Peindre avec les lions
L'art pariétal est fascinant. Qui étaient ces artistes d'avant l'invention de l'écriture ? Pour quelles raisons ont-ils peint ces oeuvres ? Comment ont-ils acquis cette maîtrise, ce pouvoir d'évocation dont ils ont imprégné leurs dessins et qui ont conservé toute leur force et leur fraîcheur en traversant les millénaires ? De quoi était faite leur existence ?
La BD au féminin Peinture et tableaux en bande dessinée Préhistoire Spiritualité et religion
Peindre avec les lions nous narre la vie d'Ellé, de son enfance à sa mort, au sein d'une tribu de chasseurs-cueilleurs, les cornus, dont elle deviendra l'une de celles et ceux qui peignent les animaux sur les murs. Si Fabien Grolleau s'est évidemment appuyé sur les dernières découvertes scientifiques pour concocter son histoire, c'est bien un souffle romanesque qui court tout au long de cette aventure préhistorique, portée par le dessin doux et poétique d'Anna Conzati, qui signe ici son premier roman graphique pour Dargaud. Marylène Pathou-Mathis, préhistorienne réputée, autrice de L'homme préhistorique est aussi une femme, signera la préface.
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Date de parution | 09 Février 2024 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Un album sympathique. Le dessin, fluide, agréable, est parfait pour nous accompagner dans ce récit. Fabien Grolleau s'est documenté. Mais, tout en bâtissant un récit que j'ai trouvé crédible, il a su combler habilement les énormes lacunes qui souvent nous empêchent d'envisager précisément cette période lointaine de la préhistoire (l'histoire se déroule il y a plus de 38000 ans). Il a pris le parti de montrer un face optimiste, presque enjouée de la vie de l'époque, à rebours de la plupart des récits construits sur cette période. Même s'il n'oblitère pas la rudesse de la vie (la moindre blessure peut être mortelle, le danger est omniprésent), c'est avant tout des êtres épanouis que nous suivons. La vision de l'imaginaire et du sacré - pour ne pas aller jusqu'au religieux - est elle aussi crédible. Grolleau nous amène tranquillement vers l'élaboration des sublimes décors de la grotte Chauvet (chefs-d'œuvre qui m'attirent, mais le manque d'occasions et le rejet de la foule m'ont pour le moment empêché de les découvrir). Une lecture agréable.
Cette BD est une intéressante manière de représenter la société humaine lors de la Préhistoire et son rapport à l'art pariétal. Sa particularité est un certain optimisme, une vision relativement heureuse de la vie des hommes préhistoriques qui s'éloigne de l'âpre combat pour la survie au quotidien auquel on peut être habitué quand on pense aux hommes des cavernes. Certains d'entre eux peuvent vivre vieux, c'est déjà tout dire. C'est une vision assez égalitaire également avec des femmes et des hommes dédiés aux mêmes tâches, certaines femmes partant à la chasse, certains hommes se consacrant aux travaux plus rituels, et avec un respect égal des uns envers les autres. Et enfin une vision spirituelle également, avec la mise en avant de croyances shamaniques et d'une mythologie bien établie et partagées entre différents clans sur de grandes distances. C'est une vision peut-être fausse, peut-être romantique mais elle reste crédible et agréable. C'est également le cas du dessin qui est tout à fait plaisant et agréablement colorisé. La mise en scène suit un rythme un peu abrupt, avec quelques sauts chronologiques qui nous amènent à couvrir une cinquantaine d'années le long de l'album, mais elle reste à échelle humaine et même si on s'y attache pas parfaitement bien, on suit tout de même assez bien le parcours de l'héroïne du début à la fin. Et j'ai bien aimé aussi le rapport final avec la peinture de la grotte Chauvet qui m'avait, moi aussi, épaté quand je l'avais découvert. Incroyable de penser qu'un dessin aussi âgé pouvait être aussi talentueux et moderne. En définitive, c'est un bel hommage à l'art pariétal qui redonne profondeur et complexité à la société humaine à l'époque préhistorique. J'ai bien aimé, sans pour autant avoir été complètement transporté.
Peindre avec les lions : la préhistoire n’est pas qu’un monde d’homme, la sensibilité féminine a changé le monde des représentations et de l’invisible Avec Peindre avec les lions, prenez place sur un banc de fortune dans une caverne grandeur, candeur nature. C’est du côté des lionnes et des femmes fortes – dans des tribus préhistoriques que le paternalisme a trop longtemps placées sous la suprématie des hommes – que nous entraînent Fabien Grolleau et Anna Conzatti, qui signe son premier roman graphique avec une beauté pure et émerveillée. Pour les hyperconnectés et consommateurs que nous sommes, même quand on fait une pause de smartphone, si nous voyagions de 36 000 ans dans le passé, le monde que nous trouverions nous semblerait-il bien plat, ennuyeux, dure, vide, mortel? Rien à se mettre sous la dent pour peu qu’on ne chasse ou ne cueille pas; une vie en tribu, en vase clos d’où s’échappe parfois l’un ou l’autre individu qui va se mêler à d’autres, des dangers partout et l’Homme crasseux, poilu et dans le plus simple appareil. Pourtant, cette époque, qui peut sembler peu sexy aux humains modernes et finalement peu passionnants que nous sommes, était sans doute bien plus captivante. Tant tout est à découvrir et à inventer. Pas des technologies gadgets qui nous rendent dépendants… mais le rapport aux hommes et aux femmes, à la terre et au ciel, aux animaux, aux proies et/ou prédateurs, à la vie et à la mort. Pour s’approprier ce monde XXL et bien plus beaux sans buildings, sans construction humaine – Anna Conzatti livre des planches contemplatives d’une beauté saisissante -, les tribus vont se choisir des guides, eux-mêmes placés sous des animaux-totems. Ellé, notre héroïne est devenue, masque à l’appui, Alté la hibou, une merveilleuse magicienne. C’est son parcours, ses hésitations, le passage des âges, que Grolleau et Conzatti ont choisi pour nous emporter entre le monde extérieur et l’intérieur des grottes sur les parois desquelles les traces, autant de conceptualisations et d’hommages au monde et ses vivants, s’accumulent. Un geste loin d’être anodin. Dans cet album puissant et symbolique à plus d’un titre, où il y a des animaux sauvages partout tout le temps, plus que dans nos assiettes, au zoo, parmi nos animaux de compagnie ou les animaux de la ferme du voisin, scénariste et dessinatrice se sont merveilleusement entendus pour que ce voyage soit délicat et immersif, interrogeant les hommes, femmes, êtres humains modernes que nous sommes. Ici, au-delà de la préface signée par Marylène Pathou-Mathis, préhistorienne réputée qui adoube cette fiction avec des bouts de préhistoire actualisée à la lumière des dernières découvertes, tout commence il y a 36 000 ans. Sans besoin d’introduction, d’une visite au musée prétexte, avant un énorme flash-back. Nous sommes avec ces héros aïeux, dans les différentes tribus qu’Ellé intégrera. Pas à pas, main après main. Dans cette histoire de la vie humaine au commencement, avec ses peines mais aussi beaucoup de joies et de moments de bonheur, de détente, dans les plaines, et aussi sous sa facette spirituelle, Fabien Grolleau et Anna Conzatti se font les relais d’une étude de la préhistoire qui a su évoluer et bonifier, échappant au paternalisme qui l’a sans doute tronquée, pendant des décennies, d’une part d’analyse et d’interprétation, de féminité et de sensibilité. De quoi amener une autre compréhension d’un univers bien moins farouche et brut que ce que la fiction et les légendes ont pu laisser penser.
Axer la thématique d’un récit se déroulant dans la préhistoire sur la spiritualité et l’art est assez culotté tant nous, lecteurs de bandes dessinées, avons été habitués à des récits plus tournés vers l’aventure. Mais Fabien Grolleau maîtrise son sujet et s’est manifestement beaucoup documenté avant de se lancer dans cette histoire. Son récit a beau désarçonner, le contenu est plausible et éclaire la préhistoire sous un angle différent. Exit l’incessante lutte pour la survie face à une nature implacable et aux tribus hostiles, bienvenue dans un univers où la spiritualité et le besoin de donner un sens à la vie, une raison à la mort, des origines à la terre et aux animaux (dont l’homme) sont au centre des réflexions. Le personnage central du récit est une femme que nous allons suivre depuis sa naissance jusqu’à ses 37 printemps. Sur ce laps de temps, elle va s’initier aux techniques picturales et les perfectionner. Surtout, elle va chercher à insuffler à ses dessin un sens divin, marquée par des visions, désireuse d’évacuer ses craintes ou de raconter l’origine fantastique de la vie. J’ai trouvé la narration quelque fois assez obscure mais la démarche de l’auteur a le mérite de l’originalité et, comme il s’appuie sur des recherches récentes, sa vision de la préhistoire est très instructive au niveau du lien qui unit art et spiritualité. Le dessin d’Anna Conzatti est très agréable à l’œil. Facile d’accès, avec beaucoup de rondeurs, il illustre bien cette période. Il faut dire que ce récit dispense plus d’un passage contemplatif dans lequel la nature reprend ses droits. Même si ce n’est pas toujours facile de suivre les personnages dans leurs pensées (il m’a souvent fallu relire certains passages pour bien en comprendre le sens), je trouve que c’est une bande dessinée à lire. Elle est instructive et joliment illustrée. Par contre, très objectivement, il m’a manqué le souffle épique et si je ne regrette pas ma lecture, il n’est absolument pas dit que je relirai cet album, ne m'étant pas spécialement attaché aux personnages.
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