Les Illuminés

Note: 3.78/5
(3.78/5 pour 9 avis)

Plongeant au coeur de notre patrimoine culturel, deux auteurs, au sommet de leur art, s'associent et nous entraînent dans le parcours chaotique du manuscrit des Illuminations, d'Arthur Rimbaud.


1872 - 1899 : de la IIIe république à la fin du XIXe siècle Arthur Rimbaud Futurs immanquables Mirages Poètes et poésie

Qui se cache à l'ombre des Illuminations, cette pièce unique de la poésie française ? Arthur Rimbaud, bien sûr, mais aussi Paul Verlaine et Germain Nouveau. Entre 1872 et 1877, les trois poètes se tournent autour, se cherchent, se fuient, s'enivrent, tentent d'être libres ou s'acharnent à ne pas l'être. Et puis un manuscrit, l'ultime, circule de main en main et semble leur brûler les doigts...

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 25 Octobre 2023
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Les Illuminés © Delcourt 2023
Les notes
Note: 3.78/5
(3.78/5 pour 9 avis)
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L'avatar du posteur carottebio

Et bien là, je n'ai pas accroché. Je comprends bien la valeur historique, culturelle de cette oeuvre. Mais pour moi le parti pris de demi page par lieu pour des actions simultanées est illisible. Pas moyen de rentrer dans une scène tellement elles s'enchaînent d'un lieu à un autre. Et au final, à part une succession de scènes, les auteurs nous offrent pas une psychologie profonde et subtile des personnages. Difficile alors d'être en empathie avec les protagonistes ou de garder de l'intérêt pour leurs histoires décousues. Par contre, j'admets volontiers le talent du dessinateur.

01/12/2024 (modifier)
Par Emka
Note: 4/5
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Je connaissais le duo Rimbaud-Verlaine, un peu comme tout le monde, mais n'avait jamais entendu parler du trio Rimbaud-Verlaine-Nouveau. On se retrouve ici plongé au cœur de la vie de ces poètes, à une période particulièrement intense, marquée par les tensions, les voyages, et bien sûr, la création du manuscrit des Illuminations. Et le moins que l'on puisse dire est que l'on y plonge bien. Dytar et Bollée parviennent à rendre compte de cette fougue et de l’aspect chaotique de leur existence, tout en évitant le piège de l’hagiographie (que je redoutais vraiment au départ). Visuellement, c’est beau. Dytar a un vrai talent pour capturer des ambiances. Contrairement à Noirdesir, j'ai bien aimé le choix des deux ou trois bandes horizontales qui découpent les pages permettent de suivre simultanément les parcours des protagonistes. Côté scénario, l’histoire est bien construite, même si on ne peut pas dire qu’elle révolutionne le genre. On est sur une biographie romancée, mais c’est fait avec subtilité. La mise en lumière de Germain Nouveau, souvent oublié au profit de ses deux compères plus célèbres, est un vrai plus. Le récit met en avant ses doutes, son retrait progressif de la scène littéraire, contrastant avec l’intensité de Rimbaud et Verlaine. Une très bonne manière de découvrir ou redécouvrir ce trio.

23/09/2024 (modifier)
L'avatar du posteur Noirdésir

Je suis grand amateur de poésie, et – comme beaucoup – la découverte de Rimbaud a été un choc lors de ma sortie d’adolescence. Verlaine m’attire beaucoup moins. Ce que je connais de Nouveau (l’homme, sa poésie) m’intéresse, même si j’en suis moins familier. En tout cas voilà un album qui m’attirait, et dont la lecture n’a pas déçu mes attentes. Dytar et Bollée connaissent bien leur sujet, et ils ont bien su montrer la passion qui habitait ces poètes et peintres (Cézanne fait de nombreuses apparitions, lui qui était « voisin » de Nouveau), l’état quasi extatique de Rimbaud. Surtout son aspect météorite, son passage merveilleux et court, son « départ » vers les lointains, qui n’est pas pour rien dans sa légende. Ils ont aussi et surtout su mettre en avant le personnage de Nouveau, souvent oublié des anthologies. La lecture est d’autant plus chouette que le dessin de Dytar est beau. Original, très lisible et personnel, il est pour beaucoup dans le côté agréable de la lecture. Mon seul vrai bémol concerne les choix de mise en pages. En effet, su tout l’album, pour montrer en parallèle plusieurs lieux et personnages, Dytar a fait le choix de « découper » la mise en pages en plusieurs bandes horizontales (souvent deux, parfois trois). Le procédé m’a gêné à plusieurs reprises, ça n’est pas très fluide, même si ça permet à l’inverse de dynamiser certains aspects du récit. Un bel album en tout cas, d’un amoureux de ces auteurs, qui leur a bien rendu un bel hommage.

11/08/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
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Quel crime ce serait, d'avoir ce manuscrit en mains et de ne pas l'imprimer… - Ce tome correspond à une biographie d'une partie de la vie de trois poètes à la fin du XIXe siècle. Sa parution initiale date de 2023. Il a été réalisé par Laurent-Frédéric Bollée & Jean Dytar pour le scénario, et par Jean Dytar pour les dessins et les couleurs. Il comporte environ cent-cinquante pages de bande dessinée. En fin de tome, sont récapitulés les poèmes dont des extraits figurent dans le récit : Ô saisons, ô châteaux (Arthur Rimbaud), Fin d'automne (Germain Nouveau), Matinée d'ivresse (Arthur Rimbaud), Il pleure dans mon cœur (Paul Verlaine), Parade (Arthur Rimbaud), Un grand sommeil noir (Paul Verlaine), Très méchante ballade d'un pauvre petit gueux (Germain Nouveau), Dernier madrigal (Germain Nouveau), un extrait de lettre de Verlaine à Rimbaud du douze décembre 1875, un d'une lettre de Nouveau à Mme Nina de Villard, et un extrait de la préface de Verlaine à la première édition des Illuminations en octobre 1886. Germain Nouveau est installé sur l'un des bancs en pierre intégrés à la façade de la cathédrale d'Aix en Provence, alors qu'une femme s'approche pour entrer. Un jour de septembre 1872, Germain Nouveau marche dans les rues de Paris, se dirigeant vers un café où l'attendent d'autres artistes. Il passe devant une libraire appelée Livre moderne et ancien. Il entend une voix l'interpeller depuis une fenêtre du premier étage. Une femme lui fait observer qu'il n'y a pas que les nourritures spirituelles dans la vie. Elle lui demande s'il ne veut pas effeuiller autre chose que les pages d'un livre. Elle trouve qu'il s'exprime avec un bel accent du Sud, elle en déduit qu'il débarque à Paris. Elle continue : s'il change d'avis, qu'il n'hésite pas à revenir. le poète parvient au café et y pénètre : il est salué par Paul Cézanne qui le présente à ses deux amis. Il lui commande une absinthe. Ils discutent et l'un d'eux informe Germain que Rimbaud a quitté Paris, avec cette crapule de Verlaine : ils sont partis pour Bruxelles. L'autre ami indique qu'il voit bien qui est Verlaine, un grand poète, en revanche il ne voit pas du tout qui est Rimbaud. Ce même jour de septembre 1872, un navire à Vapeur accoste à Douvres : Arthur Rimbaud et Paul Verlaine font partie des passagers qui débarquent. Ils se rendent à la gare pour prendre le train de Londres. Ils s'installent dans un compartiment déjà occupé par un homme, puis une femme entre et les salue en s'installant. Lors du trajet, Verlaine demande à son ami s'il aime Douvres. Rimbaud lui répond que non, et que Bruxelles avait fini par le faire bâiller d'ennui. Verlaine estime que son compagnon n'ait jamais satisfait. L'autre répond par un extrait de poème : Ô châteaux, quelle âme est sans défaut ? Il continue : parfois il a l'impression de se faire traverser par des tourbillons de mots. Jusque-là, c'était comme s'il laissait venir à lui les visions. Il les attrapait. Puis il tentait de les dompter avec les mots. Mais désormais, ce sont les mots qui semblent précéder ses visions. Il voudrait ne plus avoir peur de leur lâcher la bride. Qu'ils soient plus libres, plus fougueux ! Sans aller n'importe où… Seulement il faut qu'il accepte de perdre un peu de contrôle. Il se dit que les recueils de poèmes sont les livres qui se vendent le moins : le lecteur salue le courage de ces auteurs qui évoquent un passage de la vie des trois poètes dont deux sont passés à la postérité, connus par le grand public : Paul Verlaine (1844-1896), Arthur Rimbaud (1854-1891), le troisième, moins connu, étant Germain Nouveau (1851-1920). Ce tome se compose de dix chapitres, couvrant une période allant de 1872 à 1877, les deux derniers se déroulant une dizaine d'années plus tard en 1886. le lecteur familier des deux poètes les plus connus retrouvent le fait que le 10 juillet 1873, Verlaine tire sur Rimbaud avec un revolver, et il voit que le récit trouve une partie de son aboutissement dans la parution du recueil Les illuminations en 1886. En phase avec une écriture très spécifique pour la poésie, les auteurs ont imaginé une narration particulière : des pages divisées en deux ou trois parties horizontales. Dans le premier chapitre, la moitié supérieure de chaque page est parée de teintes entre gris et marron, et elle est consacré à Germain Nouveau qui rencontre Paul Cézanne dans un café, avec majoritairement deux bandes de cases. La moitié inférieure est dévolue au voyage d'Arthur Rimbaud et Paul Verlaine en Angleterre, dans des nuances tournant autour du vert bouteille, également majoritairement deux bandes de cases. Le décalage poétique commence avec la couverture : trois personnes sous l'emprise de la boisson, vraisemblablement gaies, et certainement illuminées, avec une définition des détails qui semble un peu floue, vraisemblablement un pont de Paris avec son parapet et son lampadaire caractéristiques, et sa chaussée pavée en queue de paon, mais en même temps le lecteur ne pourrait pas reconnaître le lieu exactement, ni même les personnages s'ils ne sont pas munis de leur accessoire (chapeau, pipe) dans une autre scène. Au cours du récit, l'artiste utilise cette gestion de l'imprécision pour différents effets : les visages pour laisser le lecteur projeter son émotion, la nature de certains revêtements de sol qui sont évoqués, certains arrière-plans en particulier dans les cafés quand l'intérêt du lecteur se focalise sur la discussion, et la mise en couleur. À part pour le dernier chapitre et pour les illustrations en double page du portail de la cathédrale Saint-Sauveur d'Aix-en-Provence (avec son tympan, son linteau et les montants sculptés), le dessinateur découpe chaque page par bande horizontale : deux ou trois, chaque bande suivant un ou deux des trois poètes. Pour chacune de ces bandes, une couleur est déclinée en plusieurs nuances pouvant s'échelonner entre le blanc et le noir, sans que ces deux extrêmes ne soient systématiquement présents. En outre, les dessins sont réalisés en couleur directe, sans recours à un trait de contour. Pour autant, chaque scène fourmille de détails précis et concrets qu'il s'agisse d'une grande vue d'ensemble d'un paysage, ou d'un cadrage serré pour une discussion intimiste. le lecteur éprouve une sensation de qualité quasi-photographique pour la finesse des sculptures décorant le pourtour du portail de la cathédrale Saint-Sauveur, pour les façades des immeubles parisiens, pour le quai de Douvres, pour la vitrine du café où Nouveau retrouve ses amis, les remparts de la prison de Saint-Gilles à Bruxelles, les immeubles face au Pont-Neuf, une vue de dessus à couper le souffle d'un escalier dans un immeuble, l'arrivée de trains en gare de Londres, l'échelle pour embarquer sur un ferry au départ de Livourne et à destination De Marseille, un désert de sable et de roches au Shoa, ou encore les chemins dans l'arrière-pays d'Aix-en-Provence. de même les personnages disposent d'une apparence spécifique qui permet d'identifier au premier coup d’œil chacun des trois poètes et Paul Cézanne, grâce à la jeunesse d'Arthur Rimbaud, et les barbes taillées différemment de Verlaine et Nouveau. La simple narration en deux ou trois bandes de couleur différente dégage une forme de diversité à chaque page, même quand l'une de ces lignes narratives repose sur une succession de champs et contrechamps en plan serré sur le buste des interlocuteurs. L'artiste sait concevoir des plans de prise de vue qui alternent plan fixe ou déplacement de caméra, maîtrisant ainsi la sensation de mouvement. La structure du récit invite à comparer ce qui se déroule dans une bande narrative à ce qui se déroule dans une autre placée juste en dessous, avec parfois des similitudes directes dans l'action des personnages, parfois des jeux de réponse ou de contraste. Lors de l'avant-dernière scène, le lecteur découvre le sens de ces dessins en double page, en plan fixe sur le portail de la cathédrale. La dernière scène se déroule en deux temps, d'abord cinq pages de discussion entre Germain Nouveau et un éditeur, à raison de douze cases par page, réparties en quatre bandes de trois, puis une forme très libre sans bordure montrant le poète cheminant sur un sentier comme s'il se déplaçait sur la page elle-même. le lecteur devient ainsi le témoin privilégié des discussions entre ces trois amis, sur la poésie, sur leur art, sur leurs limites, sur leurs frustrations et leur manque d'assurance, ainsi que de leurs voyages. S'il connaît un peu la vie de chacun, il repère plus facilement les moments ayant acquis une valeur de vérité historique et participant à la légende de ces poètes. Sinon, il prend les événements comme ils viennent, les déplacements, la conviction d'être un poète sans avenir, leur façon différente à chacun des trois, d'écrire, de pratiquer leur art, de ressentir l'acte de sculpter leur vision avec des mots. Il se rend compte que l'enjeu pour eux réside dans comment mener une vie leur permettant d'exercer leur art, et également en cohérence avec leur sensibilité artistique. Comment alimenter leur flamme sans se laisser gagner par la dérision ou la futilité de simples poèmes semblant en total décalage avec l'appréhension de la réalité par le reste du monde. En filigrane, il apparaît également la fragilité de leur entreprise, totalement soumise à des contingences arbitraires, à des mouvements d'humeur ou inspirations du moment aussi ténus que fugaces, en particulier pour ce qui est de la publication de leurs œuvres, et plus précisément pour Les illuminations. Assurément des auteurs qui prennent le risque de sortir des sentiers battus. Tout d'abord par le choix de mettre en scène des poètes, en s'attardant sur les vicissitudes de leur vie. Ensuite par une narration visuelle mêlant précision et évocation, en deux fils narratifs simultanés sur la même page, avec une mise en couleurs déclinant une couleur en plusieurs nuances. Enfin en évoquant leurs atermoiements et leurs revers de fortune, faisant ainsi ressortir leur fragilité, et les différents paramètres qui concourent à rendre leur création artistique quasi miraculeuse, tellement de choses venant la contrarier, la fragiliser, l'empêcher.

28/04/2024 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5
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Voila un beau 3.5 que j'arrondis au supérieur pour l'ambiance qui se dégage de cette BD aux traits maitrisés. Je m'y attendais de la part de Jean Dytar, mais tout de même, quelle précision dans son dessin ! J'aime assez peu Verlaine et Rimbaud, trouvant les poèmes de Beaudelaire plus impactant à mon gout. Mais pour autant, cette BD arrive à transmettre le dynamisme et la fougue de l'impétueuse jeunesse de Rimbaud. La BD se découpe en histoires parallèles, plutôt faciles à suivre d'ailleurs, sur ces trois personnages qui vont se croiser autour du manuscrit des "Illuminations" de Rimbaud. Bien menée, cette histoire nous entraine dans les tourments de la vie des ces poètes, amoureux des mots et écorchés vifs. Le récit nous entraine dans les années que partagèrent Verlaine et Rimbaud, mais aussi Nouveau qui se lia d'amitié avec ce dernier. L'ensemble est magnifié par le dessin de Jean Dytar, qui en profite pour jouer sur un style proche des impressionnistes. J'ai l'impression qu'il a voulu capter cette idée de lumière, la façon dont elle accroche les environnements. C'est notamment perceptible dans les choix de couleurs qui marquent les environnements, entre le soleil de Provence, le ciel lourd de Bruxelles et le sombre brouillard de Londres. La BD est franchement bien menée, donnant envie de lire la poésie de ces trois hommes mais aussi retraçant la fouge d'un Rimbaud qui influença sur les deux autres hommes. Si Rimbaud est au centre du récit, je trouve qu'il y a une volonté de replacer Germain Nouveau plus en avant que ses deux compères bien connus. Et j'aime bien la façon dont le récit explore les questionnements autour de la poésie et la publication, avec Nouveau finissant par dire que tout n'est qu'éphémère, la quête de gloire comme la richesse, et que seul le bonheur de vivre est important à ses yeux désormais. Une belle leçon que j'apprécie beaucoup ! C'est le genre de lecture que je pense garder pour revoir ces dessins et m’immerger à nouveau dans le récit qui est prenant et laisse un petit gout léger au final. C'est une histoire qui laisse sa petite patte, une légère sensation, comme un petit bout de poésie du monde ! Léger et agréable, très joli, une petite lecture rafraichissante.

15/03/2024 (modifier)
Par Cleck
Note: 4/5
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"Les Illuminés" est une merveilleuse réussite visuelle de Dytar, une BD sur la poésie, mêlant un délicat trait charbonneux à une élégante trichromie de tons, au service de narrations enchevêtrées. Le scénariste Bollée a l'habileté d'évoquer la vie des trois poètes Rimbaud, Verlaine et Nouveau, à la manière d'un Barthes, en découpant de vagues fragments d'existence présentant les chassés-croisés des trois personnages à travers des bribes de tranches de vie. L'idée principale est d'esquisser une représentation fantasmée sinon mythologique (si l'on veut filer la métaphore barthienne) de l'univers de ces auteurs libres et maudits, d'en appeler à un imaginaire, de correspondre aux représentations que nous pouvons en avoir, usant de codes (les copains, l'alcool, les colères, les nuits enfiévrées, les cristallisations, l'amour déçu, la fuite du succès...) pour décrire le mythe fantasmé de l'artiste maudit et retracer ici la tortueuse digestion du recueil "Les Illuminations". Ces bribes de récits et la trichromie permettent de suivre sans gêne la narration, ce qui distingue clairement "Les Illuminés" du conceptuel Pour quelques degrés de plus, aussi parce que cette narration est d'une ampleur fort limitée, ce qui constitue là une première limite de l'œuvre. La seconde limite est liée au parti-pris clair et discutable dans la manière de nous présenter ces trois écorchés : pour le premier sous la belle aura du perdant magnifique, pour le second en tant que victime expiant son crime passionnel dans une auto-destruction résignée, pour le dernier comme un salop dont le talent n'a d'égal que l’égoïsme exacerbé. Un tel sujet ne pouvait engendrer une réussite complète, elle n'en demeure pas moins éclatante jusque dans ses imperfections fort à propos.

06/03/2024 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Une fois encore, Jean Dytar aura réussi à nous surprendre avec ces « Illuminés ». En s’associant avec LF Bollée pour le scénario, déjà connu pour quelques beaux albums parus ces dernières années (La Bombe, Terra Australis…), il s’attaque à un épisode de la vie de ces trois écorchés vifs qui avaient la poésie chevillée au corps et à l’âme. Rimbaud, parti vers des contrées lointaines, avait abandonné un célèbre manuscrit pas encore publié et auréolé de mystère, « Les Illuminations », un document maudit qui semblait encombrer ses deux amis. Si l’on connaît Paul Verlaine et Arthur Rimbaud, notamment à travers leur liaison à la fois fusionnelle et toxique, on connaît moins bien Germain Nouveau, qui figure pourtant ici comme l’un des membres à part entière du trio. D’une moindre notoriété que les deux autres, celui-ci n’en était pas moins un poète talentueux et digne d’intérêt, mais il a eu quelque peu tendance à se faire oublier, et on va comprendre pourquoi à la lecture de l’album. Cette biographie triangulaire coche toutes les cases d’une œuvre réussie, à commencer par le format de narration très original. Le pari était risqué de dérouler plusieurs fils narratifs cote à cote (deux ou trois en fonction des passages, centrés sur chacun des poètes), mais les auteurs ont su éviter la confusion grâce à différents codes couleur, s’en tenant à une structure de mise en page basique. Et contre toute attente, cela fonctionne à merveille. La lecture est d’une fluidité impeccable, avec, double trouvaille, des correspondances ponctuelles entre les différents fils, certaines évidentes (exemple p.110), d’autres plus suggérées pour la participation active du lecteur. C’est extrêmement bien vu voire addictif ! Quant au dessin, il faudra se réfréner pour ne pas tomber dans un éloge par trop déraisonnable ! Jean Dytar, véritable explorateur graphique et conteur hors pair, nous a prouvé son talent de caméléon créatif avec ses albums précédents. Il adopte ici un style réaliste, avec une technique au fusain et des tonalités sepia évoquant des œuvres du XIXe siècle. Si l’on apprécie les portraits des trois hommes, très ressemblants, on restera admiratifs devant les paysages naturels et les scènes urbaines : Londres s’estompant sous le « fog » des usines, le Pont neuf étincelant sous un féérique croissant de lune, un jardin bruxellois fantomatique dans la brume nocturne, ou encore un navire voguant sur une mer exotique. C’est tout simplement superbe ! Les doubles pages itératives du porche de la cathédrale d’Aix-en-Provence inaugurant chaque chapitre et la fin de l’album donnent à penser que les auteurs ont cherché en quelque sorte à réhabiliter cet artiste méconnu qu’était Germain Nouveau — une telle approche étant à l’évidence moins justifiée pour Verlaine et Rimbaud. Et nous, lecteurs, sommes heureux de faire connaissance avec ce poète qui ne voulut jamais être publié de son vivant et termina sa vie en clochard céleste dans sa Provence bien aimée. Finalement, ne serait-ce pas lui, Nouveau, le véritable poète ? « Les Illuminés » restera comme une des œuvres marquantes de cette année 2023, parvenant à allier modernité et intemporalité. Jean Dytar se révèle au fil de ses publications comme un artiste qui compte sans calculer, un artiste-conteur à qui l’audace graphique réussit à tous les coups. L’auteur de Florida et du « Sourire des marionnettes » est de la race des artisans-bâtisseurs avec ce je-ne-sais-quoi de médiéval, un peu hors du temps, construisant patiemment une palette d’univers très différents assortie à un propos toujours passionnant.

30/12/2023 (modifier)
Par PAco
Note: 3/5
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Pourtant assez fan du travail de Jean Dytar que j'avais découvert avec le merveilleux Florida ou encore le malicieux Les Tableaux de l'ombre, j'avoue être resté sur ma faim avec cet album. Ce ne sont pourtant pas les somptueuses planches qui composent les 144 pages de cet album qui m'ont déçu, loin de là ! J'adore en prime cette période créatrice de cette fin XIXe, que ce soit en littérature ou en peinture... Alors ? Ba je ne sais pas... Le récit de ce trio de poètes maudits qui va se chercher, s'écharper voire se perdre a tout pour captiver son lectorat... mais pschiiit... sans comprendre pourquoi la magie n'a pas opéré. Je suis resté en spectateur distant de ces relations décousues et ambivalentes qui au fil des années qui s'égrainent finiront tout de même par accoucher de ce mystérieux recueil "Illuminations" écrit par Raimbaud. C'est vraiment dommage, car j'ai l'impression d'être passé à côté de ce récit ; reste le plaisir intact du dessin impressionnant et de sa mise en couleur qui rend parfaitement hommage à l'époque et à ces trois grands poètes que sont Verlaine, Rimbaud et Nouveau.

03/11/2023 (modifier)

Quelle merveille ce livre! Commençons par le dessin! J'aime énormément le travail de Jean Dytar (une bibliographie sans fausse note (Scénario/dessin) et en particulier Florida, un de mes gros coups de coeur de l'année 2018) mais là, waouh, je ne m'attendais pas à pareille claque visuelle !! Un peu dans la même veine que David Vandermeulen pour Fritz Haber. Que c'est beau et cette idée de découpage des planches qui permet, aidé par les couleurs, de suivre en parallèle et aisément nos trois protagonistes (i.e. Rimbaud, Verlaine et Nouveau) est judicieuse et marche formidablement bien. Côté scénario, rien à redire, c'est d'une subtilité et finesse sans nom ! On ne présente plus non plus Laurent-Frédéric Bollée et on notera l'apport reconnu de Jean Dytar. Lire ce récit sur la genèse des Illuminations me donne des envies de (re)lire le(s) livre(s) de Rimbaud, (re)lire les livres de Verlaine et Nouveau, se renseigner sur cette période et ces trois auteurs et finalement, se replonger à nouveau dans cette BD ! Un immanquable de 2023 !

31/10/2023 (modifier)