Journal de 1985

Note: 3/5
(3/5 pour 2 avis)

Big Brother is back !


Format carré Les petits éditeurs indépendants Utopies, Dystopies

24 janvier 1985, an I du nouveau régime. Un individu cagoulé tague un visage géant sur le mur d’un immeuble de Londres. L’ayant repéré par une caméra, la milice essaie de l’appréhender. L’homme fuit. Dans la précipitation, un livre tombe de sa poche : le « livre » de Winston. L’objet est rapporté au camarade O’Brien. Pour remonter jusqu’à celui qui en est à l’origine, son ordre claque : « Préparez moi une liste de noms. Je veux que l’on identifie tous ceux qui ont été en contact avec Winston durant sa captivité. Le coupable est forcément parmi eux. » Une longue série d’arrestations et d’interrogatoires plus tard, où chacun d’eux a « avoué », il ne reste plus qu’une personne sur la liste : O’Brien lui-même. « Mais si ce n’est personne de la liste, qui est à l’origine de ce livre ? », se demande le camarade Secrétaire Général O’Brien quand il est à son tour arrêté. Dans la foule haineuse qui assiste à son exécution, un homme jeune se hâte. Il s’appelle Lloyd, il doit rejoindre avant le couvre-feu ses camarades, membres d’une organisation secrète de résistance…

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 04 Septembre 2024
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Journal de 1985 © Sarbacane 2024
Les notes
Note: 3/5
(3/5 pour 2 avis)
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31/08/2024 | Blue boy
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L'avatar du posteur Noirdésir

Après son adaptation – réussie – du roman « 1984 », Xavier Coste n’a semble-t-il pas voulu en rester là avec l’univers créé par Orwell, puisqu’il nous propose une « suite ». J’étais assez circonspect avant d’attaquer cette lecture – et j’admets l’être encore un peu après l’avoir finie. Coste reste fidèle à « l’habillage » du précédent volume. Un joli format carré (beau travail de Sarbacane une nouvelle fois), et un dessin usant de bichromies (différentes de l’album précédent), d’un trait jouant sur des esquisses plus ou moins rehaussées. Des décors absents ou très froids, un ensemble très sombre et déshumanisé. On est dans la droite ligne de « 1984 ». Mon bémol vient du fait que je ne sais pas si une « suite » était souhaitable, tant l’œuvre originelle se justifiait par elle-même, jusque dans sa conclusion tragique et suffocante, pessimiste. Ici, à vouloir être fidèle à Orwell, mais en « poursuivant » le récit, Coste prend le risque de redites inutiles, et je ne sais pas si couper le silence terrible qui clôt le roman était une bonne idée. De fait, j’ai trouvé que certains passages de « 1985 » étaient presque trop verbeux, et surtout que l’intrigue devenait presque « ordinaire », alors qu’elle se laisse lire, et que Coste réussit quand même à développer quelque chose de très noir et anxiogène, dans la continuité de « 1984 ». Mais il n’y a pas tant de nouveautés et de surprises que ça. Même si le personnage de Lloyd se révèle moins linéaire que je ne l’imaginais au départ – voir les passages avec son frère jumeau – il ressemble encore trop au grain de sable qu’était Winston. Et, là où Orwell ne laissait aucun espoir, Coste semble parier sur une possibilité de sorti de cette horreur. C’est certes différent, mais du coup ça rend aussi son récit moins « terrible » in fine que celui d’Orwell. Bon cela dit, ça reste quand même un album à découvrir, Coste a du talent.

26/02/2025 (modifier)
Par Blue boy
Note: 3/5
L'avatar du posteur Blue boy

Avec ce « Journal de 1985 », Xavier Coste, conforté par l’accueil critique et public de son « 1984 », ne s’est pas reposé sur ses lauriers. Admirateur d’Orwell, il remet les couverts en reprenant de nouveau l’univers de l’écrivain, univers qu’il s’est si bien approprié dans son adaptation qu’on pourrait y voir ici une suite logique. Un projet qui requérait tout de même un minimum d’audace, « 1984 » faisant office aujourd’hui de monument de science-fiction. Coste a donc extrapolé l’œuvre du maître en concevant un nouveau scénario et de nouveaux personnages. Pour ce projet très ambitieux, on devine parfaitement la somme de travail qu’il a fallu à l’auteur. Celui-ci a su construire, en collaboration avec Philip Börgn, un scénario plutôt fluide, qui nous emmène dans les pas de Lloyd, un jeune homme rentré en résistance à travers un réseau clandestin. L’action se déroule dans un Londres fantomatique, gangréné par la misère et menacé par la ruine. Les caméras de Big Brother sont omniprésentes et le contrôle des citoyens implacable. Lloyd a décidé de raconter son quotidien qu’il ne consignera pas sur papier, le danger étant beaucoup trop grand de se faire repérer par la Police de la pensée. Ce journal sera « mental », et les phrases iront « se cacher dans un recoin obscur de [son] cerveau ». Il importe de ne laisser aucune trace, aucun écrit. Par la suite, Lloyd sera abordé par un inconnu qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, débouchant sur un twist intéressant dans la narration. Il s’agit de son frère jumeau, Gordon, qu’il n’avait pas revu depuis des années, ce frère qui avait dénoncé ses parents en possession d’un livre de poésie… A travers ce récit, de la même façon qu’il l’avait fait avec « 1984 », Coste exprime une fois encore sa crainte viscérale de voir une société fascisante utiliser la technologie de surveillance pour neutraliser toute opposition citoyenne. Cela reste puissant et convaincant dans le propos. Néanmoins, s’il y a du bon dans ce « Journal de 1985 », il y a aussi du moins bon, qui aurait plus à voir avec la narration, où on peut relever ça et là quelques légères incohérences, que les lecteurs relèveront peut-être par eux-mêmes (impossible de le dire ici sans spolier), même si globalement le récit reste lisible. Pour ma part, j’ai noté une contradiction flagrante entre la page 66 et la page 121 : dans un premier temps, Lloyd repense à son frère qui dénonça ses parents en possession du livre, mais ensuite, c’est lui-même qui procède à cette dénonciation, avec un sentiment de culpabilité qui le poursuivra. Quant au dessin, il demeure toujours d’une grande qualité artistique pour dépeindre cette glaçante dystopie. Toujours au bord de l’esquisse, dans une bichromie changeante aux couleurs maladives, le trait de Xavier Coste reste acéré, volontairement ingrat, froid et coupant, mais totalement en phase avec l’univers lugubre d’Orwell. Sans atteindre le niveau du livre original et de son adaptation, « Journal de 1985 » s’avère une lecture honnête mais qui ne se détache pas suffisamment de l’œuvre parente pour se placer en incontournable. Le propos est aussi pessimiste, avec une mince lueur d’espoir à la fin, et le personnage de Lloyd reste finalement assez similaire à celui de Winston pour créer vraiment la surprise.

31/08/2024 (modifier)