Les Ennemis du peuple
Trois luttes s'entremêlent dans un drame ouvrier, celle des derniers ouvriers européens qui vont se retrouver au chômage, celle des migrants en recherche d'un asile et celle de l'auteur de BD qui veut faire passer un message politique dans son scénario fantasy alors que son éditeur veut un truc plus vendeur...
Auteurs italiens Italie Luttes des classes & conflits sociaux
« Avant nos parents étaient fiers d’être ouvriers » Quelque part en Italie, une usine va fermer. Depuis que la grève a débuté, les salariés se relaient dans le froid, les visages tendus devant les grilles fermées de l’usine. Des quartiers, des centaines de familles, des voisins… tout un monde se trouve menacé par le plan de délocalisation d’une multinationale. Parmi ces gens, il y a Hannibal, un vieux syndicaliste qui n’accepte pas la capitulation ; son fils Fabio, désabusé, pour qui plus rien n’a de sens ; Chiara, l’ex-petite amie de Fabio, désormais en couple avec un carabinier, qui travaille dans les services sociaux pour les migrants ; Mirco, l’ouvrier qui tente de parler de cette réalité à travers ses bandes dessinées de fantasy ; et quelques autres… Tandis que les médias se succèdent devant l’usine, le ton monte. Les discussions houleuses qui naissent de cette dramatique réalité actuelle se poursuivent jusque dans les foyers, où chacun tente de trouver une issue à la crise qui se joue. Et au milieu de cette crise… un révolver, un corps gisant dans le fossé au bord d’une route, un braquage minable et des rêves qui partent en fumée.
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Date de parution | 02 Mai 2024 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Perso, je ne me sens pas trop légitime sur ce coup là. Je veux dire pour laisser un avis. La raison ? J'ai abandonné ma lecture à 20 ou 30 pages de la fin. Mais finalement, je me dis que si une BD (ou un livre, un film, un disque...) n'emmène pas son lecteur (ou son spectateur, auditeur...) jusqu'à la conclusion, alors c'est qu'il y a un truc qui coince, et qu'à ce titre, on peut tout à fait en faire part. Je suis venu à cette BD par le biais de son dessinateur, Vicenzo Bizzarri, dont j'avais beaucoup aimé le travail sur Lapérouse 64. On retrouve sa patte ici. Mais question scénar, Emiliano Pagani n'est pas Laurent Frédéric Bollée. En effet, ce qui a usé mon intérêt au fil des pages, c'est le manque de direction, clairement, mais surtout le flou artistique complet autour du sens de ce qui y est raconté. L'avis de Cleck est sans appel : nauséabond. Je serai un peu moins catégorique. Si ça ne sent effectivement pas très bon, je pense qu'il faut y voir d'une part le fait que si nous ne trouvons pas collectivement un terrain d'entente collectif, c'est le fascisme qui nous pend au nez. Le mouvement a d'ailleurs commencé, partout sur la planète, cette &%@£$ de doctrine mortifère gagne du terrain : Milei, Orban, Meloni, Trump... Et d'autre part le fait qu'il y a clairement un manque de cohérence narrative : les choses s'enchainent mal, on perd le fil, on ne comprend pas qui sont réellement les personnages, ce qu'ils cherchent.... Il faudrait certes que je la relise, mais là, franchement, j'ai d'autres chats à fouetter. Donc oui, pas top, déception, ambiguïté et tout le toutim.
Le sujet est merveilleux : prendre le pouls de la société italienne en saisissant un instantané des événements se tenant dans une cité industrielle en décomposition, soit une grève au sein d'une usine en cours de délocalisation et plus loin un centre d'accueil de migrants en proie aux manifestations hostiles. Plusieurs personnages se croisent et dialoguent, afin d'offrir supposément un juste panorama des points de vue. Et c'est là que le bât blesse, car le panorama est tout sauf juste ! Cette BD, à visage masqué, participe à la dédiabolisation de l'extrême droite : pas un personnage n'est pur de ce côté-là ! Le vieux syndicaliste communiste est un homophobe de première, nullement gêné que son fils soit devenu un p'tit militant anti-migrants (oui, je sais, ce dernier lui ment à chaque fois, prétextant une partie de foot, mais aucun signe ne transpirerait naturellement), l'éditeur de BD est un opportuniste réactionnaire, le carabinier est (comme il se doit) un bon facho qui ne dit pas son nom, l'ouvrier dessinateur de BD fantasy est un idéaliste qui réagit mal et fort peu lorsqu'on lui sert un pitoyable discours caricatural sur la sociologie des publics de BD, et enfin l'employée du centre d'accueil est bien peu impliquée dans son travail puisque capable d'en contredire l'esprit par ses horribles fréquentations (en couple avec un militaire, avant cela avec un jeune facho désœuvré). Ici, il est surtout intéressant de noter les absences. Pas un personnage appartenant à une ONG ou association tolérante, pas un militant antifa, pas un prolo gréviste non-réactionnaire, pas un habitant des lieux révolté par ces montées de l'intolérance ! Pourtant, ceux-ci sont toujours présents dans de telles situations, les mettre hors-champ voire nier leur existence relève alors d'une pure malhonnêteté intellectuelle. Les auteurs nous tiennent finalement l'habituel discours sur les "œillères" (qu'ils ont eux-mêmes oublié d'enlever, au regard des absences mentionnées) : il serait normal d'être en colère ou au moins aigri face aux migrations et à la tournure du monde, normal de ne pas avoir d'amitiés/d'affinités sélectives en fonction des opinions politiques, de ridiculiser les intellectuels forcément hors-sol et leur bonne conscience "wokiste", etc. Bref le pathétique discours ambiant "l'extrême droite pose les bonnes questions, mais n'apporte pas forcément les bonnes réponses". La BD se conclut tristement sur deux événements donnant raison aux combats des fachos : l'un dramatique relevant du fait divers, l'autre (en découlant) intime et moral. Détourner un sujet si beau, se présenter malhonnêtement sous les atours du camp idéologique opposé, cela met sérieusement en colère. Nauséabond !
Comme dit mon homme "Encore un de tes trucs de gauchistes ! " Il y a de ça, mais si déplorer la montée de l'individualisme et les dégâts de l'industrialisation capitaliste , c'est gauchiste, alors nous sommes tous et toutes un peu gauchistes, non ? C'est pas toujours ce que semble dire le résultat des élections mais bon... Quand je vois une BD italienne, je ne peux pas résister, c'est le sang qui parle ? Ou le souvenir de don Camillo ( Fernandel en curé) et Pepone (le gros maire communiste moustachu), regardé à la télé en noir et blanc chez ma mémé, qui ridiculisait le communiste et montait en épingle l'astuce du curé à la grande mâchoire... Ici on est plutôt du coté de Baru (dans le trait avec les sourires aux râteliers en dent de scie, et dans les dialogues avec les engueulades entre générations), mais avec des couleurs plus tristes, des scènes nocturnes et une approche plus tragique. Le scénario tresse la lutte de grévistes dans une grosse boîte allemande qui va délocaliser, la peur des migrants et le désir d'éduquer la jeunesse à l'efficacité du collectif. Ces trois préoccupations sont représentées par plusieurs personnages : Hannibal le vieux syndicaliste, Fabio le jeune footballeur, Léo qui se rêve en délinquant, Ale le flic, Chiara qui travaille dans un camp d’accueil pour réfugiés, et enfin le dessinateur de BD et son éditeur qui n'ont pas de prénom. Tout ce beau monde est jeté dans la bagarre, dans une sorte de very short cut, avec une mosaïque d'actions qui se passent à des endroits différents, et les esquisses d'une BD HéroÏc fantasy qui s'intercalent sans qu'on comprenne au départ où elles vont nous mener... Et c'est un peu ce qui constitue l'originalité de la BD, le personnage du dessinateur, sa vision plus moderne, lui qui montre à Fabio les profils insta des grévistes, qui raconte des histoires fantastiques dans ses BD mais qui voudrait être utile à ces jeunes ... Je n'en dis pas plus mais les personnages sont touchants grâce à de bons dialogues et on est partagé entre tristesse et espoir. C'est la vie quoi !
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