M.O.M. - Mother of Madness

Note: 4/5
(4/5 pour 1 avis)

Emilia Clarke (Game of Thrones, Star Wars et Secret Invasion) fait ses débuts dans les comics ! Elle nous raconte dans M.O.M., la vie de Maya : une scientifique le jour, une super-héroïne la nuit et une mère célibataire infatigable à tout moment de la journée !


Féminisme Séries avec un unique avis Super-héros

Emilia Clarke est mondialement connue pour son rôle de Daenerys dans la série Game of Thrones. Dans ce one-shot, la Mère des Dragons a imaginé une autre mère aux pouvoirs surnaturels ! Accompagnée par Marguerite Bennett (Batwoman, X-Men : Years of Future Past) et Leila Leiz (Théophilia Werner, Hadj Moussa), elle signe un récit profondément féministe qui détourne les clichés sexistes, en transformant ces caractéristiques qui jettent l'opprobre sur les femmes (les règles, les émotions…) en super-pouvoirs.

Scénario
Dessin
Couleurs
Traduction
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 23 Août 2023
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série M.O.M. - Mother of Madness © Panini 2023
Les notes
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25/07/2024 | Présence
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Par Présence
Note: 4/5
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Être une jeune femme - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, qui n'appelle pas forcément de saison supplémentaire. Il regroupe les trois épisodes doubles, initialement parus en 2021, avec un scénario d'Emilia Clarke et de Marguerite Bennett, des dessins et un encrage de Leila Leiz, aidée par Leila del Duca pour 7 pages (94, 99, 100, 112 à 115), et une mise en couleurs réalisée par Triona Farrell. Les couvertures ont été réalisées par Jo Ratcliffe. Il contient également un texte introductif d'une page de chacune des coscénaristes, les couvertures variantes réalisées par Jen Bartel, Leila Leiz (*2), Mirka Andolfo, Tula Lotay, Cat Ferris, Luana Vecchio, Maria Llovet, Emi Lenox, Caitlin Yarsky. Il contient également une page explicitant les pouvoirs de l'héroïne en fonction de l'émotion qu'elle ressent. Dans le musée d'art Clapton à New York en 2049, Maya Kuyper se trouve dans une grande réception mondaine, et elle s'adresse au lecteur, brisant le quatrième mur. Elle indique son nom, et ajoute qu'elle a 29 ans, qu'elle est mère célibataire, qu'elle n'a pas fini la fac, qu'elle est une ingénieure en chimie, et travailleuse du sexe à temps partiel. Elle continue à donner des détails sur sa vie et ses goûts : fan de nourriture thaï, signe astrologique scorpion, amatrice des discours de Bader Ginsburg et de Martha Stewart living, spectatrice de beaucoup de séries télé pour enfants, incapable de tenir ses bonnes résolutions de janvier de faire plus de sport. Son anxiété a tendance à revenir, surtout quand elle se dit qu'elle n'écoute pas assez de podcasts sur comment contrôler son anxiété, et elle a joué et terminé Undertale, en tant que pacifiste. Elle participe actuellement à une soirée organisée par son employeur sur le thème de la capacitation des femmes sur le lieu de travail. Cette soirée constitue l'incarnation d'un ses propres cauchemars. Les différents invités papotent sur des sujets anodins ou pour se mettre en valeur : #metoo, des opportunités de marché pour un produit innovant, le potentiel du maché chinois, les tableaux de maître accrochés au mur représentant des femmes, des propos ouvertement anti transgenre, l'impossibilité de reproduire les poses des femmes peintes par Johannes Vermeer (1635-1675, La jeune fille à la perle), par Jean-Auguste Dominique Ingres (1780-1867, La grande odalisque), ou encore par François Boucher (1703-1770, L'odalisque). En continuant à déambuler parmi les invités, son verre à la main, Maya finit par prendre conscience que plusieurs d'entre eux ont remarqué une tâche rouge sur l'arrière de jupe blanche. Ils s'indignent qu'elle n'ait pas été capable d'éviter cette tache de sang menstruel. Elle sort dignement, avant de se lâcher dans une salle vide, en laissant s'exprimer son pouvoir de métamorphe. Elle se met à raconter sa vie : en 2028, à huit ans, fille d'Eva & Mark Kuyper, deux scientifiques. En 2031, en 2034, en 2036, une rapide anecdote à chaque fois. La mort de ses parents à quelques jours d'intervalle. La continuation de leurs travaux dans leur laboratoire. Ce comics a bénéficié d'une mise en avant du fait de sa cocréatrice, l'actrice interprétant Daenerys Targaryen dans la série Game of Thrones. Pour autant, la page des crédits précise que la série a été cocréée avec Margueritte Bennett, scénariste professionnelle de comics depuis 2013. La première page annonce la couleur : utilisation du dispositif narratif consistant à briser le quatrième mur, l'héroïne s'adressant en direct au lecteur, faisant des observations sur ce qui va se passer, sur les événements passés, et sur la condition de la femme et la pression à laquelle elle est soumise, en termes d'attentes implicites et explicites dans la société. Au cas où le lecteur n'ait pas bien compris ce dispositif, les autrices y vont franco avec la tache de sang, la perte des parents de Maya à peine entrée dans la vie adulte, les responsabilités de mère célibataire, les collègues de travail faisant preuve de misogynie ordinaire, l'ex-mari pas très fréquentable qui veut revoir son fils, la collègue de travail en fauteuil roulant au mieux ignorée par les autres employés, et même une femme PDG n'hésitant à profiter de la vulnérabilité de ses employées. Maya expose donc ces considérations de manière explicite et détaillée, avec une forme d'autocritique sur la propension des femmes à se conformer à ces attentes innombrables, et à se laisser dominer par leurs émotions. D'ailleurs, Maya Kuyper elle-même a acquis des superpouvoirs qui se manifestent quand elle est le jouet d'émotions fortes comme la colère (superpouvoir : force physique et super-célérité), l'anxiété (super ouïe), la peur (invisibilité), la joie (corps élastique et extensible), la tristesse (guérison instantanée), le rire (capable de briser les objets autour d'elle). Pour faire bonne mesure, elles se permettent d'ajouter que la puissance de ses pouvoirs dépend de la phase de cycle menstruel, particularité qui aurait conduit au pilori un auteur mâle. Le lecteur est impressionné dès la première page par les dessins. L'artiste réalise des images dans un registre descriptif, réaliste et détaillé. Il remarque l'expressivité du visage de Maya, avec un sourire très agréable, et son regard par-dessus ses lunettes à la monture fantaisie. Elle insuffle la vitalité de la jeunesse à l'héroïne, une réelle joie de vivre malgré les épreuves et les combats, une façon naturelle de s'habiller et de se comporter, plus en adulte qu'en adolescente, sans jamais en faire un objet. Elle met en scène une dizaine d'autres personnages de second plan, tous différenciés, à l'apparence assez jeune, moins de trente ans, ainsi que Billy le fils de Maya dont les postures et le langage corporel sont bien celui d'un enfant. le lecteur peut prendre le temps de détailler les différentes tenues vestimentaires, toutes en cohérence avec la position sociale du personnage et son activité du moment, allant du plus décontracté (un pyjama) au plus strict (le magnifique tailleur de Lucile Caldwell). Les autrices ont choisi de réaliser une histoire pleine à craquer, de dialogues, d'expositions, d'idées, de situations surprenantes, et Leiz donne à voir tout sans sembler fatiguer. Les séquences génèrent donc un divertissement de bon niveau : la belle coiffure de Maya pendant la soirée, la première manifestation de son pouvoir avec ses bras qui s'allongent, la rame de métro bien graffitée à l'intérieur, Maya profitant de sa super-vitesse pour faire des blagues à ses collègues de travail dans leur cubicule, la forme du fauteuil roulant de sa collègue Wanda Boone, son costume de superhéroïne, sa voiture de superhéroïne, les affrontements physiques, etc. Les autrices ne se contentent pas de resservir les conventions visuelles des comics de superhéros : elles ont créé un personnage original, avec des superpouvoirs classiques, et une narration visuelle cohérente avec le thème de fond, plutôt que respectant les conventions du genre. Ainsi, Maya se rend compte qu'elle souhaite mettre à profit ses pouvoirs pour lutter contre les injustices et aider les plus faibles. C'est son entourage qui en vient à lui suggérer de revêtir un costume, et de confier la tâche à une de ses copines propriétaires d'un grand magasin de vêtements. Il en va de même pour la voiture, dont les adaptations sont réalisées par un de ses amis mécaniciens. le lecteur sent bien que les autrices utilisent le genre superhéros, ou plutôt superhéroïne, comme elles l'entendent. Sous réserve qu'il ne soit pas allergique à une forme d'exposé très conscient sur la condition féminine considérée sous le prisme des exigences qui pèsent sur les femmes, le lecteur ou la lectrice plonge dans une histoire aux côtés d'une jeune femme très sympathique, combattante et souriante, sans être parfaite à chaque instant. Elle fait de son mieux pour élever son fils, jongler avec deux ou trois boulots, et combattre le crime. le lecteur sourit donc en voyant comment les autrices assument le principe de la force des émotions ressenties par une femme : cette caractéristique caricaturale de la condition féminine devient le déclencheur, ou plutôt le carburant de ses superpouvoirs. Clarke & Bennett assument leur idée jusqu'au bout avec les fluctuations de ces pouvoirs en fonction de la phase du cycle menstruel, ce qui force le respect du lecteur. Il voit bien comment elles orientent la charge contre les stéréotypes masculins de la représentation féminine, et leur reconnaît l'honnêteté intellectuelle d'évoquer les stéréotypes qui pèsent également sur les hommes. Elles vont même plus loin encore en montrant que ces stéréotypes sont également alimentés par les femmes elles-mêmes, et qu'elles n'hésitent pas à se voir en compétition les unes contre les autres. Un discours féministe, mais pas angélique. À l'opposé d'un produit vite fait mal fait pour profiter de la notoriété de l'actrice, ce tome propose une histoire très copieuse, avec une narration visuelle soignée, pleine de vie et amusée. le lecteur découvre la vie de Maya Kuyper jeune mère célibataire, jonglant entre trois emplois pour joindre les deux bouts, et disposant de superpouvoirs. Les autrices brisent le quatrième mur pour donner plus de personnalité à l'héroïne et lui donner l'occasion d'exposer ses idées et ses convictions de jeune femme, montrant à quel point la société fait peser sur elle des exigences démesurées, et en quoi le comportement de certains hommes peut être sexiste et pénible, sans qu'ils n'en aient forcément conscience. Une aventure divertissante et reflétant une forme de féminisme refusant de supporter des comportements idiots, sans pour autant être agressif.

25/07/2024 (modifier)