Les Évaporés
Qui n’a jamais caressé l’idée de disparaître, sans heurts et sans douleur, pour recommencer sa vie à zéro ?
Adaptations de romans en BD Catastrophe de Fukushima Les petits éditeurs indépendants
Au Japon, lorsque quelqu’un disparaît, on dit simplement qu’il s’est évaporé ; personne ne le recherche, ni la police parce qu’il n’y a pas de crime, ni la famille parce qu’elle est déshonorée. Partir sans donner d’explication, c’est précisément ce que Kaze a fait cette nuit-là, après avoir été licencié du jour au lendemain. Sa fille, Yukiko, qui vit à Paris depuis de nombreuses années, revient au Japon pour tenter de retrouver sa trace et de découvrir les raisons de sa disparition. Elle mènera l’enquête dans un Japon parallèle, celui du quartier des travailleurs pauvres de San’ya, à Tokyo, et des camps de réfugiés de la catastrophe nucléaire de Fukushima, autour de Sendai. Mais faut-il vraiment rechercher celui qui a voulu disparaître ?
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Date de parution | 13 Septembre 2023 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Je ne connaissais pas ce phénomène des « évaporés » (et je ne sais d’ailleurs pas si l’équivalent à grande échelle existe en France), mais ça semble assez répandu et concerner pas mal de monde au Japon. Pourquoi pas ? L’entame est un peu confuse, en multipliant personnages et sujets, mais ça s’éclaircit rapidement. Si le côté polar reste présent jusqu’au bout, il n’est pas forcément dominant. Nous suivons surtout la brève rencontre entre un vieux monsieur ayant tout quitté (pour se reconstruire différemment et ailleurs, tout en « réglant » quelques comptes) et un gamin des rues ayant perdu ses parents suite à la catastrophe de Fukushima. Cette catastrophe est d’ailleurs mise en avant dans le dernier tiers, et on devine l’action des différentes mafias et de l’État pour masquer certains problèmes, et pour tirer parti du choc. L’intrigue ne m’a pas passionné plus que ça, mais rien de rebutant, ça se laisse lire sans problème. Car la narration est fluide, et j’ai aussi bien aimé le dessin de Moutte, un Noir et Blanc au trait fin, lisible et agréable. Du coup la lecture s’est révélée plutôt plaisante, même s’il y a quelques longueurs.
Une autre adaptation d'un roman que je n'ai pas lu (à croire que la moitié des one-shot qui sortent de nos jours sont des adaptations de roman !). Cela se passe au Japon et l'auteur du roman n'a pas peur de montrer certains côtés sombres de ce pays. Je comprends que cela passionne un lecteur qui ne connait pas trop le Japon et qui va découvrir un monde différent de la belle image idéaliste que certains ont du pays, mais moi je connaissais déjà tout cela. Le récit met en avant le phénomène des évaporés, ces gens qui disparaissent volontairement par milliers chaque année au Japon. Comme on parle aussi d'autres sujets, j'avais peur que l'auteur finisse par vouloir parler de TOUS les problèmes de la société japonaise et que cela donne un truc qui part dans tous les sens. Heureusement, après un début qui semble décousu, tout se met bien en place et tout fait sens. Malgré tout, le récit ne m'a pas trop marqué hormis pour quelques scènes chocs. La faute au fait que les personnages ne sont pas attachants et qu'il y a quand même plein de facilités dans le scénario.
C'est avec beaucoup de plaisir que j'ai dévoré cette agréable série. J'ai immédiatement été saisi par le graphisme hachuré en N&B de Isao Moutte. La scène d'intro colle parfaitement avec le spleen de l'état d'esprit du personnage central du récit. Le texte est superflu et l'auteur nous guide sur une piste assez intimiste et sociale qui va s'enrichir très vite. Je n'ai pas lu le roman source et donc je ne pourrais pas critiquer son adaptation comme l'a fait Mac Arthur. Je garde de ma lecture la grande fluidité de la narration, la construction astucieuse de la rencontre de Kaze et du jeune garçon. Cela donne une belle crédibilité au rebondissement qui envoie les deux personnages vers les zones dévastées du Tsunami et de la catastrophe nucléaire. Ces parcours permettent d'introduire la thématique peu visitée du Japon des déclassés et des marginaux. Autour de ce thème Moutte peint une image sans concession de l'imbrication entre une pègre sans état d'âme, un patronat peu scrupuleux et un monde politique pressé de faire oublier ses responsabilités dans la (non) prévoyance des catastrophes survenues. Une peinture iconoclaste et peu courante dans l'univers de la BD qui a tendance à idéaliser ce qui touche au Japon. Le final peut décevoir par son côté happy end optimiste qui abandonne l'idée de vengeance (mais aussi de justice) pour celle d'avenir et de reconstruction. Perso j'ai bien aimé cette fin ouverte optimiste qui privilégie le renouveau positif. Comme je l'ai déjà écrit le graphisme élégant, fin et souple de Moutte m'a bien séduit. J'ai particulièrement aimé les planches de pleine pages illustrant les villes (Tokyo ,Lyon, Matsuyama) debout ou de la région ravagée. C'est très détaillé avec de très beaux panoramas. Une lecture très agréable, intelligente et dépaysante. Une belle réussite.
Adapter un roman n’est pas chose aisée. Bien souvent, je sens à la lecture soit de grosses coupures soit des raccourcis, l’un comme l’autre, réalisés dans le but de tout faire tenir dans un récit forcément plus condensé que l’œuvre originale. Et dans le cas présent, j’ai ressenti les unes et les autres. L’intrigue avance trop vite, sans laisser aux personnages le temps de se développer. A un point tel que l’une d’entre eux (la fille du personnage central du récit) finit par être totalement inutile à l’histoire alors qu’elle occupe le devant de la scène au début du récit. Là, j’ai l’impression que plusieurs passages qui la concernaient sont purement et simplement passés à la trappe, faute d’espace. Certaines situations fonctionnent mal avec des heureux hasards un peu trop fréquents à mon goût. Là encore, l’histoire avance trop vite, c’est trop ‘facile’. C’est dans ces moments-là que je me dis que l’auteur a utilisé des raccourcis, histoire de simplifier une transition ou d’expliquer un comportement. Je ne fais que critiquer jusqu’à présent. Pourtant je trouve que ce récit dispose aussi de grandes qualités. J’ai, par exemple, beaucoup aimé son sujet, celui des laissés pour compte japonais de la crise économique (crise encore amplifiée par le tsunami de 2011). J’ai aimé comment sont abordées les répercussions de l’accident nucléaire de Fukushima comme les conséquences de la crise économique. Ça casse vraiment cette image d’un Japon où il fait bon vivre, avec des politiques responsables qui assumeraient les conséquences de leurs actes, avec une population heureuse de son sort, avec une criminalité marginale et presque élégante (l’image des Yakuzas et de la pègre japonaise dans le cinéma occidental comme dans les mangas me dérange souvent car je la trouve presque idéalisée). J’ai également bien aimé la toute fin du récit alors même que l’histoire semble se terminer en eau de boudin. Ce renoncement m’a paru beau et touchant. J’ai aimé le dessin en noir et blanc et le découpage aéré qui favorisent tous deux une lecture ‘facile’ dans laquelle il est à la fois aisé de suivre les personnages et de s’attarder à l’occasion sur l’une ou l’autre grande illustration. En fait, j’ai aimé tellement d’éléments que mon regret n’en est que plus grand. Ç’aurait pu être un très bel album mais, à cause des problèmes d’adaptation, je reste sur un petit « pas mal ».
Les Évaporés est l'adaptation plus ou moins libre en bande dessinée d'un roman de Thomas B. Reverdy. Si elle en garde l'essentiel du fond et du message, elle modifie un peu les personnages, transformant notamment l'héroïne et son amant détective venus tous deux de San Francisco en une héroïne venue de France et un détective japonais. Pour le reste, l'histoire est globalement identique. C'est celle d'un homme dans la soixantaine qui abandonne son foyer en pleine nuit pour disparaitre complètement, se réfugiant dans un quartier populaire de Tokyo réputé pour accueillir d'autres "évaporés" comme lui, désireux de couper les ponts avec leur ancienne vie et d'y chercher des petits boulots. En parallèle d'histoires de corruption et de magouilles criminelles, impliquant notamment un gamin de douze ans témoin d'un meurtre et fuyant des yakuzas, cette histoire est avant tout l'occasion d'offrir un regard original sur le Japon, celui des laissés pour compte mais aussi celui des suites de la catastrophe de Fukushima et du tsunami avec son lot de réfugiés et les tentatives gouvernementales de nettoyer les lieux. Réalisée en noir et blanc avec un dessin semi-réaliste détaillé et appréciable, cette BD brasse différents thèmes pour former une histoire originale et intéressante sur le Japon, sa culture et les conséquences de la catastrophe de 2011 dans la région de Sendai et son impact sur le reste du pays. Comme elle mélange le mystère sur les motivations du père disparu, l'enquête de sa fille pour le retrouver ainsi que deux histoires criminelles en parallèle, le lecteur est assez vite pris par la lecture et l'envie d'en savoir plus. Et c'est ce qui permet à l'auteur de placer plusieurs moments où sont décrits cet étrange phénomène sociologique que sont les évaporés, le quartier de San’ya à Tokyo qui en est venu à servir de refuge à nombre d'entre eux, le type de boulots qui leur est offert, l'influence des yakuzas, et surtout donc comme dit plus haut les suites du tsunami à l'échelle du pays et pour la région de Sendai elle-même. Pris par ma lecture, je voyais avec appréhension la fin de l'album approcher trop vite car je voyais mal comment toutes ces portes ouvertes allaient pouvoir se refermer. Et de fait, l'histoire se termine de manière plutôt ouverte, laissant le lecteur sur une demi-frustration même si la conclusion reste relativement satisfaisante. J'avoue que j'aurais aimé un développement et une fin plus concrète, notamment pour ce qui concerne la partie polar de l'histoire.
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