Hiver à l'opéra

Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 4 avis)

Suite de Automne en baie de Somme, ce one-shot peut se lire indépendamment.


1872 - 1899 : de la IIIe république à la fin du XIXe siècle Le Meilleur de Bamboo Les coups de coeur des internautes Paris

Février 1897, dans un Opéra Garnier comble, le Tout-Paris découvre avec horreur le colonel Tréveaux, chargé de la sécurité du président Faure, pendu tel le Christ en croix et aspergeant de son sang le public. Présent sur les lieux du crime, l’inspecteur Broyan, révoqué de la police après l’affaire de la Baie de Somme, se lance à la poursuite du tueur. Mais il va bientôt se retrouver au cœur d’une enquête abyssale dont il ne sortira pas indemne, entre meurtres en série, sociétés secrètes, spiritisme et complot politique.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 11 Octobre 2023
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Hiver à l'opéra © Bamboo 2023
Les notes
Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 4 avis)
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17/10/2023 | Ro
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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
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Mais qui peut vraiment se résigner à la perte d’un être cher ? - Ce tome fait suite à Automne en baie de Somme (2022) qu’il vaut mieux avoir lu avant. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Philippe Pelaez pour le scénario, et par Alexis Chabert pour les dessins et la couleur directe. Il comprend soixante-dix pages de bande dessinée. Une jeune ballerine danse gracieusement sur un ponton, sous la neige tombante. Sur cette scène de fortune, elle virevoltait comme virevoltait la neige, accompagnant de ses mains la chute de flocons au rythme indolent de l’adage. Les planches recrues et crevassées ne semblaient pas souffrir de ses arabesques et de ses jetés, de ses chats et de ses entrechats, mais au contraire gémissaient de plaisir sous la scansion des menées. La neige elle-même, presque affectée de troubler un ballet sur lequel elle jetait son voile lilial, disparaissait instantanément au contact de cette peau de sylphide. Devant la foule des invisibles, la danseuse chutait pour se relever sans cesse, se relevait pour chuter encore, trahie par un corps qu’elle avait trop longtemps malmené. Qu’elle avait malmené quand elle virevoltait comme virevoltait la neige, accompagnant de ses mains la chute des flocons au rythme indolent de l’adage. Opéra Garnier, à Paris en février 1897. Les spectateurs continuent de s’installer. En arrivant dans la grande salle, l’une d’entre eux demande si c’est la loge du président Félix Faure, au milieu. Un homme lui répond que non, que sa loge à lui est maçonnique. Son mari leur indique de regarder la place numéro treize, c’est là qu’une femme est morte l’année dernière en mai quand un contrepoids du lustre a crevé le plafond et lui a écrasé la tête. Son épouse pousse un petit cri : c’est horrible. L’autre homme lui suggère de songer que l’opéra Garnier est le treizième opéra de Paris. L’époux ajoute que ce soir ils jouent La damnation de Faust. Dans un autre rang, ils repèrent un homme, et l’époux l’identifie : c’est Pierre Séverin, un des membres actifs de l’ancienne ligue des patriotes, de Paul Deroulède. Elle le détrompe, pas lui, l’autre. Il le reconnaît également : c’est l’inspecteur Broyan, il a été révoqué il y a quelques mois pour avoir violemment agressé Nicolas Boursaut-Choiseul, l’héritier du banquier. Il ajoute que Broyan enquêtait sur la mort d’Alexandre de Breucq, mais cela n’a rien donné du tout. Ils décident de regagner leurs places. Séverin et Broyan se demandent pour quelle raison le colonel Tréveaux ne se montre pas. Le directeur de l’opéra se pose la même question, et il demande à son assistant d’aller vérifier si le colonel ne se trouve pas au foyer de la danse. Dans la fosse, le chef d’orchestre donne le signal en levant sa baguette et les musiciens entament leur partition. Dans les cintres, le colonel Tréveaux, vêtu d’un simple pagne noué autour de sa taille, est attaché dans une position de croix. Il demande à son maître s’il va être purifié. Dans l’ombre, son interlocuteur répond qu’il va l’être au-delà de ses espérances. Un coup de poignard tranche la gorge du colonel et toujours attaché son corps va balancer au-dessus des spectateurs dans leur fauteuil. Après l’automne vient l’hiver, littéralement même puisque cette histoire s’ouvre sous les flocons de neige, en février 1897. Le malheureux inspecteur Amaury Broyan est de retour pour une nouvelle enquête qui s’annonce difficile puisqu’il a été radié de la police. D’ailleurs, le lecteur tique un peu en observant la liberté de mouvement dont jouit l’ex-inspecteur : il retourne dans les bureaux de la police pour témoigner devant l’inspecteur Jules, il a accès à des informations confidentielles, ses anciens collègues continuent de le respecter, il ne semble pas avoir de soucis de fin de mois… D’un autre côté, il est plausible que ses anciens collègues le soutiennent parce qu’ils estiment que ses actions étaient justifiées. Il n’en reste pas moins qu’il se promène avec facilité dans des lieux où il n’a rien à faire… et le scénariste apportera une explication à cette forme de liberté. D’une manière générale, les auteurs positionnent leur récit dans un registre plausible et réaliste, usant d’effets romantiques pour faire transparaître l’exaltation des personnages. Ainsi le lecteur accompagne Amaury Broyan dans ses déplacements et ses discussions, suivant ses intuitions et ses déductions. Il voit comment la police progresse de son côté, en fonction des informations qu’elle parvient à obtenir. Comme dans tout bon polar, les personnages sont amenés à côtoyer des individus de toutes les couches sociales, et cela met en lumière des aspects peu reluisants de la société de l’époque, à cet endroit du globe. Comme pour le premier tome, les auteurs ont choisi de situer très explicitement l’action : à Paris, en février 1897. Ce genre de parti pris induit que l’artiste doit se prêter au jeu de la reconstitution historique, doit investir le temps et l’énergie nécessaire pour les recherches et les représentations. Le lecteur est à la fête dès la deuxième page : une vision de l’opéra Garnier à la nuit tombante, les ors de la salle, les toilettes variées de ces dames, les costumes plus stricts de ces messieurs, les fauteuils plus ou moins confortables, les couloirs permettant d’accéder à la salle, les cintres, etc. L’artiste sait doser ce qu’il détoure avec un trait noir, ce qu’il représente en couleur directe, le niveau de détail de chaque élément entre une précision technique et une impression. En fonction de sa sensibilité et de son mode de lecture, le lecteur peut se focaliser aussi bien sur les textures (par exemple le marbre des colonnes), que sur éléments de décors, ou bien sur l’ambiance lumineuse chaude diffusée par l’éclairage. En page onze, la criminelle s’enfuit avec une légère carriole dans une case de la largeur de la page en élévation, avec une belle représentation d’un immeuble haussmannien en premier plan. En page treize, Broyan descend sur les quais bas au pied de la cathédrale Notre-Dame de Paris : il éprouve la sensation de s’y trouver, et d’avoir le privilège de pouvoir pénétrer dans un caveau accessible depuis ledit quai. Le dessinateur apporte le même soin pour les intérieurs, par exemple le bureau de l’inspecteur Jules : le feu de cheminée, le modèle de chaise, les casiers, le bureau et sa corbeille, le portemanteau, l’accessoire pour déposer les parapluies mouillés, les meubles de rangement. Le lecteur se rend compte qu’Alexis Chabert choisit ses cadrages et élabore ses structures de pages pour montrer ces lieux, c’est flagrant avec l’appartement spectaculaire de Gabriel Delanne, en pages 28 & 29. Dans le même temps, le récit met en scène des sentiments intenses, ce qui offre également la latitude à l’artiste d’emmener sa narration visuelle dans des pages plus échevelées, se teintant d’expressionnisme. Cela commence avec la première planche : Lisianne effectuant des entrechats allant librement d’une position à l’autre sans avoir à franchir des bordures de case (il n’y en a pas). La mise à mort du colonel Tréveaux bénéficie d’une mise en scène spectaculaire et morbide à souhait : le cadavre attaché se balançant à plusieurs mètres au-dessus des spectateurs, la blessure à la gorge laissant s’échapper du sang qui leur pleut dessus. Les hallucinations de Lisianne dans la caverne sous l’opéra Garnier donnent lieu à des cases aux contours irréguliers comme voletant en insert sur un dessin en pleine page. Son emprise hypnotique sur le banquier Larrey se traduit par un vol de chauve-souris qui se transforme en pantins de papier, traduisant les associations d’idées qui se produisent dans son esprit, au gré de l’emprise de la jeune femme. En page cinquante-deux, le lecteur découvre une magnifique illustration en pleine page, sans un mot : une haute silhouette drapée de rouge, maniant une gaffe pour diriger sa barque sur une eau dégageant des fumerolles, telle Charon faisant traverser deux défunts. Ensorcelant. À l’instar du premier tome, les auteurs indiquent explicitement leurs sources d’inspiration, un hommage honnête. La première citation est extraite du roman Le fantôme de l’Opéra (1910), de Gaston Leroux (1868-1927), l’intrigue s’en inspirant directement. La seconde reprend des vers de Victor Hugo (1802-1885) extraits de Le livre des tables (1853-1855), sur le spiritisme. Le scénariste fait baigner son récit dans la fascination de l’époque pour l’hypnotisme, le magnétisme et le spiritisme, évoquant les travaux du docteur Jean-Martin Charcot (1825-1893, médecin clinicien et neurologue), Franz-Anton Mesmer (1734-1815, fondateur de la théorie du magnétisme animal), Gabriel Delanne (1857-1926, spirite). Le scénariste intègre également la dimension politique de l’époque, en évoquant explicitement Paul Deroulède (1846-1914, fondateur de la Ligue des Patriotes en 1882) et président Félix Faure (1841-1899, septième président de la République française). La reconstitution historique du contexte politique et sociale s’avère aussi riche que celle visuelle. Le cœur de l’intrigue repose sur la même famille de crimes que dans le premier tome, et la soif de vengeance qu’ils engendrent, faute d’une justice adéquate dans une société qui tolère ces abus. Un second tome très réussi : la narration visuelle a gagné en densité et en élégance, en émotion et en rigueur. L’intrigue policière reste dans un registre plausible, tout en faisant ressortir les affres insupportables dans lesquelles les victimes sont plongées, les conduisant à des actes terribles. Un récit enfiévré et poignant.

21/01/2025 (modifier)
L'avatar du posteur Deretaline

Surprenamment, j'ai plus apprécié cet album qu'Automne en baie de Somme. La narration reste souvent pompeuse et l'enquête évolue toujours de manière trop chaotique, mais étrangement je le pardonne un peu plus ici. Sans doute car l'on connaît déjà la coupable dès les première pages (seuls les motifs restent flous), sans doute aussi car le cadre se passe dans un milieu artistique et que l'on suit un archétype d'artiste brisé et fou (donc propice au verbeux). Le résultat n'est pas non plus transcendant, hein, le protagoniste me reste toujours antipathique (bien qu'un chouïa plus attachant que dans le précédent album) et j'ai toujours l'impression de survoler l'histoire plutôt que de la vivre. Les conflits politiques d'époque en fond semblent intéressants mais trop peu explorés pour vraiment l'être (surtout qu'ils sont relégués en second plan). En soi j'aurais pu mettre la même note que pour Automne en baie de Somme, mais on va dire que le cadre artistique, la touche de spiritualité et le petit côté Fantôme de l'Opéra m'ont plus charmée. Ça ou l'hypnose.

27/11/2024 (modifier)
Par Hervé
Note: 3/5
L'avatar du posteur Hervé

Ce qui frappe tout d'abord en ouvrant l'album, c'est le magnifique dessin d'Alexis Chabert, qui ici, illustre de manière sublime le Paris de la fin du XIXème siècle. Les premières pages d'ouverture consacrées à l'Opéra Garnier rendent parfaitement hommage à cette période. Peut-être ici un peu mois de références à de célèbres peintures mais qu'importe le lecteur en a plein les yeux au fil de sa lecture. (d'ailleurs un amusant clin d’œil au Lotus bleu m'a fait sourire) Côté scénario, il faut dire que Philippe Pelaez lorgne beaucoup sur Le Fantôme de l'Opéra de Gaston Leroux. Nous retrouvons le héros du précédent album Automne en baie de Somme,l'inspecteur Amaury Broyan, mais un nouveau registre (soit dit en passant j'avais dès l'apparition de Broyan, le rôle qu'il allait jouer dans cette intrigue) Comme sur le premier album, le scénario est assez bancal, le complot pour renverser la IIIème République, n'apporte pas grand chose à l'intrigue principale. J'avoue avoir été un peu troublé par le soupçon d'ésotérisme qui flotte sur cet album, Néanmoins, la lecture de cet album, qui peut se lire indépendamment du précédent, est très plaisante. Tout comme Automne en baie de Somme, c'est un livre que je relirai avec plaisir. J'ai d'ailleurs lu cet album, comme le précédent, dans sa version dos toilé, avec cahier graphique.

21/10/2023 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
L'avatar du posteur Ro

Hiver à l'opéra est la suite d'Automne en baie de Somme mais il n'est nul besoin d'avoir lu celui-ci pour lire cet album indépendant. Tout juste faut-il savoir ce qui nous est expliqué dès les premières pages, que le héros est un ancien policier révoqué qui rumine la mort de sa fille. Pour le reste, nous sommes placés dans une intrigue fortement inspirée du Fantôme de l'Opéra, tant dans son contenu que dans son aspect visuel. Et à celle-ci se mélange l'histoire d'un groupe d'extrémistes nationalistes prêts à commettre un attentat, le héros étant impliqué dans les deux affaires en parallèle comme il était aussi à la poursuite de deux proies simultanément dans Automne en baie de Somme. La qualité principale de cette BD est son graphisme. Alexis Chabert s'inspire de l'Art Nouveau de Mucha et des impressionnistes pour offrir de grandes et belles planches d'un Paris enchanteur de la fin du 19e siècle. Les décors de l'opéra Garnier, les bords de Seine, les grands boulevards sous la neige, les pages sont régulièrement superbes, colorées et charmantes. Seuls les personnages pêchent en comparaison, et notamment le héros lui-même avec son visage de brute à l'expression figée dans un rictus permanent. C'est dommage, il atténue l'élégance du cadre dans lequel il évolue. Quant au scénario, il est divertissant mais aussi légèrement convenu et confus. Philippe Pelaez tient à mêler deux intrigues parallèles et elles ne s'apportent que peu de choses l'une à l'autre. Celle autour de la ligue extrémiste est basique et sans grande saveur, si ce n'est l'interrogation de savoir si le héros a mal tourné. Celle autour de l'opéra est trop inspirée du Fantôme de l'Opéra pour être novatrice, et la part de fantastique qu'elle inclut tombe comme un cheveu sur la soupe dans ce cadre historiquement juste. Cela donne des moyens et une motivation bancals à l'antagoniste, ce qui décrédibilise l'affaire, lui donnant une tournure artificielle et un peu cliché. Pas réellement convaincu par cette intrigue donc, et je préfère me contenter des belles planches et de cette plongée romantique et dramatique dans le Paris de la Belle Epoque.

17/10/2023 (modifier)