Le Naufrage du Wager
L'histoire d'Isaac Morris, marin sur le gréement Wager qui s'échoua sur une île non loin des côtes du Chili en 1740. Ce navire faisait partie de l'expédition du Commodore Anson, celle-ci est rapportée dans Le Voyage du Commodore Anson.
1643 - 1788 : Au temps de Versailles et des Lumières Amérique du sud Argentine Auteurs argentins Les naufragés Les petits éditeurs indépendants Patagonie/Terre de Feu
En 1740, le jeune officier William Morris s'engage sur le Wager, une vieille frégate anglaise affrêtée pour aller attaquer les galions espagnols le long de la côte Pacifique de l'Amérique du Sud. Le Wager fait naufrage quelques mois plus tard au large du Chili et les quelques rescapés commencent alors une errance pour survivre dans le désert de Patagonie en espérant rejoindre Buenos Aires. Ils sont alors faits prisonniers par une tribu de Patagonie et réduits en esclavage. Lors d'un affrontement entre la tribu et les Espagnols, Morris et quelques autres rescapés sont finalement faits prisonniers par les Espagnols qui les ramènent à Buenos Aires. Au bout de 16 ans de misère, d'errance et de privations, Isaac Byron parvient finalement à rejoindre l'Angleterre. Avec ce récit historique, Pablo Franco et Lautaro Fiszman nous emmènent sur les traces de ce survivant qui raconte tout un pan de l'histoire de l'Amérique du Sud, de ses peuples et de ses luttes.
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Date de parution | 06 Octobre 2023 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Une bande dessinée hors normes pour une histoire hors normes, voilà ce qui pourrait définir le mieux cet ouvrage. Par un premier feuilletage, on devine immédiatement que l’on a affaire à quelque chose d’unique, et c’est bien sûr de la forme dont on parle. On a rarement vu ça en BD, et on se dit que décidément, le neuvième art est devenu aujourd’hui un mode d’expression où les limites peuvent être sans cesse repoussées. Rien à voir ici avec l’Oubapo et la BD expérimentale, car on reste sur un format narratif traditionnel. Non, ce qui surprend le plus, c’est qu’ici il n’y a aucun dessin… Une bande non pas dessinée, mais peinte ! Chaque case est une véritable peinture, faisant de l’ouvrage une sorte de petit musée de 21 sur 30 cm, presque plus un beau livre qu’une bande dessinée. Quant à l’histoire, elle repose sur des témoignages, notamment celui d’Isaac Morris, sujet de la Couronne britannique, qui fut l’un des rares rescapés lors du fameux naufrage. Et pour lui comme pour ses compagnons qui survécurent, le voyage en frégate se poursuivit en pure galère sur les terres d’Amérique du sud, à l’époque où les Anglais guerroyaient contre les Espagnols sur les océans pour mener à bien leurs stratégies expansionnistes. D’une fluidité impeccable, le récit scénarisé par Pablo Franco raconte leur errance sans fin dans une région en proie aux tensions opposant les tribus autochtones et les conquistadores. En plus d’une topographie difficile qui freinait leur progression, ils furent confrontés aux moustiques, au froid, à la faim et à la maladie. Ils durent se résigner au cannibalisme avant d’être capturés par les Indiens qui en firent leurs esclaves, pour être ensuite revendus aux Espagnols. Si les autochtones les traitaient humainement, les conquérants ibériques n’eurent aucun scrupule à les maltraiter de la façon la plus abjecte. Force est de constater à la lecture du récit, que les prétendus « sauvages » avaient une éthique, ce dont les colons venus de l’Europe dite « civilisée » étaient totalement dépourvus lorsqu’il était question de s’emparer de leurs terres, allant jusqu’à les massacrer de la façon la plus lâche et la plus arbitraire, quand bien même ils avaient conscience de leur supériorité en matière d’armement. Génocide, vous avez dit génocide ? Et pour revenir à l’art pictural de de Lautaro Fiszman, sa magnificence ne saute pas aux yeux, et certains pourraient même être rebutés au premier abord. A l’évidence, sa fonction n’est pas de faire joli, et étant donné le contexte du récit, n’a pas vocation à l’être. Si les histoires de ce type sont plus souvent assorties d’un graphisme généralement assez académique, l’artiste sort clairement des sentiers battus. Ses « toiles » nous sautent à la figure dans un néo-expressionnisme âpre et rageur, inspiré de la peinture de marine hollandaise du XVIIe siècle mais parfois proche de l’abstraction, ni désuet, ni moderne. Un style produit avec les tripes (et si je dis ça, ce n’est pas juste pour faire un bon mot en référence au cannibalisme évoqué dans le livre), comme si Fiszman s’était totalement fondu dans cette terrible histoire pour la « recracher » sur ses tableaux avec la violence inhérente à cette épopée, et bien sûr, sans céder au voyeurisme auquel on pourrait s’attendre. Et pourtant ces images sont saisissantes par leur capacité à nous faire ressentir cette bataille pour la survie à laquelle se livraient ces naufragés, les yeux hagards, aux prises avec un environnement rude et mille autres menaces, transformés en hommes des cavernes dévorant la viande crue, ou pire encore, leurs compagnons… même dans cette quasi-abstraction, Fiszman parvient à susciter l’effroi, souvent sur de longues séquences muettes où les textes seraient redondants. Mais il nous émerveille aussi, avec ces ciels tourmentés et ces mers démontées qui se confondent et semblent engloutir les fragiles frégates, nous ramenant à notre insignifiance. Ou encore avec ces vues d’un Londres où un enchevêtrement de constructions crasseuses vient si bien suggérer la misère des classes populaires. C’est tout simplement grandiose, on ne peut être qu’impressionné ! « Le Naufrage du Wager » mérite qu’on s’y arrête. Si on ne compte plus les BD évoquant l’art pictural ou les grands peintres, on ne peut pas dire que ce type d’œuvre soit monnaie courante. Il faut l’avouer, le pari était osé. Et Il a été gagné haut la main !
Je découvre ce fait historique avec cette BD. Les auteurs, que je découvre aussi, ont réalisé un gros travail de recherche pour croiser les différents témoignages et journaux de l'époque pour être le plus proche de la réalité. Je vais commencer par ce qui saute aux yeux, un dessin, ou plutôt des peintures, que je trouve d'une beauté hallucinante mais qui risquent d'en rebuter plus d'un avec un léger manque de lisibilité mais qui est compensé par l'ambiance sauvage, violente et âpre qu'elles dégagent. Je disais donc des peintures à la texture épaisse, on devine les coups de pinceau et les différentes couches de gouache. Pour l'amoureux du courant Impressionniste que je suis, j'ai pris ma dose de dopamine. Le Wager est un gréement carré doté de 28 canons, il fait partie de la flotte du Commodore Anson affrétée pour combattre les galions espagnols. Il s'échoue sur une île (qui portera son nom) au large du Chili. Un récit qui va suivre le parcours d'Isaac Morris de 1740 à son retour à Londres le 8 juillet 1746. Un périple extraordinaire, de la survie sur les côtes chilienne, puis être fait prisonnier par les tribus amérindiennes pour enfin finir esclave des espagnols. Un récit qui se base sur des faits vérifiés, ce qui provoque un manque de liant entre les différents épisodes du périple. Mais un récit qui permet d'appréhender cette période historique, surtout sur le mode de vie des tribus amérindiennes d'Amérique du Sud, un choc des cultures : "vous êtes vraiment étranges, vous les blancs ! Nous, nous ne laissons personne dormir sous la pluie." Une narration dominée par la voix off d'Isaac avec de nombreux passages sans texte où la partie graphique est reine, contemplative. Une lecture plaisante et instructive. Note réelle : 3,5. Coup de cœur graphique. Quelques mots de Pablo Franco en fin d'album sur cette incroyable histoire. Prix du meilleur roman graphique latino-américain 2021.
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