Yves Klein - Immersion

Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 2 avis)

La vie courte et intense de l'inventeur du célèbre bleu plus que bleu.


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Entre 1954 et 1962, date de sa mort à l'âge de 34 ans, Yves Klein réalise une œuvre flamboyante qui fait de lui l'un des plus grands artistes français de la seconde moitié du XXe siècle. Dans sa quête d'immatérialité et d'infini, Yves Klein adopte le bleu outremer comme véhicule. De ses monochromes au vide jusqu'à l'emploi des éléments de la nature afin de manifester leur force créatrice, il a conçu une œuvre qui traverse les frontières de l'art conceptuel, corporel et du happening.

Scénario
Dessin
Traduction
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 03 Avril 2024
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Yves Klein - Immersion © Marabout 2024
Les notes
Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 2 avis)
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29/06/2024 | Blue boy
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Par Présence
Note: 4/5
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L’événement deviendra célèbre en tant qu’exposition du vide. - Ce tome contient une biographie d’Yves Klein (1928-1962), artiste plasticien, qui ne nécessite pas de connaissance préalable de son œuvre. L’édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Julian Voloj pour le scénario, par Wagner Willian pour les dessins et les couleurs, la traduction étant de Laure Picard-Philippon. Il comprend cent-vingt-cinq pages de bande dessinées, en noir & blanc, avec des touches de couleur, essentiellement de bleu. Il se termine par un dossier de dix pages, une chronologie consacrée à l’artiste. Un homme en costume noir marche résolument à travers la double page blanche. Il traverse la page de gauche, puis celle de droite. Arrivé au bord extrême droit, il le saisit à deux mains et déchire la feuille. Derrière apparaît du bleu. Il continue de déchirer la page en s’y prenant à deux mains. Il déchire entièrement la page et se tient devant ainsi devant le bleu mis à nu en s’exclamant qu’il doit libérer la prison de la ligne. Nice, France. Yves Klein naît le 28 avril 1928. Ses parents, Fred et Marie, sont tous deux peintres. Sa mère, Marie Raymond, est une figure de proue du mouvement de l’Art Informel. Elle crée des œuvres abstraites et est célèbre pour sa méthode d’improvisation et sa technique hautement gestuelle. Son père, Fred Klein, peint des personnages et des paysages caractéristiques du postimpressionnisme. Bien qu’Yves grandisse au sein d’une famille très créative, il ne reçoit pas vraiment d’enseignement artistique. Le petit Yves plonge les mains dans la peinture et barbouille le mur, sous le regard amusé de ses parents. Ils déménagent à Paris alors qu’Yves est encore très jeune. Ils y vivent une vie de bohème, en esprits libres. La famille passe les mois d’été avec des amis artistes à Cagnes-sur-Mer, où Yves est laissé à la garde de sa tante Rose, la sœur de Marie. Tante Rose, divorcée et sans enfant, est une fervente catholique. Elle l’inscrit dans une école privée pour essayer de lui apporter un cadre. Paradoxalement, la seconde guerre mondiale apporte un semblant d’équilibre dans l’existence d’Yves. Ses parents s’installent dans le sud de la France, où ils vivent une vraie vie de famille pendant la plus grande partie de la guerre. Ils jouent aux pirates avec ses copains. À l’adolescence, Yves se découvre une passion pour le Judo. Au club de judo, il rencontre Claude Pascal, un poète, et Armand Fernandez, qui deviendra plus tard le célèbre peintre Arman. Après une séance d’entraînement, les trois jeunes hommes discutent entre eux : ils décident d’aller à la plage. Assis sur le sable, regardant la mer, ils décident de se partager le monde : l’un prend l’air qu’on respire, l’autre régnera sur la Terre et ses richesses. Yves décide que le ciel et son infini lui reviennent. Ils s’allongent sur le sable : Yves contemple le ciel et il s’imagine écrire son prénom sur le bleu du ciel, avec le blanc des nuages. Mais voilà qu’un vol de mouettes vient tout déchirer et mélanger. Yves se lamente à haute voix que les oiseaux détruisent son chef d’œuvre, et il agite les bras pour les faire fuir, sous les rires de ses deux amis. Le lecteur apprécie de suite le mode narratif choisi par les auteurs : des dessins avec un degré de simplification qui les rend immédiatement lisibles pour l’œil. Des formes discrètement arrondies, une densité d’informations visuelles très mesurée par case, régulièrement des pages avec deux ou trois cases, des dessins en pleine page ou en double page, beaucoup place laissée au blanc de la feuille : une lecture aérée et aisée, jolie et agréable. Le narrateur omniscient égraine un à un les faits marquants de la vie de l’artiste, en toute simplicité et avec toute l’évidence de l’effet rétroactif généré par la connaissance de ce qu’il est advenu de Klein, jusqu’à sa mort. Les auteurs conservent une forme de distance par rapport à leur sujet : peu de moments d’intimité, peu de dialogues, pas de monologue explicatif, pas de flux de pensées. Les dessins respectent également cette forme de distance : une belle silhouette sans forme de romantisme, une expressivité de type naturaliste avec une petite poignée d’exagération pour un effet discrètement comique. Entre les nuances de gris, il y a l’usage ponctuel de la couleur. Le lecteur se focalise sur les nuances de bleu, leur apparition, leur fonction dans la narration, figurative pour la mer ou le ciel ou conceptuelle pour une œuvre d’art. L’effet de surprise est ainsi maximalisé quand une autre couleur surgit au détour d’une page tournée, soit pour une autre expérience de l’artiste, soit pour un effet comme celui d’un baiser entre Yves et son épouse Rotraut Uecker. Une entrée en la matière qui brise le quatrième mur et une convention majeure de la bande dessinée : Yves Klein se retourne vers le lecteur pour expliciter son intention (Libérer la couleur de la ligne) et le personnage déchire la page pour montrer ce qu’il y a derrière. Puis tout rentre en ordre : des cases rectangulaires alignées, un commentaire explicatif, des phylactères, des personnages, la représentation des lieux. Dès la page suivante, la notion de case a disparu au profit de deux dessins juxtaposés en décalage, chacun agrémenté d’une reproduction de l’artiste correspondant, la mère, puis le père. Le lecteur se retrouve en alerte, enclin à relever l’usage de dispositifs bédéiques qui sortent d’une mise en forme académique. En effet, page vingt-huit, la tête d’Yves dépasse de la case pour déborder sur celle du dessus, et il en va de même pour son corps en pleine prise de judo qui déborde sur la rangée supérieure. La mise en page est pensée sur les planches en vis-à-vis, trente-quatre & trente-cinq, avec deux cases de la hauteur de la page, et le doigt d’Yves qui dessine directement avec le blanc des nuages sur le bleu du ciel. Page trente-huit et trente-neuf, c’est une portée qui se déploie en arabesque d’une page à l’autre en vis-à-vis, et Yves qui intervient directement pour en resserrer les lignes en un endroit, y écrire une note (mais en lettres) à un autre. D’ailleurs en page quarante, il tient à bout de bras les mots Ré majeur, entre ses mains. Page quarante-trois, il applique des taches de peinture, et c’est la planche elle-même qui est tachée, par-dessus les dessins dans les cases. Page quarante-sept, des lettres flottent entre les invités d’un vernissage, formant l’expression : Le fils de Marie, comme une rumeur circulant d’un invité à l’autre. Page quatre-vingt-cinq, une petite silhouette d’Yves marche à la surface d’une mappemonde, bleue forcément. Le dessinateur joue également avec la couleur bleue qui s’invite dans des formes significatives ou révélatrices, qui remplit progressivement une silhouette au fil des cases, etc. Les auteurs savent donc utiliser les possibilités graphiques de la bande dessinée pour montrer des concepts ou des émotions, plutôt que de les expliciter par les mots en commentaire ou dans des dialogues. En cela, ils adoptent une démarche similaire à celle de l’artiste : conceptuelle. Pour autant, ils exposent bien les principaux événements de sa vie, en respectant scrupuleusement un ordre chronologique. 1928 : naissance d’Yves Klein, puis son enfance avec ses parents, et les séjours au bord de la mer chez sa tante Rose. Jeux sur la plage avec ses amis. Apprentissage du judo. 1948 : création de sa symphonie monotone silence. Apprentissage du métier chez l’encadreur Robert Savage. 22 août 1952 : départ pour la Japon. Retour en France, et choix d’un métier. Invention du bleu plus bleu avec l’aide des laboratoires Rhône-Poulenc, et dépôt de sa marque IKB. Avril 1958 : exposition à la galerie Iris Clert, et inauguration avec l’illumination en bleu de l’obélisque de la place de la Concorde, surnommée l’Exposition du vide. Rencontre avec Rotraut Uecker. Etc. La forme de l’autobiographie est respectée à la lettre. Quant à l’esprit, il appartient aux auteurs de choisir un point de vue : il peut être factuel avec un degré de précision plus ou moins maniaque en fonction du niveau de détail et de la pagination, ou il peut être orienté, c’est-à-dire à partir d’un point de vue politique, social ou artistique. Les auteurs adoptent une narration très C’est comme ça : Yves Klein suit sa trajectoire de vie, implacable, sans surprise, sans écart, sans doute. Il ne s’agit pas tant d’une destinée à accomplir ou prophétisée, que plutôt d’une vie toute tracée. Le lecteur remarque que l’artiste bénéficie d’une aisance matérielle tout du long de sa vie, grâce à ses parents, puis par l’argent de sa tante, puis par les revenus générés par ses productions artistiques. Ce qui intéresse les auteurs et ce qu’ils mettent en scène s’apparentent à une recherche et une explication de la démarche d’artiste d’Yves Klein et de ce qui l’a nourrie. En fonction du doigté des auteurs, cela peut apparaître très mécanique, faisant fi des complexités de l’être humain, et de l’intrication de la ramure de l’arbre des causes, ou plus élégant avec uniquement des pistes plutôt que des certitudes. La démarche de Voloj & Willian correspond à la deuxième manière de faire. Ils rapprochent des similitudes, laissant le lecteur se faire sa propre opinion quant au degré de force dans la relation de cause à effet. Par exemple, ils évoquent le fait que Klein est un judoka ceinture noire 2e dan. L’atteinte de ce niveau induit une pratique régulière et rigoureuse des katas, un mouvement chorégraphié qui doit être mémorisé et parfaitement réalisé par le judoka. Cette pratique fait partie de la vie d’Yves Klein : elle a donc eu une incidence sur sa façon de penser, sur ses habitudes physiques et intellectuelles. Le lecteur reste libre de choisir ce qu’il estime être raisonnable comme conséquence sur la conception et la pratique de l’art développée par Yves Klein. Qu’est-ce que c’est que cette histoire d’IKB ? les auteurs réalisent une bande dessinée très accessible, à la lecture facile et simple. L’artiste combine une lecture évidente avec des effets de bande dessinée travaillés, lui offrant toute la liberté nécessaire à mettre en scène la démarche artistique conceptuelle d’Yves Klein. Le scénariste déroule linéairement la vie de l’artiste, notant en passant des influences culturelles propices à sa démarche. Une fois la dernière page tournée, le lecteur en ressort avec une idée claire des œuvres de l’artiste et de leur caractère innovant, ainsi qu’avec des pistes de réflexion sur ce qui a nourri sa démarche si singulière. Mission accomplie.

17/12/2024 (modifier)
Par Blue boy
Note: 3/5
L'avatar du posteur Blue boy

Cette bande dessinée, la première consacrée à Yves Klein, représente une approche satisfaisante et plutôt exhaustive, pour tous ceux que l’artiste intrigue, connu pour son célèbre bleu IKB (International Klein Bleu). Julian Voloj, scénariste allemand coutumier des biographies de personnalités singulières, nous offre un récit respectant la chronologie du parcours de Klein, de son enfance à sa mort, incluant quelques digressions agrémentées par le trait vivant et poétique de Wagner Willian, dessinateur brésilien dont « Yves Klein – Immersion » est la deuxième collaboration avec Voloj. Tout en minimalisme et légèreté, son dessin sait s’effacer derrière l’homme, dont l’obsession était de « libérer la couleur de la prison de la ligne ». Né en 1928 de parents artistes-peintres vivant dans le sud de la France, le jeune Yves eut une enfance insouciante, loin du tumulte de la seconde guerre mondiale. Ecartelé entre deux passions, le judo et la peinture, il dut se résigner une fois adulte à opter pour la seconde, mais son goût pour ce sport l'orienta naturellement vers la philosophie bouddhiste qui eut un impact majeur sur son art. Avant d’inventer ce bleu outremer si particulier, pour lequel il déposa un brevet, l’artiste s’était déjà essayé aux monochromes avec différentes couleurs, mais sa passion pour le bleu finit par l’emporter. Grâce à son IKB, Klein semblait avoir trouvé sa voie, celui-ci serait désormais sa couleur signature, lequel devait permettre une totale « immersion » dans l’espace, avec cette sensation de « pure et pleine sensibilité ». Que l’on apprécie ou non le travail de cet artiste, sa « découverte » a constitué une petite révolution dans le monde de l’art au XXe siècle. Son approche plus conceptuelle que formelle, pouvait légitimement dérouter le grand public, mais l’homme, un rien mégalo (comme souvent les artistes reconnus) pensait sincèrement être à l’avant-garde, estimant que dans le futur, on ne peindrait plus « qu’une seule couleur à la fois », dessin, lignes et formes auraient disparu, seule subsisterait une couleur répartie régulièrement sur la toile. Alors, grand visionnaire ou simple mystificateur, Monsieur Klein ? Quant au public, se diviserait-il entre les admirateurs sincères, les snobs suiveurs de mode (et accessoirement investisseur sur le marché de l’art) et les profanes dépourvus de sensibilité artistique ? Il appartiendra à chacun d’en juger, mais il faut l’admettre, personne avant lui n’avait jamais fait ça. Le mieux serait sans doute de refaire le point dans 100, 500 ou 1000 ans… « Yves Klein – Immersion », qui n’a pas vocation à débattre de la question, est avant tout un hommage, que l’on peut qualifier de sincère, sur une figure artistique incontournable de l’art moderne. Même si on pourra rester dubitatif quant à son importance et son talent, cette lecture, en plus d’être enrichissante, amènera peut-être à revoir ses propres certitudes, face au parti-pris quasi spirituel de l’artiste qui consistait à questionner en permanence « l’illusion de l’art ».

29/06/2024 (modifier)