pré carré africain ».
Le génocide rwandais est l'un des pires massacres de l'Histoire récente, et il a fait l'objet de pas mal de films, livres et même BD de qualité. Celle-ci s'attache au combat d'Alain et Dafroza Gauthier, un couple franco-rwandais qui n'a de cesse, depuis près de 30 ans, d'enquêter et documenter cette abominable boucherie qui a fait un million de morts en 100 jours, en 1994. C'est ce combat inlassable, qui ne s'arrêtera jamais, qui nous est retracé par le journaliste et scénariste Thomas Zribi. Le récit est émaillé de certains des témoignages de rescapés de différents massacres perpétrés dans le pays aux 1000 collines. Des histoires glaçantes. J'ai plus d'une fois ressenti une colère, une tristesse immenses en lisant tout ça. Quand on réfléchit deux secondes, c'est le conflit le plus idiot qui soit : ce n'est pas une guerre entre deux couleurs de peau, deux religions, deux... Les Hutus et les Tutsis partagent depuis toujours la même langue, la même religion, la même couleur de peau, la même culture. Leurs noms désignaient à l'origine simplement deux classes sociales : cultivateurs pour les uns, éleveurs pour les autres. C'est l'ancien colonisateur belge qui, pour contrer les envies d'indépendance et de rébellion des Tutsis, a monté les voisins Hutus vers des attaques armées. La France, plus tard, a profité du départ des Belges pour accroître son influence dans la région. Pendant le génocide, elle a d'ailleurs fait preuve d'une inaction criminelle, pour ne pas dire de complicité, même si l'armée française n'a pas participé aux massacres. Lors de ces évènements de 1994, les tueurs étaient très organisés. Après avoir probablement commandité la destruction de l'avion du président du pays lors d'un voyage de retour de Tanzanie (et ainsi empêché la mise en oeuvre d'un accord de paix), les dignitaires hutus ont soigneusement préparé ce génocide, désignant des responsables dans chaque préfecture, chaque commune, chaque quartier, avec chacun un groupe de tueurs sous ses ordres. Ainsi ce qui avait sauvé les Tutsis dans les années 50, 60 et 70, les églises, n'a pas arrêté les génocidaires. Ainsi des dizaines de milliers de personnes se sont retrouvées dans des pièges mortels. Ainsi des latrines creusées par les captifs sous la menace sont devenues des fosses communes. Ainsi de suite, je ne peux en dire plus. L'horreur absolue, la barbarie totale. L'album est donc un hommage à ce couple qui a fondé un collectif, et qui espère qu'au moins une partie des commanditaires et dignitaires se verra finir sa vie en prison. Après 20 ans, les premières condamnations arrivent, mais elles ne sont encore qu'une poignée. Damien Roudeau, connu pour ses BD sur les laissés-pour-compte et les opprimés, apporte une fois de plus son trait plein d'humanité et de sensibilité à ce récit essentiel.
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