L'Enfer est pavé de bonnes intentions (Chance in Hell)
Ça commence mal, très mal, dans un bidonville. La petite Empress est recueillie par un bienfaiteur qui s'avère pratiquer le sado-masochisme. Propulsée dans la bourgeoisie, Empress ne se fait pas à sa nouvelle vie. Tout ça finira mal... Gilbert Hernandez nous promène de la fange des banlieues jusqu'aux quartiers chics. Et l'on s'aperçoit que le monde de la haute n'est pas forcément mieux que celui d'en bas.
Fantagraphics Books Perles rares ? Séries avec un unique avis
L'histoire d'Empress à trois époques de sa vie : - L'enfance d'une fillette malingre surnommée Empress, dans une décharge, violée - Empress a été recueillie par un éditeur de poésie qui vit en ville et elle se lit d'amitié avec un jeune souteneur à peine adolescent quarantaine de pages. - Adulte, Empress est mariée à un avocat célèbre en train de plaider une cause difficile de tueur d'enfants en série. Elle éprouve de grandes difficultés à ressentir des émotions ou de l'empathie.
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Date de parution | 23 Septembre 2009 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
La perversion de l'innocence - Il s'agit d'une histoire complète parue en 2007. Elle peut être lue indépendamment de toute autre histoire. Dans une décharge à ciel ouvert, sous un ciel pollué, survit une fillette malingre surnommée Empress. La loi du plus fort règne sans partage, les viols (y compris de cette très jeune fille) sont réguliers, les plus faibles se font égorger et dépouiller. Empress va être prise sous la protection d'un jeune adolescent, également lié d'amitié avec un autre garçon disposant d'une arme à feu. Cette partie comprend une trentaine de pages. Dans la seconde partie, Empress a été recueillie par un éditeur de poésie qui vit en ville. Elle se lit d'amitié avec un jeune souteneur à peine adolescent. le lecteur assiste à quelques scènes entre Empress et son hôte, entre Empress et le mac, et entre le mac et quelques clients. Cette partie comporte une quarantaine de pages. Dans la troisième partie, Empress est mariée à un avocat célèbre en train de plaider une cause difficile de tueur d'enfants en série. Elle éprouve de grandes difficultés à ressentir des émotions ou de l'empathie. Les scènes se succèdent la montrant en train d'interagir avec son mari, avec sa belle mère, avec les orphelins dont elle s'occupe dans le cadre d'une sororité religieuse. Cette partie comporte également une quarantaine de pages. Comme ce bref résumé laisse le deviner, ce n'est pas la joie et certains passages sont très glauques et très noir, sans espoir. En fait, une lecture superficielle laisse le lecteur sur sa fin. Il assiste à une suite de scènes assez courtes réparties en 3 chapitres qui alternent le malsain avec l'étrange et le surréaliste, illustrées par un trait simple, parfois un peu gras, avec des personnages parfois un peu caricaturaux (la poitrine hypertrophiée de Fritz, l'une des prostituées). Et le lecteur qui est venu pour se rincer l’œil sur les belles femmes généreuses dessinées par Hernandez en sera pour ses frais car il n'y a pas de nudité frontale, malgré 2 ou 3 scènes de sexe. Néanmoins, il est impossible de rester de marbre devant ces courtes scènes. Dès la première image (un tas de déchets), le savoir faire graphique d'Hernandez impressionne : avec quelques traits gras noirs, il fait apparaître comme par enchantement un tas d'immondices parfois reconnaissables, parfois trop enchevêtrés. Hernandez choisit ses traits de manière à être dans la représentation iconique, à la frontière de l'abstraction, tout en restant parfaitement lisible, chaque élément étant reconnaissable. Chaque personnage est rapidement défini visuellement, tout en disposant de caractéristiques physiques aisément identifiables et spécifiques à chaque fois. Les tenues vestimentaires change pour chaque personnage, pour chaque scène, avec chaque fois une caractéristique qui la singularise par rapport aux autres. Les intérieurs disposent d'aménagement simples, mais pourtant à chaque fois évocateur de son propriétaire et de sa condition sociale. Hernandez trouve le parfait équilibre entre l'économie de moyens, la lisibilité la plus immédiate possible, un esthétisme assez rond très agréable, et des détails évocateurs parlants. C'est bien cette capacité extraordinaire à s'approcher de représentations évoquant l'icône (une forme épurée qui fait que cette décharge évoque toutes les décharges à ciel ouvert) qui donne à cet histoire un aspect universel, détaché d'une époque ou d'un lieu précis. Il est facile de reconnaître en Empress, une allégorie de l'innocence livrée à toutes les horreurs du monde, à commencer par la misère, le manque d'éducation et les violences sexuelles. Dans la deuxième partie cette innocence maltraitée accède à une vie matérielle assurée auprès d'un individu qui la respecte et l'instruit. Elle a eu la chance d'être accueillie par cet homme qui dit lui-même être issu de la décharge et s'en être sorti grâce à l'éducation en devenant un intellectuel. Elle accède à une position sociale élevée (haute bourgeoisie), mais elle porte toujours en elle les marques de son enfance. Mais, même en lisant cette histoire avec cette allégorie à l'esprit, il est impossible de limiter "Chance in hell" à ce propos. Au fur et à mesure des scènes, le lecteur prend conscience que Gilbert Hernandez manipule des idées plus larges telles que le destin arbitraire qui prend la forme d'une violence aveugle difficile à contempler, la force des émotions qui prennent le dessus sur la raison sans que l'individu n'y puisse rien y faire, la formation de l'individu durant ses jeunes années qui conditionneront une majeure partie de sa vie émotionnelle d'adulte, l'omniprésence de la mort, l'image de la mère, les conséquences de l'égoïsme de l'individu sur les personnes qui l'entourent, etc. le style graphique qui approche des représentations sous forme d'icônes rapproche également certains éléments d'une représentation d'archétypes, jusqu'au sens donné à ce mot par Carl Jung dans ses théories. Il y a parfois également un peu de symbolisme dans l'utilisation des certains éléments tels que les palissades par exemple. Lorsque que le lecteur commence à s'imprégner de ces différents niveaux de lecture, cette histoire devient plus respirable, moins oppressante, car Gilbert Hernandez propose quelques significations à ces scènes, mais sans les imposer, en laissant le lecteur confronter ses idées à ce qu'il observe. Cette histoire si glauque permet une liberté d'interprétation qui laisse une place à une vision plus optimiste. La contrepartie de ce type de narration est que la fin de l'histoire laisse place à tellement d'interprétations qu'elle ne satisfera pas les amateurs de récit clair et bien cadré. Pour les lecteurs de "Love and Rockets" - Gilbert Hernandez a expliqué que ce tome (avec les suivants The Troublemakers et Love from the Shadows, en anglais) correspondent à des films dans lesquels Rosalba Martinez (surnommée Fritz, voir High Soft Lisp, en anglais) a joué un rôle (ici très secondaire, uniquement dans la deuxième partie où elle incarne une péripatéticienne). Dans les tomes de "Love and Rockets", Hernandez laissait entendre que ces films appartenaient au registre des séries Z avec une bonne dose de cul. Ici, il s'agirait plutôt d'un film d'arts et d'essais avec un budget limité, mais pas ridicule.
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