La Route
Après Le Rapport de Brodeck, Manu Larcenet adapte de nouveau une oeuvre majeure de la littérature. Couronnée par le prix Pulitzer en 2007, "La Route" a connu un grand succès et a été adaptée au cinéma en 2009 avec Vigo Mortensen dans le rôle principal.
Adaptations de romans en BD Après l'apocalypse... Larcenet Les Arts Appliqués de Paris
L'apocalypse a eu lieu. Le monde est dévasté, couvert de cendres et de cadavres. Parmi les survivants, un père et son fils errent sur une route, poussant un caddie rempli d'objets hétéroclites, censés les aider dans leur voyage. Sous la pluie, la neige et le froid, ils avancent vers les côtes du sud, la peur au ventre : des hordes de sauvages cannibales terrorisent ce qui reste de l'humanité. Survivront-ils à leur périple ? Avec cet album, Manu Larcenet réussit une adaptation d'une originalité absolue et pourtant d'une totale fidélité. En posant son trait sous les mots du romancier, en illustrant les silences du récit, l'artiste s'est approprié l'univers sombre et fascinant du roman de Cormac McCarthy. D'un roman-culte il a fait un album d'une beauté saisissante, à la fois puissant et poignant. Incontestablement un des chefs-d'oeuvre de la bande dessinée moderne. Cormac McCarthy a signé plusieurs romans phares dont "La Route" mais aussi "No Country for old men", également adapté par les frères Coen au cinéma. Son oeuvre est essentiellement disponible aux éditions de L'Olivier (et Points), associées à Dargaud sur ce projet. L'écrivain est décédé le 13 juin 2023. Son roman, publié aux Éditions de l'Olivier et chez Points pour la version poche, a été vendu à près de 800 000 exemplaires.
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Date de parution | 29 Mars 2024 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
29/03/2024
| Paul le poulpe
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Les avis
C’est comme ça que font les gentils. Ils essaient. Ils ne laissent pas tomber. - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il s’agit d’une adaptation en bande dessinée, du roman La route, paru en 2006, de l’écrivain Cormac McCarthy. Sa parution originale date de 2024. Il a été réalisé par Manu Larcenet pour l’adaptation en scénario et les dessins, et pour la mise en couleurs. Il compte cent cinquante-deux pages de bande dessinée. L’auteur a déjà réalisé une adaptation précédemment : Le Rapport de Brodeck (2 tomes) en 2015 & 2016, du roman de Philippe Claudel. Des nuages chargés de cendres, de particules qui tourbillonnent sans fin, qui vont en s’épaississant, jusqu’à saturer l’air. Sous une toile tendue pour faire un abri de fortune, Père et Fils dorment, sous plusieurs couches de vêtements. Père se lève et s’éloigne un peu jusqu’à un promontoire. Il porte les jumelles à ses yeux et regarde : des paysages désolés, des constructions délabrées s’effondrant progressivement, des arbres décharnés sans feuilles, des immeubles massifs sans aucune lumière, la route qui s’étend vide, dans le lointain un pont métallique. Il retourne au campement de fortune : Fils s’est réveillé et l’attend. Ensemble, ils enlèvent la toile et la plie, et récupèrent les piquets qu’ils chargent dans leur caddie. Ils reprennent la route, en silence, père poussant le caddie devant lui. À un moment, il fait le constat en deux phrases brèves qu’ils ne pourront pas survivre à un autre hiver par ici, il faut continuer vers le sud. Le fils répond laconiquement en deux mots : D’accord alors… Et ils continuent de marcher, les cendres et les particules continuant de voleter dans l’air. Ils atteignent le pont à hauban et le franchissent, toujours sans un mot. D’autres arbres décharnés, une côte à monter qui coupe le souffle à Père qui doit faire une pause. Fils demande s’il peut regarder, en désignant les jumelles ce que père accepte. Fils regarde alentour, et Père demande ce qu’il voit. La réponse est fonctionnelle : Rien, il va pleuvoir, c’est tout. Père ajoute que ça va encore faire une boue bien collante avec la cendre. Ils reprennent leur marche sur la route. La pluie commence à tomber assez drue. Père indique que c’est fichu pour aujourd’hui et il va faire nuit. Ils vont aller chercher un abri en forêt. Ils trouvent un endroit abrité, sous une avancée rocheuse, et ils s’installent. Père reprend les jumelles pour observer alentour : pas de feu, on dirait qu’il n’y a personne, c’est bon, Fils peut allumer un feu. Ce dernier prend la boîte d’allumettes et s’exécute. Il allume une petite lampe à pétrole, ils attendent en silence. Le lendemain, la luminosité a un peu changé : moins grise, avec une nuance verdâtre. Ils reprennent la route. Fils a repéré une station-service. Un drapeau à damier flotte encore au vent. Père décide qu’ils devraient aller voir. Ils fouillent méthodiquement le site : chaque recoin, chaque tiroir, chaque placard, chaque étagère. Il n’y a rien d’intéressant, le lieu a déjà été fouillé. Par acquis de conscience ou par réflexe, mais sans espoir, Père décroche le combiné téléphonique. Puis il découvre un bidon avec quelques gouttes d’essence. Un défi peu raisonnable, relevé par un bédéiste hors norme au vu de sa bibliographie. Une démarche affichée : raconter ce roman en images, avec le moins de mots possible. De fait, la narration visuelle semble de prime abord très simple et même très terre à terre. Des nuages de cendres, et hop ! deux pages de remplies. Un type qui se réveille et qui regarde à la jumelle. Père & Fils qui se mettent à marcher dans un environnement mangé par l’air chargé en particule qui ne permet pas de voir bien loi, et hop ! des fonds de case en ombre chinoise, pour une première séquence de cinq pages presque sans un mot. Le lecteur éprouve rapidement la sensation d’un monde silencieux, ce qui induit un vrai effort de la part des personnages pour parler, briser le silence. Il peut compter trente-quatre pages sans aucun mot, tout en ayant l’impression qu’il y en ait beaucoup plus. Ce choix narratif lui donne l’impression de se trouver aux côtés des deux principaux personnages et de regarder avec eux ce qui les entoure. Il scrute avec eux chaque centimètre carré de la station-service pour ne pas rater quelque chose qui pourrait être récupéré. Il observe avec la même inquiétude les silhouettes indistinctes et assez massives au loin, prêt à aller se planquer fissa lui aussi. Il reprend la route en poussant son chariot devant lui, par automatise, sans plus penser à autre chose. Dès la couverture, le lecteur est frappé par l’investissement de l’artiste pour donner à voir, pour représenter, pour faire exister ces lieux, le quotidien concret de Père et de Fils. Il peut voir chaque pli des vêtements, leur épaisseur lui donnant une indication du nombre de couches superposées, hypothèse confirmée quand ils en viennent à se baigner. Il prend la mesure du chargement du caddie, avec tous ces paquets soigneusement emballés, certainement également de plusieurs couches pour être certain que leur contenu ne soit ni endommagé, ni altéré. Il se retrouve littéralement projeté à leurs côtés en voyant ce qu’ils voient, en vision subjective, découvrant en temps réel un lieu par leurs yeux : en fonction des lieux, des bâtiments délabrés, des cadavres en état de décomposition avancée avec tout juste la peau sur les os, des restes calcinés d’ossements humains, des cadavres encore attachés ou des membres tranchés. L’imagination du lecteur tourne alors à plein régime, quant aux circonstances dans lesquelles des êtres humains ont pu infliger de tels traitements à d’autres êtres humains, puis dans un second temps quant aux conséquences sur le moral et l’état d’esprit de Père et de Fils. Le même mécanisme intellectuel se produit quand les deux voyageurs découvrent un abri enterré en parfait état, et que leurs regards parcourent les étagères chargées de tout ce qu’il faut pour survivre, à commencer par la nourriture. Il ressent physiquement le contentement qui vient avec les six premières cases de la page cent-trois : une ampoule qui brille, une goutte d’eau qui finit de se former à l’extrémité d’un robinet, des gélules de médicament en parfait été dans leur plaquette, une canette de soda qui vient d’être bue, un plat de coquillettes chacun, de l’eau à volonté pour tous les usages. La narration visuelle génère une immersion d’une rare qualité. Le lecteur peut se dire que telle case lui fait penser à André Franquin (1924-1997) période Idées noires (1977-1983), que telle autre évoque (merci Bruce d’avoir pointé du doigt les deux références suivantes) le célèbre tableau Christina’s World (1948) d’Andrew Wyeth (1917-2009), ou qu’il y a du Francisco de Goya (1746-1828) dans certains cadavres, une touche de Gustave Doré (1832-1883) par-ci, une touche d’Albrecht Dürer (1471-1528) par-là, etc. Autant d’influences plausibles, pleinement assimilées par l’artiste qui les a faites siennes consciemment ou inconsciemment pour les mettre à profit dans un tout personnel. Il joue admirablement bien avec les couleurs : le lecteur sort de ce tome persuadé que les pages sont en noir & blanc avec des nuances de gris à une ou deux exceptions près. Un feuilletage a posteriori met en évidence des ambiances discrètement différentes d’une séquence en l’autre, par l’usage d’une teinte très effacée. Le lecteur se fait l’observation que les pages sont variées, alors que pourtant la marche sur la route revient très régulièrement. Il voit que l’artiste utilise des cases sagement alignées en bande, avec un nombre variable en fonction de ce qui est raconté, pouvant aller d’un dessin en pleine pages, à treize cases dans une seule page. Il observe également que le dessinateur joue sur le niveau de détail : de descriptions très précises, à de simples ombres chinoises, de bâtiments avec chaque débris apparent, chaque poutrelle, chaque plateau, à de simples silhouettes en ombre chinoise pouvant évoquer les meilleurs dessinateurs de strips britanniques comme Jim Holdaway (1927-1970) dans Modesty Blaise. Le lecteur est donc de tout cœur avec ces deux personnages, dans un récit linéaire et simple : ils vont de l’avant vers le Sud en essayant d’atteindre l’océan. En fonction de sa sensibilité, le lecteur peut y voir un conte. L’auteur prend grand soin de représenter la désintégration progressive du monde : les immeubles qui s’effondrent, les véhicules abandonnés et immobiles, les ressources quasi inexistantes, l’air toujours chargé en particules diverses, le monde végétal à l’agonie, la faune brillant par son absence. Pour autant, ces visions ne se veulent pas être une projection scientifique ou technique sur le délabrement progressif du monde, à la suite d’une catastrophe planétaire et l’absence de toute maintenance humaine, de tout entretien, de la déliquescence progressive au fur et à mesure que l’entropie fait son œuvre. La question des médicaments est évoquée, toutefois le lecteur sent bien qu’avec cet air pollué, l’eau également polluée, l’absence de légumes et fruits frais, l’état des rares survivants devrait être beaucoup plus dégradé, ce qui ne retire rien de bouleversant, de dramatique, d’émouvant, d’oppressant, de pathétique, de tragique, au récit. Le périple de ce fils et de son père s’avère accablant pour le lecteur. Ils survivent. À peine. Aucun espoir d’assouvir leurs besoins de sécurité : leur situation n’est ni stable ni prévisible, elle est remise en cause à chaque risque de rencontre, à chaque fois que l’eau ou la nourriture vient à manquer, l’anxiété est permanente. Ils ne peuvent que penser à court terme. Ils trouvent juste assez de quoi assurer leurs besoins physiologiques comme boire et s’alimenter, pour tenir jusqu’au lendemain, tout en éprouvant continuellement un état de manque et d’inquiétude. À plusieurs reprises, ils se posent la question de savoir s’ils vont mourir. Le père prépare même son fils à se donner la mort, plutôt que de risquer d’être capturé, torturé, estropié, et finalement mangé. Outre la méfiance envers tout autre humain, le plus important savoir qu’il lui transmet est de lui apprendre comment se suicider efficacement avec leur revolver. Par ailleurs, chaque rencontre est un danger grave et imminent, mortel après des souffrances ignobles. Là encore, il s’agit d’une dynamique paradoxale : à deux, ils sont tout juste (à peine) capables de survivre, leur seule possibilité de faire un peu mieux serait de s’unir avec au moins un autre survivant. Paradoxalement, envisager d’établir un contact avec un autre revient à jouer à la roulette russe, avec cinq balles dans le barillet. Les individus isolés sont encore plus démunis qu’eux, plus proches de la mort, les petits groupes ne négocieront rien, s’accapareront les maigres possessions d’autrui et les réduiront en esclavage ou les tueront. D’une certaine manière, en termes d’intrigues, le lecteur peut aussi rapprocher ce récit de deux œuvres majeures de la bande dessinée. Lone Wolf & Cub (1970-1976) par Kazuo Koike (1936-2019) & Gôseki Kojima (1928-2000), pour le voyage sans espoir d’un père et de son fils. The walking dead (2003-2019) par Robert Kirkman & Charlie Adlard, pour le thème de la survie dans un monde dévasté où les autres survivants constituent majoritairement un danger fatal. En établissant cette comparaison, le lecteur voit également apparaître les différences. Contrairement à Itto Ogami et Daigoro, Père & Fils ne font pas preuve d’une sensibilité spirituelle, encore moins religieuse. Ils sont entre la résignation et l’acceptation de l’état du monde, sans espoir d’un futur, quasiment sans vie intérieure. Il ne semble pas y avoir d’autres enfants, et ils ne croisent pas de femmes. Contrairement à Rick Grimes, Père n’a pas de vocation pour la justice, et les deux vagabonds sont bloqués au stade de la survie animale, déjà bien avancés vers l’état de morts qui marchent. Pour autant, d’autres thèmes affleurent. Par exemple, Fils veut savoir si son père et lui font partie des gentils. La réponse : Les gentils, ils essaient, ils ne laissent pas tomber. Une réponse qui mêle pulsion de vie et valeur morale. À un autre moment, le père se montre catégorique : on ne tue pas les chiens. En outre, incidemment, Fils interroge son père à deux ou trois reprises sur leur comportement, ce qui constitue une remise en question sur leur relation à autrui, par exemple quand ils abandonnent un homme isolé après l’avoir dépouillé de ses vêtements. Le dénouement illustre également le fait que le père a pris leur situation comme un état de fait généralisé, cela fait ressortir sa conception personnelle du monde, comment il l’a projeté à tout jusqu’à en faire une vérité absolue, et comment il y a adapté son comportement. Avec cette adaptation, Manu Larcenet réalise une bande dessinée d’une qualité remarquable. Il met à profit tout son savoir-faire de bédéiste pour donner à voir un fils et son père continuant à aller de l’avant, ou du moins à marcher, dans un monde postapocalyptique dévasté, toute civilisation anéantie, toute rencontre un danger mortel. La narration visuelle génère une immersion sensorielle et émotionnelle grâce des dessins pouvant aussi bien être des descriptions concrètes quasi photoréalistes, que des évocations hantées et expressionnistes. Le périple ressemble à une marche sans espoir, des êtres humains continuant vaille que vaille, malgré l’absence de tout espoir, la pulsion de vie contrebalançant tout juste des conditions de survie fragile, une vie dépourvue de tout plaisir. Ils continuent de marcher presque comme des poulets sans tête, pris dans le paradoxe de ne pas pouvoir stabiliser leur situation tout seuls et de ne pas pouvoir courir le risque d’un contact avec autrui. Poignant.
C'est graphiquement parlant la BD la plus chiadée de Larcenet. D'abord, les visages y sont nettement plus "convaincants" que dans Blast, par exemple. Ensuite, le trait est super fin, contenant une foultitude de détails. On est proche de l'ombre chinoise. L'ambiance est très forte. Le visuel de ce monde désolé est d'une puissance sans trop d'égal. En tout cas ce qui peut se faire de mieux dans le genre. Le livre vous laisse des traces de cendres sur les doigts. Et l'emploi parcimonieux des couleurs ne fait qu'enfoncer d'avantage le clou. Non, rien à dire de ce point de vue. Quant à l'adaptation, je n'ai trop rien à en dire, et d'abord parce qu'il s'agit d'une adaptation, justement, ce qui permet d'avoir les mains libres. Cela dit, d'après mes souvenirs, j'ai le sentiment que Larcenet a fait une traduction assez fidèle du roman dont il a préservé intégralement le climat de tension sourde. Alors 3/5 parce que faut bien le reconnaitre, cette histoire est plombante. Aucun espoir, aucun rayon de soleil ne transpire des pages de ce pavé d'ombres et de cendres. Les personnages errent sans but réels et surtout sans jamais rencontrer la moindre trace d'humanité et de chaleur. Personnellement, j'ai besoin de lumière en ce moment histoire de chasser l'anxiété liée aux événements qui secouent la planète. D'ailleurs, au passage, puisqu'on parle de prendre La Route, j'en profite pour glisser que je suis allé voir hier soir le film Riverboom que je conseille à tout le monde : on en ressort avec la banane jusqu'aux oreilles, et une envie de voyager de ouf. Bref ! Bonne BD, splendide de noirceur, mais qu'il faut aborder sévèrement harnaché. Pour moi, ce n'était juste pas le moment.
Très belle lecture, certes elle est parfois dure visuellement avec des scènes choc. C'est la survie, certains deviennent cannibales. La route, la Route avec un grand R même et bien que je ne l'ai pas lu est la référence littéraire du post-apocalyptique. Un homme et son fils tentent de s'en sortir en évitant toute mauvaise rencontre, poussant leur chariot sans fin tel Sisyphe poussant sa pierre. Manu Larcenet sort un récit qui happe le lecteur et son dessin est un atout indéniable. Je trouve par contre la couverture assez ratée, elle manque de visibilité et c'est à la lecture que j'ai compris qu'ils passaient près d'une chute d'eau.
Décidément, j'ai de la difficulté avec les œuvres plus sérieuses de Larcenet. Il faut dire que j'ai souvent l'impression qu'il ne prend en compte que la beauté de son dessin et rien d'autre. Donc au niveau du graphisme c'est excellent. On est très loin du dessin à gros nez qu'il faisait à ses débuts et son changement de style est bluffant ! Malheureusement, le scénario m'a semblé faible et un peu trop léger. J'ai rien contre les histoires sombres, mais à force de voir le père et le fils répéter les mêmes choses, je me suis un peu ennuyé. Les rebondissements ne m'ont pas passionné et je n'ai pas réussi à m'attacher aux deux personnages principaux, ce qui a fait en sorte que je n'ai pas ressenti de tensions lorsqu'ils étaient en danger. Ça se laisse lire, mais ce n'est pas une œuvre mémorable à mes yeux.
Une adaptation graphique qui frappe par sa densité et sa capacité à retranscrire l’atmosphère oppressante du roman de Cormac McCarthy. Sans avoir lu l’œuvre originale, j’avais quelques réserves sur la manière dont Larcenet, avec son style si particulier, allait réussir à capturer la lenteur, la désolation et la lourdeur de cette histoire apocalyptique dans un format aussi court. Finalement, c’est une véritable réussite. Ce qui m’a immédiatement marqué, c’est la froideur qui se dégage de chaque planche. Larcenet joue sur des tons sombres, des dessins minimalistes qui parviennent à dire beaucoup avec peu. Chaque case semble peser sur les épaules du lecteur, comme si l’on marchait aux côtés des personnages, dans ce monde dévasté où tout espoir semble perdu. Le rythme de la bande dessinée, lent, calculé, rend parfaitement cette sensation de voyage sans fin, une errance où chaque jour ressemble à un autre. L’absence presque totale de dialogues ajoute à cette lourdeur, laissant l’image parler d’elle-même, sans surcharger. Ce qui est particulièrement réussi, c’est la manière dont Larcenet fait ressentir le froid et la solitude. Les personnages, souvent réduits à des silhouettes anonymes, apparaissent comme des ombres qui avancent, sans véritable but, dans un monde en ruines. La nature hostile, presque absente, devient un personnage à part entière. Il n’y a rien de spectaculaire ici, et c’est précisément ce qui fonctionne. La violence, la mort, l’effondrement de la civilisation sont là, en filigrane, mais ce n’est jamais surjoué. Graphiquement, chaque planche est bluffante. Larcenet alterne entre des paysages désolés et des plans rapprochés qui captent la fatigue et la terreur des personnages. Les visages, souvent masqués ou effacés, reflètent cette humanité en voie de disparition. Et paradoxalement, cette sobriété visuelle donne une grande force à l’œuvre. Chaque détail compte, chaque silence pèse. En fait, c’est cette économie de moyens qui rend l’adaptation si puissante. Là où d’autres adaptations auraient peut-être cherché à amplifier le drame ou à souligner les moments forts, Larcenet préfère la retenue. Il laisse le lecteur ressentir la longueur du chemin, le froid qui mord, l’épuisement moral et physique des protagonistes. C’est une bande dessinée qui ne cherche pas à plaire ou à flatter visuellement, mais qui s’impose par sa capacité à immerger totalement dans ce monde sombre et glacial.
Poussé par l'engouement populaire et connaissant le talent graphique de Larcenet, j'ai acheté cet album il y a longtemps mais j'ai repoussé sa lecture jusqu'à hier. La raison : je n'ai pas lu le livre La Route mais j'ai vu son adaptation en film, et je connaissais la dureté de son récit ainsi que l'amertume de sa fin. Je souhaitais donc prendre mon temps pour lire cet album plutôt épais et fort en émotion. J'ai pu constater à nouveau la virtuosité du dessin de Larcenet. Il pose une ambiance intense, toute en noirceur et grisâtre. Ses décors postapocalyptiques sont terribles de même que la morphologie des humains qui y trainent leurs carcasses de survivants désabusés et désespérés. C'est très beau, à l'exception du visage du fils quand on le voit de face : je n'aime pas la forme qu'il prend alors, comme sans relief et floue, alors qu'il est bien plus fin et précis quand on le voit de profil ou de trois-quarts. Malgré ce reproche, c'est avant tout sa beauté graphique qui fait la force de cet ouvrage. Car pour ce qui est de l'intrigue, que je connaissais donc déjà en grande partie, elle m'a moins enthousiasmé. C'est une longue errance sans espoir, ponctuée de quelques moments plus intenses et de rares rencontres dangereuses ou navrantes. J'ai noté quelques différences avec les évènements du film et je dois dire que ce dernier était à mes yeux un peu mieux rythmé que la BD qui se rapproche sans doute plus du roman. Malgré la force de quelques dialogues et de circonstances aussi cruelles que pragmatiques, je m'y suis un peu ennuyé, et j'ai beaucoup été plombé par le désespoir d'ensemble ainsi que frustré par l'envie de comprendre comment on en était arrivé là et pourquoi il n'y avait pas d'échappatoire. L'adaptation est très bonne, le dessin formidable, mais c'est l'adaptation d'un ouvrage qui ne me parle pas vraiment et ne m'a pas enthousiasmé.
Mouais, je vais aller contre la doxa mais je n'ai pas été convaincu par cette série. Elle a beau être l'adaptation d'un prix Pulitzer et d'un film à succès je suis sorti de ma lecture sans beaucoup d'émotion. Je ne suis pas fan du genre post apocalyptique très en vogue il y a une trentaine d'années. Mac Carthy l'a remis au goût du jour dans une version road trip très noir. Larcenet s'en empare avec un graphisme de très haut niveau mais avec un scénario qui m'a laissé insensible. Je rejoins ainsi les remarques de Jeannette sur la répétitivité de nombreuses scènes, l'abus voire le voyeurisme excessif sur le cannibalisme ou les corps mutilés et suppliciés. Personnellement je trouve que l'on navigue dans la fourniture d'angoisse facile et malsaine. Comme le texte est très rare et banal, on reste captif d'un visuel paradoxal si on se réfère à la 4ème de couverture "Réfléchis à ce que tu mets dans ta tête, parce que ça y restera pour toujours." Perso pas pour cette lecture.
J’ai moi aussi beaucoup été marqué par le roman de Cormack McCarthy, mais aussi par le film sorti en 2009. J’étais donc impatient de découvrir cette adaptation de Manu Larcenet, dont j’avais adoré Le Rapport de Brodeck, une autre BD basée sur un roman. Et je ressors satisfait de ma lecture. On retrouve les moments clés de l’histoire : les rencontres avec les gangs cannibales, la découverte de la cache remplie de provisions, le monsieur qui vole le chariot. L’adaptation est réussie, et mon avis se rapproche beaucoup de mon avis sur Le Rapport de Brodeck : la narration est légère et souvent contemplative, les dialogues se font discrets, et à ce titre l’auteur évite les lourdeurs parfois associées à ce genre d’exercice un peu casse gueule. Après, pour le bénéfice de celles et ceux qui ne connaissent pas l’œuvre originale (voir l’avis de Jeannette), il faut quand même signaler la noirceur absolue du récit, qui ne laisse aucune place à l’espoir. Si vous lisez pour vous divertir, rêver, vous évader, alors « La route » risque de vous déprimer. J’ai personnellement attendu le « bon » moment pour la lire. Un grand bravo à l’auteur.
Délicate critique que celle-ci. Entendons-nous bien : cette BD est un projet vertigineux, d'une ambition esthétique indéniable, un projet total sans la moindre compromission. Et il y a ma note, ce 3 banal, ce que n'est absolument pas cette BD, reflétant mon appréciation subjective de l’œuvre. Nul propos et regard ici sur à la qualité de l'adaptation, n'ayant ni lu le roman ni vu le film. Cette BD est incroyablement noire, glauque, morbide, ce qui n'est aucunement un problème. Ce qui me gêne davantage est la conduite du scénario. Tous les éléments sont immédiatement présents dès l'entame du récit : la crainte des rares autres, la faim, le froid, la soif, l'horreur du cannibalisme, etc. Le récit ne dégage pas de surprise, ni n'élabore un crescendo dans l'horreur. L'on sait où l'on va, et l'on y va comme prévu. Côté récit d'initiation, c'est très pauvre et essentiellement limité à des précautions sur les lieux à éviter, et de bien décevants dialogues père-fils. Côté métaphore, l'on ne sait s'il s'agit d'une fable sur le nucléaire, le changement climatique, la guerre (civile ou non), soit un regard bien peu acéré sur notre société contemporaine, n'exprimant que son nihilisme froid. Autre point regrettable, l'ambiance. Mon point de vue n'est visiblement pas unanimement partagé, mais je n'ai été saisi ni par l'horreur (aussi parce qu'exprimée dès le départ, comme un préalable à accepter pour entrer dans ce récit SF), ni par la tension. Je n'ai pas craint pour la vie de nos héros lorsqu'une milice ou des égarés s'approchaient, n'ai jamais véritablement senti la douleur du froid, l'horreur de la faim faisant chez certains perdre toute morale, n'ai pas soufflé ni ressenti la moindre délivrance quand nos héros mettaient la main sur un stock de nourriture ou dénichait un abri sûr. Aucun abattement, comme l'enfant d'ailleurs, lorsque l'inéluctable événement final tomba. Une BD impressionnante en de nombreux points, qui peut regrettablement se lire avec un improbable détachement. Blast et plus encore Le Rapport de Brodeck m'avaient bien davantage convaincu.
Je comprends que Larcenet soit un bon auteur, cependant il pèche dans ses adaptations de roman par un manque d'ambiance. Je ne sais pas comment l'expliquer mais il manque quelque chose qui ferait qu'on s'attache à nos personnages. Heureusement que le dessin est au rendez vous, et que j'aime le post apo.
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