Rivages lointains
Amour et trahisons au cœur de la mafia.
1939 - 1945 : La Seconde Guerre Mondiale 1946 - 1960 : L'Après-Guerre et le début de la Guerre Froide Gangsters Gays et lesbiennes La BD au féminin New York
1938, Chicago. Jules, un jeune immigré italien de 17 ans, vit de petits boulots jusqu'au jour où Adam Czar, un ponte de la mafia locale, séduit par son culot, lui propose de travailler pour le milieu en récupérant le pizzo payé par les commerçants en échange de leur protection. Attiré par l'argent facile et les beaux costumes, Jules accepte et s'intègre vite grâce à son bagout. Parallèlement, les deux hommes entretiennent dans le plus grand secret une relation amoureuse, situation particulièrement mal vue dans le milieu.
Scénario | |
Dessin | |
Couleurs | |
Editeur
/
Collection
|
|
Genre
/
Public
/
Type
|
|
Date de parution | 19 Janvier 2024 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Quand histoire d'amour homosexuel et histoires de mafia se mêlent, cela donne ce touchant récit de gangsters qui s'étale de 1938 à 1960. On y suit Jules, alias Giulio de son nom de naissance, petit immigré italien pris sous l'aile protectrice et aimante d'un mafieux de Chicago auprès de qui il va évoluer et grimper les échelons, jusqu'à devenir différent au point que leur amour deviendra impossible. C'est une histoire complexe, où la force des choses et les intérêts mêlés des deux protagonistes vont les amener à changer, à s'installer à New York puis ailleurs, à suivre des chemins parallèles mais tournoyants jusqu'à la rupture, faite de trahisons, de manipulations et d'erreurs malgré un amour sincère. Si l'histoire mafieuse est assez classique, y inclure cette part romantique est original. On notera une certaine influence du style manga Boy's Love dans le ton de cette roman, influence qu'on retrouve beaucoup aussi dans le physique juvénile d'éternel adolescent du héros, dans la relation assez paternaliste de son amant envers lui, et dans leur beauté à tous les deux. Avant même de vérifier qui était l'auteur de l'ouvrage, je me suis rendu compte qu'il s'agissait d'une femme tant cette romance a quelques aspects enjolivés, fantasmés. A ce propos, le dessin est tout à fait sympathique, capable de représenter de manière charmante aussi bien les scènes de gangsters que les moments intimes. Si le déroulement de la partie gangsters parait parfois un peu facile, notamment par la difficulté à convaincre qu'un personnage aussi malingre et petit que le héros puisse terroriser ses victimes et s'imposer dans son milieu, le déroulement de la romance, elle, est plus crédible, et notamment les moments difficiles et la distanciation qui finit par s'imposer. En cela, j'ai trouvé la fin assez touchante. Globalement, j'ai apprécié cet album, ses quelques originalités ainsi que ce parcours de deux hommes ainsi que l'aperçu de l'état de la pègre et de son évolution sur une vingtaine d'années, même si je ne sais pas si tout y est crédible.
Anais Flogny signe ici sa première bande dessinée. Et le moins que l’on puisse dire c’est que cet album trahi déjà de grandes ambitions scénaristiques et un volonté de façonner des personnages fascinants ! Cet album sort dans la collection Combo, un nouveau label que la maison d’édition Dargaud lance cette année et qui a pour objectif de mettre en lumière le travail d’autrices et d’auteurs différentes, influencés par les mangas, les comics, l'animation, le jeu vidéo et les réseaux sociaux. « Rivages Lointains » raconte l’histoire de Jules Tivoli, un jeune commis, immigré italien vivant dans le Chicago des années 30, en pleine grande dépression (et durant la prohibition). Un jour, Jules fait la connaissance d’Adam Czar, un charismatique (et plus âgé) membre de la pègre locale. Rapidement, de façon fort culotée, Jules va se faire remarquer d’Adam qui, intrigué par le potentiel du jeune homme, le prendra sous son aile. Il entamera avec lui une relation amoureuse passionnée. Suite à une série de règlements de compte Adam et Jules sont contraints de quitter Chicago pour s’installer à New York. Malheureusement, Adam, polonais d’origine, ne parvient pas à intégrer les rangs de la très italienne Cosa Nostra. Qu’à cela ne tienne, il décide de se servir de Jules comme « porte-parole » et ainsi conserver ses privilèges. Jules va toutefois se prêter au jeu et va, progressivement, prendre de l’assurance et gravir lui-même les échelons jusqu’à devenir un membre important de la Cosa Nostra, au grand dam … d’Adam. Cette historie est terriblement bien racontée. A tel point que les presque 230 pages qui la composent se lisent avec une facilité déconcertante. L’autrice, Anais Flogny, a eu la bonne idée de découper son récit en chapitres entre lesquels s’écoulent chaque fois 2 années ou plus. De la sorte, on assiste à la progressive montée en puissance de Jules, à la déchéance du charismatique Adam et surtout à la détérioration de leur romance, le second jalousant petit à petit le premier. Il est aussi très intéressant d’observer comment Anais Flogny construit méthodiquement la psychologie de ses personnages. Cela se ressent tout particulièrement dans le personnage de Jules qui, s’il ne dispose d’aucun « pouvoir » (et ce sens qu’il n’est qu’un commis sans perspective d’avenir) a, dès le début, une force de caractère et une volonté de réussir dans la vie. A tel point que son ascension, son amour pour Adam puis son émancipation de son mentor/amant en sont passionnantes. Il est enfin important de noter la présence du personnage d’Eufrasio, un autre jeune membre de la mafia, flamboyant et tête brulée, que Jules rencontrera à New York et dont il deviendra l’ami. Eufrasio s’inscrit comme un élément perturbateur magnifique. C’est en effet lui qui va semer les premiers éléments de doute que Jules éprouvera vis-à-vis d’Adam et c’est surtout lui qui va amener le personnage à s’affirmer profondément et durablement. De son propre aveu, Anais Flogny tire son inspiration des affichistes et des illustrateurs du début du XXème siècle (René Gruau, Austin Griggs…) mais également d’auteurs et autrices de bandes dessinées comme Cyril Pedrosa ou Kamome Shirahama , un mélange de style intriguant qui, s’il pourrait de prime abord en surprendre certains, se laisse rapidement apprivoiser pour en devenir addictif. Peu de décors, mais des personnages tout en expressivité et dont les moindres haussement de sourcils (aussi infimes soient ils), les moindres rictus, les membres expressions corporelles, trahissent des personnalités fortes. L’ensemble est colorisé dans des tons pales et un peu délavés renforce l’aspect vintage et dangereux du récit et du monde dans lequel évolue les personnages. Cette histoire n’est pas sans rappeler d’autres récits tels que le Parrain, les Affranchis, dont elle aborde, bien évidemment les thèmes. La pauvreté, la petite et la grande criminalité, la montée en puissance d’un personnage d’origines modestes, déterminé, la chute inévitable d’un personnage influent… Loin d’être redondante, la relecture de ces différentes thématiques est, au contraire, passionnante, tant on est curieux et curieuses de voir ce qu’en fait Anais Flogny. L’autrice parvient en effet, grâce à son trait particulier et à la construction de la psyché de ses personnages, à transcender ce type de récit « classique » en y insufflant une dimension (un peu plus) humaine et poignante. En ce sens, la relation homosexuelle entre les deux personnages est un élément tout à fait neuf, dans ce genre d’histoire et peu représenté dans ce genre de milieux mafieux, iconiquement considéré comme très viril. Cela apporte ainsi une touche de douceur mais également de danger à l’ensemble. Avec Rivages Lointains, Anais Flogny ne dynamite pas les codes du récit de gangster, mais le soin qu’elle apporte à sa narration ainsi qu’à la construction de ses personnages font de cet album une relecture moderne et rafraichissante de ce type d’histoire.
Objet plutôt imposant (240 pages), ce livre semble être la première œuvre de son autrice, Anaïs Flogny. Et le moins que je puisse dire est que, pour une jeune autrice, franchement, c’est impressionnant de maitrise narrative ! Pourtant, j’ai craint dans un premier temps de tomber dans un récit très convenu puisque Rivages lointains a pour personnage central un jeune émigré italien qui va, au fil des années, gravir les échelons dans la mafia new-yorkaise. Le récit démarre en 1938, lorsqu’il n’a que 17 ans, pour se terminer 22 ans plus tard. Or, des récits sur ce sujet, j’en ai déjà lus un fameux paquet ! Mais là où l’autrice se démarque, c’est dans le fait de coupler ce background à une histoire d’amour homosexuelle. Amour qui va lier Jules à son mentor, un caïd polonais de la pègre. Et plutôt que sur l’action, l’autrice se focalise sur les relations entre les personnages, sur les liens (amour, amitié, jalousie) qui seront à l’origine des drames auxquels nous allons assister. L’action est donc bien présente mais elle résulte des sentiments des personnages plutôt que d’une quelconque logique financière ou de luttes de pouvoir. Et en cela, je trouve que l’approche du récit de genre polar mafieux est originale. Mais si je parlais de maitrise narrative, c’est surtout du fait que l’autrice parvient par sa mise en page et sa colorisation à centrer l’attention du lecteur sur ses personnages. Les décors s’effacent à un point tel que certaines planches pourraient paraître extraite d’un shojo. La colorisation aux teintes uniformes estompe les arrière-plans et, par contraste, fait ressortir les personnages centraux. 240 pages de ce procédé pourraient endormir… et pourtant j’ai dévoré cet album. Alors non, tout n’est pas parfait. L’intrigue est cousue de fil blanc, les rebondissements ne surprennent pas vraiment, mais Anaïs Flogny semble disposer d’un talent précieux : celui de décrire avec sensibilité des personnages mélancoliques et torturés. Une première œuvre d’une grande maîtrise et une autrice très certainement à suivre.
Site réalisé avec CodeIgniter, jQuery, Bootstrap, fancyBox, Open Iconic, typeahead.js, Google Charts, Google Maps, echo
Copyright © 2001 - 2024 BDTheque | Contact | Les cookies sur le site | Les stats du site