Tepe - La Colline

Note: 3.25/5
(3.25/5 pour 4 avis)

Bien avant ton époque et bien avant la mienne... Quand l'homme commençait tout juste à se différencier de l'animal quand le règne des bêtes touchait à sa fin quand la terre solitaire, millénaire et vierge commençait à se transformer sous la main de l'homme et que l'abîme en l'homme commençait à se creuser sur la terre solitaire, millénaire et encore vierge... Quatrième de couverture.


Cà et Là Préhistoire

Râht est un chasseur-cueilleur capable de dialoguer avec les animaux, et qui vit en marge de la société des hommes depuis la mort de sa mère. Ses conviction et son mode de vie sont très éloignées de la société construite sur la colline de Göbekli Tepe (« la colline ventre », située dans le sud de la Turquie) où les hommes abandonnent progressivement le nomadisme pour fonder une société sédentaire, dont le principal ciment constitue la croyance au « Père ciel », une divinité unique. Mais cette société « civilisée » se distingue par sa violence et son rapport de prédation vis-à-vis de la nature, comme le démontre le massacre de troupeaux de biches pour satisfaire « Père ciel »… Lorsque Râht rencontre une jeune biche survivante du massacre, il se lance dans une épopée à travers la région.

Scénario
Dessin
Couleurs
Traduction
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 16 Février 2024
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Tepe - La Colline © Cà et Là 2024
Les notes
Note: 3.25/5
(3.25/5 pour 4 avis)
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09/03/2024 | Cacal69
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L'avatar du posteur Noirdésir

L’auteur est Turc, et son récit se déroule justement dans cette région, l’une des premières où les hommes se sont sédentarisés, ont construit des embryons de villes. C’est à cette époque, il y a une douzaine de milliers d’années, que ce situe le récit. L’album est épais, mais se laisse lire rapidement – et globalement agréablement. Il faut dire que le dessin, simple au demeurant, nous montre de très belles cases, que ce soit pour la savane et ses habitants, ou pour les paysages célestes. Nous sommes au moment où les mythes se structurent, où les cosmogonies se précisent, où les hommes font encore corps avec la nature sauvage. Au moment aussi où la sédentarisation change les choses, crée une rupture - ici le personnage principal résiste à cette rupture, cohabite avec une gazelle face aux hommes. C’est de cette rupture que semble s’inspirer l’auteur, avec un récit qui tient autant du roman graphique préhistorique que du récit onirique, faisant souvent fi du réalisme, pour nous plonger dans une épopée pleine de poésie et de violence. Une chouette lecture. Note réelle 3,5/5.

18/09/2024 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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A l’origine, le monde était un paradis, où toutes les créatures vivaient selon les lois de la nature. Puis l’Homme est arrivé, avec sa soif de domination, s’érigeant en maître des éléments, créant des dieux à son image. Tandis que les humains se multipliaient, les animaux devaient fuir pour ne pas mourir. C’est sur ce postulat que se fonde ce conte éblouissant magnifiquement mis en images par Firat Yasa, un auteur turc dont c’est la première bande dessinée publiée en France. Pour ce faire, Yasa a imaginé une aube des temps empreinte de fantastique en se basant sur les connaissances accumulées autour du site néolithique de Göbekli Tepe, dans le sud de la Turquie. C’est ainsi qu’il nous propose une préhistoire fantasmée de façon très poétique et intemporelle. L’Homme, qui a découvert le feu et les armes, a commencé à se sédentariser et s’organiser de façon structurée, avec sa hiérarchie constituée de dominants et de dominés. Symbolisée ici par un clan assez populeux, contrôlé par un chef religieux qui n’est rien de moins qu’un vulgaire gourou avide de pouvoir, l’espèce humaine est envisagée comme une menace pour l’équilibre naturel, avec déjà des velléités de bâtisseuse. Cette communauté de chasseurs voraces oblige ainsi les animaux à se terrer pour échapper à une mort probable, en tant que nourriture ou offrande destinée au « Père-Ciel », le dieu inventé par celui qui se fait appeler « vieux sage »… Face à ces effrayants prédateurs, la jeune biche Murr accompagnée de Râht, son ami humain quelque peu misanthrope, seront constamment sur le qui-vive. Toutefois, ils auront la chance de trouver refuge temporairement au sein d’une tribu aux intentions moins belliqueuses, vivant selon des préceptes beaucoup plus en conformité avec la nature, et respectueuse du monde animal. Aux côtés de cette histoire où les meutes de chasseurs à l’affût, quasi omniprésentes, contribuent à installer une atmosphère oppressante, le dessin apporte une note très contemplative. Dans un style un peu naïf qui évoque parfois les scènes de chasse figurant dans certaines grottes préhistoriques, Firat Yasa possède un talent indéniable dans sa façon savante de gérer les couleurs. Les tonalités ocres, très chaleureuses, communient pleinement avec les nuances de bleu sombre. Les ciels étoilés sont littéralement envoûtants, de même que les constellations, ponctuellement symbolisées par des silhouettes humaines ou animales qui semblent se livrer à une ronde majestueuse. C’est par cette représentation que ressort toute l’approche empathique de l’artiste vis-à-vis du règne animal, avec comme axe narratif la douleur de cette biche privée du lien maternel dans sa fuite pour la survie. Au-delà de cet aspect, Firat Yasa fait ici s’opposer deux visions très divergentes du monde, dont la plus néfaste est plus que jamais prépondérante dans nos sociétés modernes. D’un côté, la doctrine religieuse fondée sur les élucubrations d’un illuminé en quête de domination ; de l’autre la position humble d’une spiritualité respectueuse de toutes formes de vie, qui tente d’exister chez les peuples autochtones non décimés par la civilisation et son pire acolyte, le capitalisme. En remontant à la pureté de nos origines, il n’est pas impossible que ce conte fascinant — en apparence inoffensif — ait servi de prétexte à Yasa – et celui-ci ne sait que trop bien à quel point la religion est utilisée à des fins politiques et nationalistes dans son pays, la Turquie — pour exprimer sa colère et son mépris vis-à-vis de ceux qui prétendent parler au nom d’un dieu hypothétique pour asseoir leur soif de puissance. Une fois encore et comme souvent, on pourra être extrêmement reconnaissant envers les Éditions ça et là de nous proposer la voix d’un artiste originaire d’un pays où la bande dessinée, qui tient pourtant une place importante, reste encore largement méconnue sous nos contrées. « Tepe, la colline », c’est vous l’aurez compris un énorme coup de cœur. PS : Mon cher grogro, je dois dire que je suis surpris de ton avis. J'ai même un peu l'impression qu'on n'a pas lu le même livre ;-)

22/05/2024 (modifier)
Par grogro
Note: 2/5
L'avatar du posteur grogro

Rhaaa ! Qu'est-ce que j'aurais aimé dire le plus grand bien de cette BD !!! Et d'abord parce que j'aime le sujet traité (le fond des âges, les prémices de la civilisation), mais surtout le dessin, très original, qui donne une impression pâteuse tout en étant en réalité très fin. Il faut le regarder dans le détail pour s'apercevoir de l'extraordinaire richesse du trait de Firat Yasa. Moi, j'adore, et je n'ai pas la moindre réserve à formuler sur ce point. Cette note provient de deux écueils majeurs. Le premier est tout à fait subjectif (quoique) puisqu'il tient au traitement du sujet. En fait, et sans m'étendre car cela nous emmènerait bien trop loin de notre présent objet, je ne suis pas du tout, mais alors pas du tout en phase avec la vision des temps anciens livrée par l'auteur, à savoir une humanité qui s'extrait de la glaise de l'obscurantisme pour s'élever progressivement vers la raison et la civilisation, en somme vers le "progrès". Du coup, j'ai décroché très rapidement de cette version archaïque de la naissance de la civilisation. Le second provient du scénario lui-même qui manque cruellement de... scénario, justement ! Heureusement, c'est rapide à lire, mais il m'a fallu aller jusqu'à la moitié du récit pour voir enfin cette histoire commencer à déboucher sur autre chose. C'est trop long, clairement, ça redit les mêmes trucs sur des pages et des pages, ça s'enlise, radote... Bref ! C'est raté pour moi qui espérais trouver une vraie quête de spiritualité, un truc de fond qui propose une vraie vision ! J'ai donc terminé cette BD, à compter de la moitié, en ne faisant que regarder les dessins, décidément très intrigants, qui réservent de beaux effets, et de belles surprises. Pour ce qui est de lire une histoire nourrissante, passez votre chemin...

13/03/2024 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5
L'avatar du posteur Cacal69

Une BD qui sort des sentiers battus. En effet, le récit se déroule 9 000 ans avant notre ère sur le site de Göbelki Tepe (la colline ventrue) dans le sud de la Turquie. Ce lieu est considéré comme l'emplacement du premier temple de l'Histoire. C'est à partir de ce lieu symbolique que Firat Yasa a imaginé cette histoire. Firat Yasa est un auteur turque, et ce "Tepe la colline" est sa troisième BD, mais la première publiée en France à ce jour. Il nous propose un conte fantastique à une période charnière de l'humanité, le moment où l'Homme va passer du nomadisme de chasseur/cueilleur à la sédentarisation. Ne cherchez pas de vérité historique, laissez-vous juste aspirer par ce conte rafraîchissant. Deux mondes s'opposent, celui de Râht, un nomade qui a la particularité de pouvoir communiquer avec les animaux et celui d'une cité qui vénère le "père-ciel" sous la coupe d'un chamane fou furieux. Une cité qui pratique des sacrifices pour apaiser la colère de ce premier dieu et qui veut imposer son mode de vie. Les prémices de la civilisation. Un conte violent qui dégage une certaine poésie avec ce couple improbable et touchant d'un homme et d'une biche. Une lecture rapide malgré la pagination importante, peu de textes et ceux-ci vont à l'essentiel. Un récit qui fait écho à notre monde actuel, il pointe du doigt le fanatisme et notre absence de relation avec la nature dans nos sociétés structurées. Une lecture rapide, mais très plaisante et la partie graphique n'y est pas étrangère. Un dessin singulier, qui rappelle l'art pariétal, accompagné de couleurs chaudes ou froides suivant qu'il fasse jour ou nuit. Une mise en page aérée. Contemplatif ! J'aime beaucoup. Je recommande aux amateurs du genre. Un truc agaçant en fin d'album dans la postface, elle fait référence à certains passages du récit qui renvoient à des numéros de page, sauf que lesdites pages ne sont pas numérotées !

09/03/2024 (modifier)