Le Grand incident
Un conte « fantasticomique », qui porte un regard critique sur la sexualisation du corps féminin et, en particulier, de la nudité féminine à travers l’histoire de l’art.
Auteurs allemands Féminisme La BD au féminin Le Musée du Louvre
Paris aujourd’hui. La crise du Covid n’a pas eu lieu. Mais une autre crise, localisée au Louvre et appelée par les initiés « Le grand incident », va imposer une fermeture du musée, inédite depuis la seconde guerre mondiale. Sculptures, peintures, toutes les femmes nues dans les œuvres se dérobent au regard des visiteurs car elles ne supportent plus les réflexions, voire les attouchements, dont elles sont victimes au quotidien. Le président-directeur du musée, Charles Darlin, doit se résoudre à fermer le musée le temps de trouver une explication rationnelle à cette situation irrationnelle. La solution viendra de Teresa, femme de ménage depuis 30 ans, devenue la confidente des œuvres. Leur revendication, pour réapparaître aux yeux des visiteurs, va changer à jamais la vie du Louvre…
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Date de parution | 23 Août 2023 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Oui, cette BD est franchement bien fichue ! J'aime beaucoup ce que fait Zelba de manière globale, même si toutes ses BD n'ont pas été un coup de cœur, mais je suis l'auteure de très longtemps via son blog et je trouve qu'elle a souvent une audace dans son propos qui me plait beaucoup. Malgré les contraintes de la collection (pas toujours simples mais pouvant donner des petites BD sympathiques) Zelba nous pond une petite fable amusante et bien sentie sur la question de la représentation du nu féminin dans l'art. Si le ton est mi-amusé mi-sérieux, le ton reste résolument dans la fable avec des personnalités marquées et même dans les physiques (je pense au nez des gérants du musée). En se démarquant visuellement et dans le ton fantaisiste du récit, elle s'amuse alors à retranscrire des peintures assez fidèlement tout en jouant visuellement de celles-ci. Si le ton reste volontairement amusé et léger, les considérations dans la BD sont assez lourdes de sens et la réflexion est très sympathique : plutôt qu'un nouvel élan de censure morale ou de cacher ce qui pourrait gêner aujourd'hui, Zelba part sur une idée amusante mais qui propose de réfléchir plus large. On change notre façon d'être et de voir plutôt que d'interdire. A ce niveau-là, j'aime bien la réflexion. C'est le genre de BD dont l'idée est assez bien menée, avec une question du genre et de la sexualisation contre la nudité, le tout enrobé dans une histoire mettant en lumière les incessantes remarques sexistes qui continuent de fleurir en société. Je ne suis pas une femme mais je vois bien à quel point notre société habitue tout être humain de sexe féminin à se comporter face à une société encore bien machiste, par des petits gestes et des réflexions quotidiennes. Mettre en lumière la question du regard sur l'art comme le regard sur le corps est très pertinente et ouvre la voie à plein de réflexions sur l'art et ce qu'on autorise ou fait en son nom (remarque qui devient un vrai sujet de société aujourd'hui). J'ajouterais que le trait de Zelba est fidèle à ce qu'elle fait : des personnages parfaitement reconnaissables, une utilisation judicieuse de la couleur, des cadrages variés et une absence de cases, des compositions originales (quoique parfois un peu trop chargées à mon gout). J'avais déjà remarqué et apprécié son trait sur son blog à l'époque, elle reste diablement efficace. En tout cas, pour cette BD qui m'a bien plu. C'est le genre d'album que je recommanderais car il ouvre facilement le débat et le dialogue sur cette question qui mérite qu'on réfléchisse. Le sexisme est présent à bien des niveaux dans notre société, ouvrir les yeux dessus est toujours une bonne chose. Un bon 3.5 rehaussé !
Dans cette collection développée en partenariat avec le musée du Louvre, je trouve que cet album sort du lot, et utilise le cadre du musée et des œuvres qui sont exposées de façon assez originale, tout en apportant à l’histoire (au départ un peu absurde et pas forcément fouillée) des questionnements d’actualité, et sur le fond très intéressants. Le trait de Zelba est simple, mais efficace, un mélange de dessin de presse et du trait de Gomont. Le Noir et Blanc est parfois rehaussé (de rouge le plus souvent). Le rendu n’est pas désagréable. Pour ce qui est de l’intrigue, elle part sur du loufoque, pour introduire une réflexion sur le nu dans l’art, mais surtout sur l’égalité des sexes, et surtout la façon dont sont vues, traitées les femmes : les sculptures servent ici d’allégorie pour la réflexion. Il est amusant – ou regrettable ? – que d’un coup le sexisme ne soit qu’inversé, puisque seuls les hommes sont tenus de visiter le musée totalement nus (même si la fin nuance cet aspect). Malgré ce petit bémol, l'histoire se laisse lire très facilement, mélange de réflexions terre-à-terre (voir la fratrie dirigeant le Louvre, qui cherche au départ à garder son poste sans état d'âme ni scrupule, puis qui va peu à peu se rallier l'évidence pour défendre la vision féministe , sous la direction d'une femme de ménage et d'un vigile) et d'autres plus philosophiques, autour des sujets évoqués plus hauts. J’ai trouvé l’album intéressant et agréable, Zelba a bien su tirer profit de la contrainte de cette collection pour développer une histoire originale.
Les hommes majeurs obligés de se déshabiller complètement pour parcourir les allées du musée du Louvre ? Eh oui, suite à une révolte des statues et peintures de femmes nues, elles ont exigé cela sans quoi elles n'apparaitraient plus aux yeux du public. Mais comment en est-on arrivé là ? Zelba nous raconte une fable mêlant fantastique et comique pour nous parler à la fois du harcèlement sexuel et du traitement des nus dans l'Art. A force de se faire reluquer voire dégrader par les visiteurs, les artistes et même les autres statues, les nus féminins du Louvre en ont marre et décident de devenir invisibles tant qu'une solution n'est pas trouvée. Seule une femme de ménage capable de leur parler sait la raison de cette disparition mais elle ne parvient pas à faire passer son ménage à la direction du musée qui cherche une explication plus rationnelle. Jusqu'à ce que le directeur du musée, au coeur d'un drôle de duo avec sa soeur jumelle avec qui ils échangent régulièrement leurs identités, subissent lui aussi un tel type de harcèlement de rue et en vienne enfin à écouter le message des oeuvres d'art. Le graphisme de Zelba est léger et agréable. Son trait est souple, maîtrisé, et il est rehaussé par une esthétique à base de bichromie de rouge et de noir. L'histoire est amusante, à la fois dérisoire sur la forme et intéressante sur le fond. Comme souvent dans les albums dénonçant le harcèlement, j'ai trouvé le comportement des mâles harceleurs un peu abusé, ou alors peut-être suis-je aveugle pour ne jamais avoir été témoin d'attitudes aussi primitives et dégradantes envers la femme. Mais le message de fond fonctionne et surtout il m'a ouvert les yeux sur le traitement du nu dans l'Art, son évolution au fil des siècles et ce qu'il peut réfléter de la société patriarcale à chaque époque. Je n'y avais jamais réfléchi mais c'est vrai que cela parait évident une fois mis en lumière. Pour autant, étant très loin d'être naturiste moi-même, la résolution loufoque de toute cette situation ne m'a pas tellement fait rire, d'autant que l'autrice insiste fortement sur le sujet, de même que sur les messages répétés comme quoi les femmes sont plus sages et moins agressives que les hommes. Un sexisme dans l'autre sens qui m'a un peu agacé mais qui est heureusement adouci dans les dernières pages où il est proposé une véritable égalité qui est plus ma version du féminisme.
Le Grand Incident est une farce, dans le sens littéral du terme. Mais plus encore, il s’agit d’un récit qui nous incite à réfléchir sur le statut de la femme dans l’art. Et l’analyse s’avère pertinente. Elle aura en tous les cas réussi à modifier mon regard sur certaines œuvres. De la farce, Zelba a gardé les personnages grotesques (le duo à la tête du musée du Louvres affublé de très longs nez), les équivoques (jumeau et jumelle, les deux personnages à la tête du musée sont souvent confondus), la ruse et la mystification (lassées des regards et attouchements dont elles sont victimes, les personnages féminins nus présents au Louvres ont décidé de se rebeller, et vont tout simplement devenir invisibles, alors même que le duo à la tête du musée change de rôle en fonction des compétences de l’une ou de l’autre). Si je dois faire un reproche à cet album, cela tiendra au fait que cette partie « farce » en occupe peut-être une trop grosse part. Ceci dit, je la trouve sympathique, avec un humour absurde à mon goût (les visiteurs masculins ont l’obligation de se déshabiller avant d’entrer dans le musée, condition non négociable pour que les nus féminins acceptent d’être à nouveau visibles). Mais la partie la plus réussie (du moins celle que j’ai le plus appréciée) se situe au moment où, via l’une de ses protagonistes, l’autrice nous montre en quoi certains nus sont vraiment problématiques. Expliquer avec humour, pertinence, nuances et simplicité le caractère pernicieux, voire pervers de ces œuvres pousse le lecteur à la réflexion. Certes, on peut ne pas partager toutes les convictions de l’autrice (à titre personnel, je doute vraiment très fort qu’un homme nu n’attirera pas de regards déplacés de la part des femmes et ne sera jamais victime d’attouchements car, pour moi, ce n’est pas le sexe de la personne mais le sentiment d’impunité qui encourage les comportements irrespectueux) mais en ce qui concerne les tableaux et sculptures évoqués, la démonstration est sans équivoque. La fin du récit tombe peut-être un peu trop dans l’excès. Peut-être est-ce dû aux origines de Zelba (le naturisme est quelque chose de bien plus naturel en Allemagne qu’en France) mais la facilité avec laquelle des élus politiques acceptent de se dénuder, entrainés par le clone de Christiane Taubira, m’a paru trop facile, trop énorme, même dans le cadre d’une farce. Ceci dit, cela permet de conclure le récit sur une note joyeuse et optimiste (tout le monde accepte le corps d’autrui sans jugement et par conséquence accepte mieux son propre corps), donc pourquoi pas ? Au niveau du dessin, Zelba a un style à la fois très spontané et travaillé. Les personnages ont souvent des physiques proches du grotesque alors que les œuvres d’art sont croquées avec une plus grande volonté d’en retranscrire la beauté. La colorisation se limite à certains choix simples qui permettent de mettre en évidence les éléments choisis. Dans le genre, c’est agréable à lire même si, au premier abord, cela peut paraître un peu bordélique. Pour la note, j’hésite entre le franchement bien (qui récompenserait l’originalité du récit et la pertinence de la critique) et le pas mal (qui sanctionnerait un peu le caractère excessif de la farce et certaines facilités dans l’analyse). Bon allez ! Soyons positifs : 4/5 !
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