Colder
Visions Infernales, créatures effrayantes et autres hallucinations morbides sont au programme…
D'un monde à l'autre Dark Horse Comics Edition participative Folie Les petits éditeurs indépendants
Autrefois détenu dans un asile d’aliénés, Declan a le don de guérir les fous. Mais à chaque fois qu’il utilise cette capacité, son corps refroidit un peu plus. Pire encore, son utilisation a attiré un prédateur démoniaque qui le poursuit à travers une version cauchemardesque de Boston.
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Date de parution | 24 Mars 2023 |
Statut histoire | One shot (Intégrale des 3 cycles de Colder) 1 tome paru |
Les avis
Je vais être moins enthousiaste que Jetjet, malgré les qualités et la force visuelle de cet univers. Mes réserves sont essentiellement affaires de goût (je ne suis pas le cœur de cible de ce type de fantastique virant au récit d’horreur, même si Ito a su m’intéresser, dans un registre visuellement un peu différent), mais pas que. Le scénario de Tobin est assez original. Il traite globalement de la folie – furieuse en l’occurrence – en faisant se juxtaposer le monde réel et celui où la folie donnerait libre cours à ses excès, ici uniquement vus sous l’angle malfaisant. C’est une folie noire qui domine ce monde parallèle, dans une vision influencée par l’enfer médiéval, ou l’imagination des créateurs d’Alien. Tobin arrive plutôt bien à nous faire passer d’un univers à l’autre. Le dessin de Ferreyra et la différence de colorisation permettant de s’y retrouver facilement. Le dessin justement, je l’ai trouvé puissant, mais pas exempt de défauts. La couverture (celle de l’édition ordinaire – que je préfère à l’autre) est déjà scotchante. Beaucoup de scènes sont impressionnantes. Pour le reste, sur le dessin est dynamique et très lisible, j’ai trouvé que c’était inégal au niveau du rendu des personnages, en particulier des visages, pas toujours réussis. Ferreyra a aussi du mal lorsqu’il cherche à donner des angles de vue originaux, et il rate systématiquement les personnages montant un escalier. Pour revenir à l’histoire, le personnage hystérique et déjanté de Nimble Jack – qui se nourrit (dans tous les sens du terme) – de tous ceux qui sont à des degrés divers atteints de folie – et celui de Declan (le héros, qui lui peut « guérir de la folie, chaque effort faisant baisser sa température corporelle – d’où le titre) proposent un affrontement intéressant. Au fil des pages -et des cycles, puisque cet album regroupe en fait trois histoires qui se suivent – le personnage de Declan prend de l’ampleur, et un mystère quasi polar l’entoure. Au milieu de cette folie infernale, entre ces deux hommes, une oie blanche, Reece, une jeune femme qui a un temps recueilli Colder, puis en est tombée amoureuse : victime désignée de Nimble, princesse à protéger pour Declan, candide témoin d’une réalité parallèle atroce, Reece sert de révélateur et joue le rôle dévolu à pas mal de femmes dans les séries B. Et c’est je trouve vers ce « genre » que lorgne cette série ; une série B originale, qui ne cherche pas à être réaliste, mais qui use du scénario et des acteurs comme d’un jouet. Ce qui ne rend pas toujours très clair le déroulé de l’histoire. Sinon, parmi tous les déjantés que nous croisons, outre Nimble, sorte de clown machiavélique et pervers, j’ai été intéressé par le personnage aux faux airs de pasteur mormon qui découpe les doigts, en sème (dans le deuxième cycle, « Mauvaise graine ») : il y a là un humour très noir au cœur d’un défouloir horrifique qui peut être plaisant. Pas toujours clair, un dessin inégal malgré de réelles fulgurances, et un genre qui n’est pas de mes préférés, voilà pour mes réserves. Mais ça n’en reste pas moins une série qui trouvera sans problème son public, au vu de ses qualités et de son originalité.
Si le dessin illustrant l'édition régulière ne vous donne pas trop la nausée, vous pouvez continuer la lecture de cette chronique ou mieux même vous jeter sur Colder au risque de succomber à un récit traitant de la folie de façon fort originale. Declan est un aliéné silencieux dont le corps intemporel et la température décroissante ne cessent de stupéfier le corps médical depuis plusieurs décennies. Reece prend cet homme silencieux en pitié et en prend la tutelle pour continuer de le soigner chez elle à domicile. C'est à ce moment précis qu'intervient Nimble Jack, un être démoniaque se nourrissant au sens propre comme au figuré de la folie des hommes et ouvrant une brèche entre le monde réel et celui de la folie. C'est également le moment où Declan va se réveiller et combattre des entités dépassant tout raisonnement logique. De l'aveu même du scénariste, il s'agirait du film "L'antre de la folie" de John Carpenter comme inspiration principale. Ce dernier traitait de la folie façon Lovecraft mais c'est peut être encore plus l'influence de "Ça" de Stephen King pour son clown malsain et joueur et les univers barrés de "Hellraiser" de Clive Barker en guise de référence. Et pourtant Colder est original de bien des façons. Le travail de Juan Ferreyra est tout simplement hallucinant : se jouant de toutes les possibilités offertes par le neuvième art, il s'agit d'un festival de dessins encrés, de cadrages et décadrages et de transitions subtiles entre les deux mondes faisant presque de cette copieuse intégrale (intégrant les 3 cycles de l'histoire) un objet presque ludique que vous tournerez dans tous les sens. Le monde de la folie mériterait presque un artbook à lui tout seul avec ses paysages dévastés et ses créatures mutantes. Si l'on fait fi de dialogues pas toujours bien ficelés et d'une narration aimant perdre le lecteur (mais n'est ce pas le propre de la folie ?), Colder est un ouvrage unique aussi efficace qu'un voyage en train fantôme sous dopamine.
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