Altamont
Après le peace & love de Woodstock, la fureur et le désastre d'Altamont...
BD en réalité augmentée Le Rock Les drogues Les hippies Musique
Décembre 1969. Woodstock et la vague du Flower Power ont déferlé sur la côte Est des États-Unis quelques mois plus tôt. En réponse, la côte Ouest décide à son tour de faire monter les décibels lors d’un festival qui se rêve légendaire… Les plus grandes stars de l’époque sont censées y participer, à commencer par les Rolling Stones en têtes d’affiche pour enflammer la scène. Hors de question pour Jenny et ses potes de rater le concert du siècle ! Dans leur combi Volkswagen qui roule depuis Los Angeles, l’ambiance bon enfant fleure bon la marijuana. Peu importe si l’organisation s’annonce un peu fantaisiste, ce qui prime, c’est la musique ! 300 000 personnes sont attendues pour ce rendez-vous peace, love et rock’n’roll qui aura finalement lieu sur la piste automobile d’Altamont, en Californie du Nord. Sauf que peu de temps après l'arrivée du groupe d'amis, une première altercation éclate, ne présageant rien de bon. Si tout commence dans l’exaltation, la tension est palpable. Embauchés pour assurer la sécurité et payés en bière, les Hells Angels commencent à éloigner la foule de la scène à coups de batte et de chaîne. Tandis que Thomas escalade les échafaudages et que Matt se perd dans un trip d’acide, Leonard comprend qu’ils ne sortiront pas indemnes d’Altamont. Cela devait être un beau festival, gratuit, une célébration de l’amour et du partage. Au lieu de ça, la tragédie d’Altamont est devenue le symbole de la fin d’une époque. Charlie Adlard et Herik Hanna reviennent sur cet épisode tristement célèbre du rock en nous livrant le portrait désenchanté d’une jeunesse libre et rêveuse, marquée par la guerre du Vietnam. Illustré par le dessinateur-culte de Walking Dead dans un style vintage emprunt au pop art, ce road-movie graphique qui sonne juste se lit d’une traite, le temps d’un voyage iconique.
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Date de parution | 30 Août 2023 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Je m’y suis lancé sans grandes convictions mais vraiment plus que pas mal du tout cet album, une bonne surprise comme je les aime. Les faits d’Altamont ne m’étaient pas inconnus. Dans ma petite tête, j’imaginais même un évènement bien plus tragique que ce que la BD montre (sans minorer cette dernière). Cependant je trouve que les auteurs s’en sortent à merveille avec leur histoire. Commençons par le graphisme, les amateurs de Walking Dead ne seront pas surpris puisque c’est Charlie Adlard qui s’y colle. Point de zombies cette fois, mais on retrouve son trait assez reconnaissable (les têtes des persos surtout). Un style relativement sobre mais vraiment fluide et j’ai bien apprécié de le découvrir dans un format franco belge. Ses planches sont bien construites, la mise en couleurs passe bien … du bon boulot. Il y a même une chouette surprise en milieu de tome qui marque l’arrivée à Altamont. Il n’y a qu’une ombre au tableau (qui s’oublie toutefois en cours de lecture mais quand même !) c’est cette usage abusif de points noirs/pointillés pour donner du relief. Ça donne un côté rétro mais leur utilisation m’a paru aléatoire et souvent peu esthétique. Mais ce qui donne tout le sel à l’album, c’est l’histoire imaginée par Herik Hanna. J'imaginais un truc un peu chiant à suivre à la limite du trop documentaire sur le festival. Sauf que cette partie est noyée dans le road trip d’un groupe que l’on suit. Leur histoire me semble particulièrement bien construite, en plus de personnalités bien trouvées. A travers eux, c’est toute une photographie de l’Amérique de l’époque qui est dépeinte. Peace & Love bien sûr mais aussi Nixon, Vietnam … Le traitement me semble assez fin, j’ai aimé qu’on ne tombe pas dans la caricature. L’épilogue surprendra mais je l’ai bien apprécié, il ajoute une touche en plus dans la nuance.
Après les succès rencontré par Woodstock et, dans une moindre mesure, le Festival de l'île de Wight, plusieurs organisateurs ont cherché à reproduire la formule. Souvent avec des résultats plus mitigés voire catastrophiques, et Altamont fut sans doute le pire ratage dans le genre. Herik Hanna et Charlie Adlard nous invitent à ce foirage au travers d’une fiction animée par quelques personnages hauts en couleurs. C’est ainsi que nous suivons un groupe de potes liés avant tout par leur amour de la musique et des drogues et partis vivre ce festival d’Altamont. La reconstitution historique est très crédible, jusque dans le déroulement de l’ensemble de la manifestation (artistes présents, concerts annulés, incidents divers et variés). La fiction est plaisante même si le twist final m’a semblé inutile. La narration est fluide, le dessin est agréable (même si je n’aime pas cet usage de pointillés pour assombrir certains éléments du dessin), les personnages proposent des profils variés et je me suis facilement attaché à l’un ou l’autre. Hormis ce twist final, on reste sur un récit de type expérience de vie, sans évènement spectaculaire inutile. Il faut dire que le contexte de l’époque était déjà suffisamment exceptionnel sans devoir en rajouter. L’usage de drogues plus ou moins dures, le comportement naturellement violent des Hell’s Angels, les abus sexuels (viols et autres attouchements) malheureusement fréquents dans ce genre de grands rassemblements prônant une sexualité prétendument libérée, voilà déjà pas mal de grains à moudre pour un scénariste inspiré. Pas la peine d’y mettre une couche supplémentaire ! Et je trouve que c’est très bien comme ça. Au final, sans être aussi enthousiaste que les précédents lecteurs, je trouve que c’est un bon récit, agréable à lire et qui met en lumière sans nostalgie inutile un évènement qui marquera un tournant dans l’évolution de la jeunesse américaine (ce concert marque en quelque sorte la fin de l’utopie hippie en en montrant certaines limites). Vraiment pas mal du tout !
Le nom d’Altamont ne me disait rien, mais j’avais souvenir d’un ou deux documentaires évoquant un concert « raté » auquel auraient participé les Stones, et où le « service d’ordre » alcoolisé des Hell’s Angels avait semé le bordel. Eh bien c’est à Altamont que « ça » s’est passé donc. Un concert californien qui, à la fin de 1969, se voulait l’alter ego, le prolongement sur la côte ouest de celui de Woodstock. Une sorte d’épopée rock, l’acmé du mouvement hippie, le plus grand supermarché de la drogue. Le réveil a été brutal. Et les auteurs ont réussi leur pari je trouve, de développer une histoire agréable à suivre, avec quelques personnages centraux, tout en dressant le portrait d’un « moment », voire d’une époque. Les deux échelles s’imbriquent bien, et la lecture est très agréable. Agréable déjà grâce au dessin d’Adlard, classique, dans un style réaliste très fluide. Et avec des choix esthétiques originaux (en particulier les points de trames typiques des années 1960-70 – et de certains artistes du pop-art). Mais aussi une colorisation de plus en plus sombre, passant des paysages ensoleillés à la boue et la nuit, comme si les auteurs voulaient nous montrer de façon métaphorique qu’ils illustraient le crépuscule d’une certaine insouciance. Car cette jeunesse qui « s’éclate » à coup de LSD, de joints et d’alcool, sous les amplis saturés par les riffs des guitares, est aussi traversée par des questions existentielles : la guerre du Vietnam et ses ravages (tout du moins côté américain bien sûr !) est très présente. En particulier avec Doc, le personnage central, qui en est revenu avec un œil et des illusions en moins. Personnage au demeurant très équilibré. On est loin ici des clichés sur les hippies junkies décérébrés. Plus généralement, les quelques copains (imaginaires eux) que nous suivons dans leur virée sont bien campés, et Hanna montre aussi dans son épilogue, un peu comme certains « soixante-huitards » en France, que les hippies révoltés des années 1960 sont bien « rangés » des décennies plus tard (une chute un peu « polar » dramatise un peu cette fin, tout en accentuant le côté désenchanté de l’histoire). Un bel album.
La plupart d’entre nous n’ont probablement jamais entendu parler du festival d’Altamont, contrairement à Woodstock qui est devenu le symbole d’une époque. Pourtant, Altamont, avec les Rolling Stones en tête d’affiche, promettait d’être le concert du siècle. Hélas, la présence des Hell’s Angels donnera lieu à des scènes de violence et ce ne sont pas les trips au LSD qui calmeront le jeu. Souffrant d’une organisation hasardeuse, l’événement va alors rapidement tourner au fiasco… C’est à l’initiative de Charlie Adlard qu’est née cette bande dessinée. Le dessinateur britannique, que l’on ne présente plus, est aussi musicien à ses heures (à la batterie) et souhaitait raconter cet « anti-Woodstock ». Fasciné par la façon dont l’événement semble avoir été marqué par le sceau de la malédiction, le célèbre co-auteur de Walking Dead a fait appel au Français Herik Anna (connu pour la série Bad Ass) pour le scénariser. L’alchimie ayant parfaitement fonctionné entre les deux hommes, le projet a pu ainsi se concrétiser sans peine. La bonne idée des auteurs est de narrer l’événement à travers l’expérience fictive de jeunes hippies, trois gars et deux filles, Doc, Léo, Schizo, Jenny et Samantha. Tous sont très bien campés et ne semblent pas avoir tant de points communs qu’on pourrait le croire — si ce n’est l’envie de s’éclater au son du rock dans quelque paradis artificiel —, ce qui donne lieu à quelques bisbilles autour des goûts musicaux des uns et des autres dans l’habitacle enfumé de leur combi VW. Rien de méchant, bien sûr, mais on ne peut s’empêcher de penser que pour un rien, tout pourrait mal tourner, ne serait-ce que par la présence fantasque de Thomas, dit Schizo. Celui-ci n’en fait qu’à sa tête, et son côté junkie jackass à la petite semaine n’est pas de nature à insuffler de l’harmonie au sein du groupe. Et s’il agace tout le monde avec ses rodomontades, le bougre reste néanmoins attachant. Un « boulet attachant » est sans doute ce qui le résumerait le mieux. Il y a également Léonard, le black mi-rebelle mi-rêveur qui cherche à s’extirper de son milieu social modeste tout en refusant d’aller combattre au Vietnam, Jenny, l’étudiante sexy et politisée qui ne s’en laisse pas conter et Samantha, l’alter ego « afro » de cette dernière et davantage branchée jazz et blues. Mais le personnage central est incontestablement Matthews, alias le Doc, qui tout au long du récit en impose par sa présence silencieuse et énigmatique. Caché derrière ses lunettes noires, il pose sans relâche ses états d’âme sur son carnet de notes, comme pour domestiquer la folie et le traumatisme engendrés par la guerre du Vietnam dont il est revenu récemment. De plus, il ne s’est toujours pas remis de la mort de son pote Mike, emporté sous ses yeux par une overdose. Toutes les algarades bon enfant au verbe haut qui émailleront leur voyage ne seront pourtant qu’un pâle avant-goût de ce qui les attend dès l’arrivée sur le site du festival… La tension qui imprégnait le récit depuis le début — ou disons plutôt l’électricité rock — ne cesse de monter en puissance jusqu’à son point culminant de violence provoquée par les Hell’s, avec pour conséquence la mort d’une personne et un chaos terrible, comme un mauvais trip d’acide, très loin de l’esprit Peace and Love. Altamont promettait d’être un événement légendaire, il ne sera qu’un champ de bataille calamiteux. La partition narrative est parfaitement réussie, dans le sens où cette fameuse tension progressive parvient à nous captiver au même titre qu’un thriller, lequel tiendrait d’un registre hallucinatoire. « Altamont » nous immerge dans une Amérique où la jeunesse aspirait à l’insouciance sans totalement y parvenir, une Amérique hantée par la guerre du Vietnam qui abîma pour longtemps l’image d’un Oncle Sam soucieux d’incarner le camp du bien. Charlie Adlard a su très bien rendre cette atmosphère, et à vrai dire, on ne peut s’empêcher de redouter l’apparition d’un zombie à chaque page. Son trait nerveux et acéré, qui confère toujours beaucoup d’expressivité aux personnages, honore avec talent les grands artistes de la scène rock et jazz de l’époque. C’est tout juste si on n'entend pas leur musique se diffuser à travers le grain du papier. A son style habituel, il a inséré des touches de psychédélisme et de pop-art (avec ce tramage inspiré de Roy Lichtenstein). L’utilisation de la couleur évolue au fur et à mesure que la catastrophe sous-jacente se précise. Plus vives au début pour évoquer le soleil californien, les tonalités s’assombrissent peu à peu, et ce n’est pas seulement du fait de la météo maussade mais aussi pour illustrer les mauvaises vibrations qui imprégnaient alors le festival. Cet album, qui est d’abord une très plaisante ode au rock’n’roll de la fin des Sixties, se veut également une photographie du contexte socio-politique de cette période « flower power », indissociable des mouvements protestataires contre la Guerre du Vietnam. Charlie Adlard s’est donc beaucoup interrogé sur « Altamont », qui semble avoir sonné le glas de l’idéal hippie, tout comme, le rappelle-t-il à juste titre, les meurtres de Charles Manson. Si ces événements ont marqué la fin de « l’innocence américaine », ne sont-ce tout simplement pas le Vietnam et ses fantômes qui ont achevé de tuer cette innocence ?
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