Moi, fou

Note: 3.67/5
(3.67/5 pour 3 avis)

Prix Tournesol 2019 Cette histoire de Big Pharma découpant nos vies et nos psychés pour optimiser ses profits pourrait se dérouler partout, mais ses tonalités politiques ajoutent un volet au portrait sans fard de l’Espagne contemporaine qu’Altarriba trace de livre en livre. Et la mystérieuse ville basque de Vitoria, au centre de sa «Trilogie du Moi», devient pour lui ce que Dublin fut pour Joyce ou Providence pour Lovecraft, le lieu mythique d’où sourdent toutes les peurs, toutes les hantises qui habitent ses héros.


Auteurs espagnols Espagne Folie Prix Tournesol

Angel Molinos, docteur en psychologie et écrivain raté, basé à Vitoria comme le héros de Moi, assassin, travaille pour l’Observatoire des Troubles Mentaux (OTRAMENT), centre de recherche affilié aux Laboratoires Pfizin de Houston, qui suit l’évolution des maladies mentales et teste de nouvelles molécules sur des cobayes humains. Sa mission est d’identifier de nouveaux profils «pathologisables» afin d’aider Pfizin à élargir sa pharmacopée. Les nuits d’Angel sont hantées de cauchemars. De retour dans son village natal, que des rumeurs d’homosexualité l’ont forcé à quitter à l’âge 16 ans, il retrouve son père atteint d’Alzheimer et renoue avec l’homme, devenu moine, qui l’a initié à l’homoérotisme. Il comprend que son métier est lié à ce trauma : il crée des catégories d’«anormalité mentale» pour se venger de l’étiquette homosexuelle qui a bouleversé sa vie. Rentré à Vitoria, il décide de rallier la cause d’un collègue qui prétend dénoncer les pratiques d’OTRAMENT. Mais le lanceur d’alerte a disparu, et Angel trouve devant sa porte la main coupée de ce dernier. Ses employeurs auraient-ils décidé de se débarrasser de lui? L’inventeur de fausses folies serait-il en train de devenir fou?

Scénario
Dessin
Traduction
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 25 Octobre 2018
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Moi, fou © Denoël 2018
Les notes
Note: 3.67/5
(3.67/5 pour 3 avis)
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21/02/2024 | Cacal69
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Par Gaston
Note: 3/5
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Second volet de la trilogie du moi, trois albums qui peuvent se lire séparément même si on retrouve des personnages récurrents dans les trois tomes. Ici, les auteurs dénoncent le monde des grosses compagnies pharmaceutiques qui ne pensent qu'au profit. On parle aussi des problèmes mentaux parce que notre pauvre personnage principal va sombrer de plus en plus dans la folie au fil des pages. Le résultat est pas mal, mais j'ai les mêmes réserves que pour le premier tome. L'action est un peu trop lente et il y a aussi un peu trop de personnages. C'est un peu dur par moment de s'y retrouver dans le scénario. J'aime bien le dessin.

12/08/2024 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5
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Ce deuxième tome poursuit l'étrangeté du monde présenté par Antonio Altarriba, sorte de version corrompue de notre monde, qui semble pourtant bien réaliste. Ce volume confirme la très bonne impression que j'ai à propos de ce duo : le dessin noir et blanc avec une unique touche de couleur prédominante, ici jaune folie, permet de créer directement des ambiances sombres et hallucinées propices au propos. C'est sur un mélange de paranoïa et de réalisme que la BD se construit, avec la progression du personnage dans une boite pharmaceutique faisant explicitement référence aux laboratoires Pfeizer, jusque dans le nom. La question des maladies mentales nouvelles est abordée avec un cynisme qui fait froid dans le dos, inventant de nouveaux troubles pour vendre plus d'anciens médicaments sans jamais se poser la question de la pertinence de l'idée (il faut juste vendre) ni de ce qui les provoque toujours plus, comme un système défaillant. Sans en dire les mots, c'est bien une critique de notre société et du capitalisme qui est fait dans la BD. Parlant de folie humaine, c'est bien plus la société qui semble devenue folle et prise d'étranges maladies mentales. Le final est glaçant et renforce cette noirceur, tout en replaçant aussi la question des entreprises, microcosmes dans lesquels se développent des folies ordinaires. On peut repenser à ces gens qui finissent par revenir dans la boîte avec un fusil ... La BD est sombre mais véhicule beaucoup de bonnes idées. C'est autant dans les discours que les détails : le personnage principal est homosexuel, "déviance" qualifiée de maladie pendant très longtemps, et qu'on tentait de "soigner". Je ne pense pas que ce soit un choix au hasard que de l'avoir mis comme personnage central. D'autre part on voit des liens avec Moi, assassin par des personnages qui reviennent, soulignant la continuité thématique des messages. L'art, la folie, le côté sombre de l'humain, la société en proie au capitalisme ... On est sur une série posant de grandes questions sur l'humain et dont les réponses mettent surtout en avant comment la société y répond mal. Une BD lourde mais ô combien pertinente, je trouve.

08/07/2024 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5
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Une lecture qui demande de la concentration : de nombreux personnages et un scénario dense et complexe où on va flirter avec la folie. Altarriba dénonce les abus des laboratoires pharmaceutiques au travers le parcours de Angel Molinos (moulins en espagnol). Il travaille pour Otrament, un observatoire des troubles mentaux où son job consiste à créer des profils psychologiques et ainsi de nouveaux troubles mentaux à soigner. Et de ces nouveaux troubles mentaux vont découler de nouveaux médicaments qui eux-mêmes rapporteront une manne financière conséquente aux laboratoires pharmaceutiques. Un système qui fonctionne, puisqu'en 1946, l'OMS recensait 26 maladies mentales... aujourd'hui plus de 400 !!! Vous connaissez la coprolalie ou l'aporophobie ? Le monde est déjà malade, mais on peut aggraver ses symptômes. Angel Molinos, tel un don Quichotte, va tenter de réunir des preuves pour mettre à jour ce scandale pharmaceutique, mais cette tentative va malmener sa psyché, son passé torturé va remonter à la surface. Altarriba propose, en mode polar, une lecture passionnante qui tient en haleine et nous amène à des réflexions. Où se trouve la frontière entre folie et normalité ? On va y croiser des personnages déjà aperçus dans Moi, assassin sans que cela gène le lecteur, mais aussi l'amour de l'auteur pour l'art qui est toujours présent, mais à un degré moindre que dans le tome précédent. Le dessin de Keko est magnifique, dans un noir et blanc très tranché et légèrement charbonneux où le noir prend un maximum de place. Il sera juste relevé par quelques touches de jaune. Le jaune de la traîtrise et de la folie. Une mise en page très polar. J'aime particulièrement les "gueules" des personnages, avec de superbes gros plans. Si vous êtes un peu fou... "Les assassins, on les tue... Les fous, on les suicide..."

21/02/2024 (modifier)