Dark Blue + Atmospherics
« C'était pas une affaire pour toi, c'est tout.»
Auteurs britanniques Avatar Press Edition participative Les petits éditeurs pendant la pandémie Séries avec un unique avis Warren Ellis
DARK BLUE // En ville, une nouvelle drogue aux effets dévastateurs se répand à grande vitesse, à mesure que les meurtres se multiplient. L'inspecteur Christchurch parviendra-t-il à mettre la main sur le responsable de cette vague de crimes? ATMOSPHERICS // Des dizaines de cadavres sont retrouvés dans une petite ville de l'Amérique profonde. L'unique survivante de cette tuerie est interrogée mais de ses maigres souvenirs ne semblent se dégager qu'une improbable explication… « Elle a vraiment pas l'air d'une meurtrière. »
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Date de parution | 11 Septembre 2020 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Sans concession - Ce tome regroupe 2 histoires indépendantes, écrites par Warren Ellis. Atmospherics : dessins de Ken Meyer, initialement parue en noir & blanc, en 1996 dans les numéros 1 à 5 de l'anthologie Calibrations. L'histoire comprend 30 pages de bandes dessinées. L'histoire commence dans une salle d'interrogation, certainement dans un commissariat. Un individu non identifié interroge Bridget Rinehart, une femme. La scène se passe le 16 juillet 1996, dans une ville non identifiée, au Nevada ou dans l'Utah (cette précision n'est pas apportée non plus). Toute la scène est dessinée en vue subjective ; c'est à dire que le lecteur perçoit l'interrogatoire par les yeux de celui qui le mène. L'interrogateur précise que cette discussion a pour objet de déterminer ce qui s'est réellement passé. Les premiers échanges permettent d'établir que Rinehart et son interrogateur sont d'accord sur le fait qu'elle est la seule survivante d'un massacre qui a exterminé la population d'une petite ville dans le désert dénommée Helen. L'interrogateur indique que Rinehart a été témoin de mutilations effectuées par des extraterrestres sur la population et il souhaite savoir comment elle s'est enfuie de cette ville et pourquoi elle est la seule survivante. Warren Ellis a commencé sa carrière d'écrivain en 1990, en travaillant pour les magazines anglais Deadline et Judge Dredd. En 1994, il a commencé à travailler pour Marvel sur les séries Hellstrom, prince of lies, Doctor Doom 2099, Thor (Worldengine) et Wolverine (Wolverine: Not Dead Yet). Parallèlement à ces travaux pour l'un des 2 grands éditeurs de comics américains, il a continué à écrire des récits pour des éditeurs indépendants, dont il a conservé les droits de propriété intellectuelle. Et parmi ces récits, il a écrit aussi bien des séries longues que des histoires courtes dans des formats diverses et variés. Pour la précédente édition de 2002, Ellis avait rédigé une postface succincte qui est intégrée dans la présente édition. Il explique que l'idée lui est venu en écoutant les théories de Whitley Strieber (écrivain d'horreur, par exemple Wolfen, dieu ou diable ) sur les expérimentations que feraient les "visiteurs" sur les vaches. Il s'agit pour Ellis de se moquer des élucubrations de Strieber, tout en s'accaparant cette légende pour en faire quelque chose de plus sinistre. En 30 pages d'histoire, Ellis installe un face à face comme il sait bien le faire, sous la forme d'un interrogatoire. Bridget Rinehart et son interrogateur jouent au chat et à la souris sous les yeux du lecteur qui essaye de se faire son avis. Évidemment Ellis dispose de quelques munitions supplémentaires et le récit réserve plusieurs surprises. À la lecture des planches, il ne m'est pas possible de savoir si Meyer a ajouté la couleur a posteriori, ou si la première édition était en noir & blanc uniquement pour une question de coût d'impression. Il a réalisé ses illustrations principalement à l'aquarelle, en délimitant parfois les contours des silhouettes par le biais d'un trait violet. Il adopte un style réaliste avec quelques détails significatifs. Il est par exemple possible de compter les morceaux de carrelages derrière Rinehart dans la salle d'interrogatoire. Il a une tâche assez complexe pour rendre les illustrations vivantes dans la mesure où le dispositif narratif est très contraignant : quasiment un plan fixe pour les 2 tiers du récit, correspondant au regard de l'interrogateur qui fixe Rinehart assise sur sa chaise, de l'autre coté de la table. Il fait preuve d'assez d'inventivité dans les expressions de Rinehart et ses mouvements limités pour traduire sa tension et ses sautes d'humeur, et autres revirements. de temps à autre, une image ou une courte séquence vient montrer au lecteur la vision intérieure de Rinehart alors qu'elle se remémore une scène, ou la vision que donne l'interrogateur des événements. Meyer illustre les petits gris avec retenue, et les expérimentations ne sont pas montrées. Il n'y a qu'une image qui semble un peu trop enfantine : une pluie de scalpels dessinée de manière trop littérale. Au fil de cet interrogatoire, Ellis bâtit un suspense psychologique qui n'a rien de binaire pour raconter une histoire d'horreur, avec une chute inattendue. Les qualités de l'illustrateur évitent au récit de ressembler à une succession de cases avec uniquement des têtes en train de parler, défi pourtant audacieux au vu du dispositif narratif très contraignant. - Dark Blue : dessins sont en noir & blanc, réalisés par Jacen Burrows. Cette histoire comprend 60 pages. Dans le sous-sol d'un commissariat, dans la cellule d'interrogation la plus éloignée, l'inspecteur Frank Christchurch s'apprête à appliquer le troisième degré à un suspect, avec une agressivité peu commune (il lui promet de lui arracher le sexe pour lui mettre dans l'arrière train). À l'étage, l'inspectrice Deborah Thorogood pénètre dans le bureau du lieutenant Lou Abbey pour s'enquérir de son partenaire Frank. Elle dérange Lou en train de s'injecter un fix dans le bras. Lorsqu'elle arrive dans la cellule d'interrogation, elle trouve le prévenu torse nu, à terre, toujours ligoté à sa chaise, avec du sang partout, et Frank s'apprêtant à le tabasser avec la crosse de son arme de service. Elle est obligée de le frapper pour le ramener à la raison. Frank se fait passer un savon par Lou Abbey, puis rentre chez lui. En chemin il fait l'expérience déroutante de passer au travers d'un piéton. de retour chez lui, dans son fauteuil, il se souvient de la scène de carnage indescriptible qui l'attendait alors qu'il poursuivait Trent Wayman, criminel notoire, et dealer d'une drogue appelée LD50. Dans la postface, Warren Ellis explique que l'idée de base de ce récit lui est venue dans les années 1990 en lisant des écrits de Terrence McKenna relatant ses expériences de prise de drogues, en particulier celles contenant de la diméthyltryptamine (DMT, une substance psychotrope puissante). Ellis plonge d'entrée de jeu le lecteur dans le quotidien d'un inspecteur de police très intense, obsédé par la traque et la capture de Wayman dont une séquence montre l'horreur de ses actions (cadavres mutilés et éventrés). Burrows dessine tout avec une seule épaisseur de trait pour délimiter les contours de chaque forme. Dans cette première collaboration avec Ellis, il sait déjà transcrire l'intensité du comportement de Christchurch, dans son langage corporel et les expressions de son visage. Voilà un individu sur les nerfs, tendu, prêt à craquer, prêt à recourir à la violence pour atteindre son but. L'impact de ce récit doit beaucoup à Burrows (pourtant pas toujours convaincant dans ses collaborations avec Ellis) qui dispose de 2 atouts majeurs. le premier réside dans sa capacité à retranscrire la profondeur de champ. Burrows utilise des perspectives simples pour montrer au lecteur la disposition de l'open-space au commissariat, ou du dénuement de la pièce unique de l'appartement de Christchurch. Ces mêmes perspectives rendent admirablement compte de la largeur des voies, et des espaces des rues. le deuxième atout de Burrows est qu'il dessine avec le même premier degré tout les éléments du scénario, y compris les plus immondes. Il dépeint les éventrations avec un sens du gore mariant la violence de l'arrachement des membres, avec un coté un peu simpliste qui introduit un parfum d'effets spéciaux bon marché, vite dissipé quand le lecteur prend conscience de la présence de crochets de boucher. Cette façon de dessiner confère également une force de conviction déconcertante aux hallucinations provoquées par la drogue LD50. Warren Ellis propose un récit intense et viscéral dans lequel le personnage principal a les nerfs à fleur de peau. C'est brutal et obsessionnel avec une dose de psychotrope. C'est intense, et pas forcément très profond, c'est efficace comme une nouvelle rapide qui va directement à l'essentiel. Comme pour les théories de Whitley Strieber dans Atmospherics , le lecteur a l'impression qu'Ellis se sert de l'idée de McKenna, comme d'une hypothèse farfelue juste bonne à donner lieu à un divertissement brutal. Il ne faut donc pas s'attendre à une analyse psychologique fouillée du personnage principal. Par contre, le lecteur aura le plaisir d'être surpris par plusieurs retournements de situation, ainsi qu'une attitude butée de Christchurch qui ne faiblit pas du début jusqu'à la fin. Warren Ellis ne développe pas d'idée révolutionnaire, mais il construit un suspense très prenant, avec des dialogues bien dosés, et en laissant (comme à son habitude) de la place pour des séquences visuelles quasi muettes qui permettent au lecteur de se plonger dans l'atmosphère développée par les dessins. Cette première collaboration entre Ellis et Burrows s'avère très réussie, avec un récit tendu invitant à suivre un individu sur de son bon droit, pour qui la réalité se dérobe par moment, dans des visuels bien conçus, à défaut d'être sophistiqués.
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