Creuser Voguer

Note: 4/5
(4/5 pour 1 avis)

Creuser Voguer invite à voyager depuis les fonds de cale et à lever les yeux pour adopter une autre perspective : celle des invisibles et des sans-grades. Il est ainsi possible d'appréhender un autre point de vue, celui d'une strate sociale qui est occultée par la nôtre.


La BD au féminin Les petits éditeurs indépendants Séries avec un unique avis

Pêcher le barbe, caresser les mognoles, dresser les pijaunes, s’occuper du grand gori, conduire la bibinette, extraire le ploiron, tisser le bleu iribé… Autant de métiers qui font rêver, autant d’activités essentielles à la vie, autant de tâches guidées par la fantaisie. Vraiment ? La réalité est pourtant moins poétique et derrière ces mots qui titillent l’imaginaire se cache l’âpreté du travail dans ce qu’il a de plus brutal. De plus injuste aussi.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 13 Avril 2023
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Creuser Voguer © Cornélius 2023
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 1 avis)
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09/01/2024 | bamiléké
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L'avatar du posteur bamiléké

C'est vraiment une lecture atypique, originale et d'une grande tendresse poétique. Delphine Panique a été au contact d'un public habitué des centres sociaux. Elle aurait pu (du ?) en produire un opus documentaire journalistique assez en vogue aujourd'hui dans le monde de la BD. Elle était bien entourée pour aller dans cette direction descriptive rationnelle mais sa sensibilité a guidé sa créativité vers une oeuvre poétique bien plus intéressante à mon avis. Autour de dix histoires courtes qui présentent le vécu de femmes invisibles dont on prétend qu'elles occupent des postes "non qualifiés" souvent précaires et à faibles rémunérations. Elles sont corvéables à merci, acceptent des horaires à rallonge, et doivent souvent passer un temps infini dans les transports. Ici elles pêchent le barbe, tissent le bleu iribé, extraient le ploiron ou conduisent la bibinette. Derrière la poésie du vocabulaire, l'autrice invite à ouvrir les yeux sur une réalité bien plus sordide. Il ne faut pas chercher plus loin les soeurs des aides ménagères, femmes de ménage, aides-soignantes chez nous ou petites mains des ateliers de tissage ou enfants des mines à quelques heures d'avion. Des métiers qui vous cassent le dos, rongent les poumons ou vous tuent les yeux. C'est un monde que je connais bien et je suis rentré dans l'univers de Delphine Panique avec admiration pour la façon dont elle a su exprimer l'essence même de la souffrance et de l'abnégation de ces femmes qui veulent nourrir leurs enfants, les enfants de leurs soeurs et... Les dialogues sont rares car c'est un monde où on ne se dévoile pas par peur d'une dénonciation, d'un contrôle et d'une perte de revenus. Alors l'autrice comme un pied de nez, nous propose une page entière d'explications style journalistique décalé. C'est un contre point souvent drôle à une ambiance lourde. À l'image des dialogues le graphisme est minimaliste. Toutefois la précision du trait rend la surenchère de détails superflue et donne aux récits une valeur universelle et intemporelle. La mise en couleurs autour des bleus et des jaunes travaille beaucoup à créer une atmosphère qui m'a remué. Une excellente lecture qui demande aux lecteurs un vrai partage avec l'autrice pour tourner les yeux vers ce fond de cale.

09/01/2024 (modifier)