Chef Joseph
La longue marche des Nez-Percés.
1872 - 1899 : de la IIIe république à la fin du XIXe siècle Indiens d'amérique du nord La Montagne Les Légendes de l'Ouest Séries avec un unique avis [USA] - Rocky Mountains States - Les Rocheuses
Vers la fin du XIXe siècle, la magnifique vallée de la Wallowa, territoire ancestral des Nez-Percés, est convoitée par les colons américains, appâtés par ces terres réputées aurifères et propices à l’élevage. Après l’échec de longs pourparlers, la tribu doit se résoudre, la rage au cœur, à quitter ses terres situées dans l’est de l’Oregon pour échapper au joug des autorités fédérales et à l’enfer d’une vie dans les réserves. Sous l’autorité de Chef Joseph, elle décide d’entreprendre le plus périlleux des exodes en tentant de rejoindre la frontière canadienne, avec près de 800 âmes, dont femmes, enfants et vieillards ainsi que des milliers de chevaux. Animés d’un courage à nul autre pareil, les Indiens se fondent dans le paysage et progressent à marches forcées à travers la chaîne vertigineuse des Bitteroot Mountains, telle une tribu fantôme. C’est le début d’une traque acharnée à travers l'Idaho, le Wyoming et le Montana avec à leurs trousses l’armée américaine, marquée par le désastre de Little Big Horn. Après plus de 2 000 kilomètres parcourus, l’odyssée des Nez-Percés s’achève tout près du Canada par une ultime défaite face aux troupes du colonel Miles. Malgré la reddition de Chef Joseph, ce périple d’une tribu pacifique reste un symbole, celui d’une résistance héroïque face à l’envahisseur. Accompagné par l’historien Farid Ameur, spécialiste de la conquête de l’Ouest américain, François Corteggiani, grand connaisseur également des récits du Far West, et Gabriel Andrade nous entraînent dans un western haletant sur les traces d’un épisode mythique des guerres indiennes et d’une figure légendaire, à la fois attachée à ses traditions et éprise de liberté.
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Date de parution | 11 Octobre 2023 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Alors que la mode est aux collections présentant des biographies plus ou moins complètes des « grands noms » de « l’Ouest » américain, une petite injustice commence à être réparée, puisque des Amérindiens ont désormais les faveurs d’auteurs/éditeurs. Et avec cet album, c’est une grande injustice qui est en partie réparée. En effet, Chef Joseph est un personnage intéressant en lui-même, et l’auteur – avec les compagnons d’infortune des bandes Nez-Percés, d’un mouvement militaire et humain majeur. Le parcours réalisé par les Nez-Percés sous la direction de Joseph est en effet largement équivalent à ceux d’Hannibal et de Napoléon à travers les Alpes. Si ce n’est que lui a mené un mouvement de fuite, de retraite (avec une majorité de non-combattants) – et qu’il en est sorti finalement vaincu. Je connais bien le personnage, au travers de nombreuses lectures (dont la biographie parue aux éditions du Rocher entre autres), et de quelques rares photographies – dont le superbe portrait réalisé par E. S. Curtis (que je suis étonné de ne pas avoir retrouvé dans le dossier final). Le « point de départ » est hélas tristement classique : les Etats-Unis ne souhaitent pas respecter les traités ayant reconnu aux Nez-Percés la pleine possession d’une vallée fertile (après avoir usé de subterfuges pour multiplier les traités iniques). Il y a de l’or, des terres fertiles, les colons à Washington, leurs représentants avides de profits, et l’armée (nous sommes en 1877, et l’année précédente le 7ème de Cavalerie a été anéanti par les Sioux et les Cheyennes sur la Little Big Horn), tous veulent en finir avec ces « sauvages ». Pourtant, ce sont bien des Nez-Percés qui ont accueilli, nourri et sauvé l’expédition de Lewis et Clarke 70 ans plus tôt, gardant ensuite une attitude amicale envers les Blancs. Attitude renforcée par Joseph, lui-même baptisé (d’où son surnom chrétien). Une fois l’ultimatum injuste et cynique de l’armée (quelques jours pour rassembler leurs troupeaux, puis départ pour une maigre réserve), et suite à quelques exactions, Joseph et les autres chefs Nez-Percés se lancent dans une manœuvre incroyable. Avec plusieurs centaines de femmes, d’enfants, de vieillards, et avec moins de deux cents guerriers, ils vont traverser une bonne partie des États-Unis, prenant des risques inouïs, à la barbe de plusieurs milliers de soldats, leur infligeant même plusieurs défaites. Comprenant qu’il n’y a pas d’issu aux États-Unis, Joseph tente d’atteindre le Canada pour rejoindre les Sioux qui s’y sont réfugiés autour de Sitting-Bull, et c’est à quelques jours du but qu’ils sont définitivement écrasés. La suite est elle aussi classique pour les survivants : non-respect des promesses faites lors de la reddition, déportation par petits groupes dans des réserves (Joseph lui-même mourant de chagrin sans jamais avoir revu ses terres). Et cette fin montre bien que le vol des terres n’était pas suffisant, on ne pouvait laisser « libres » ces Indiens (qui n’auraient plus gêné grand monde au Canada ! – eux qui d’ailleurs se sont toujours montrés pacifiques avec les Blancs). Si l’ethnocide vécu par les peuples amérindiens est évident, cet épisode donne des arguments pour y ajouter le génocide. Le dessin est agréable, et Joseph est plutôt ressemblant à l’original (la colorisation est aussi réussie). La narration m’a un peu laissé sur ma faim. C’est très fluide et lisible, mais je trouve qu’il manque une certaine dramatisation, quelque chose pour rendre davantage hommage au malheur et à l’héroïsme incarnés par Joseph et son peuple. Mais je suis content qu’il ait eu les honneurs de cette collection (il aurait aussi pu intégrer celle des West Legends aux côtés de Sitting Bull). Et le dossier final est plutôt bien fait pour comprendre les enjeux de l’épopée finale des Nez-Percés. Pour finir, je voudrais citer un Nez-Percés, Smohalla, que j’avais découvert au travers du beau livre de McLuhan « Pieds nus sur la terre sacrée », fondateur de la « religion des rêveurs » une vingtaine d’années avant les évènements recensés dans cet album, et qui déclarait : « (…) Les hommes qui travaillent ne peuvent rêver, et la sagesse nous vient des rêves (…) ». Avec la reddition de Joseph, un certain rêve de liberté et de justice s’est éteint. Note réelle 3,5/5.
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