G.I. Gay
Le traitement des homosexuels par l'armée américaine durant la seconde guerre mondiale.
1939 - 1945 : La Seconde Guerre Mondiale Aire Libre Auteurs espagnols Gays et lesbiennes [Seconde Guerre mondiale] La Guerre du Pacifique et le conflit sino-japonais
Décembre 1941 : alors que Pearl Harbor pousse les États-Unis à entrer en guerre contre le Japon, le jeune psychiatre Alan Cole exerce à l'hôpital de San Diego. Exempté de conscription, il décide toutefois de s'engager sous la pression de son futur beau-père, général à la retraite qui ne donnera sa fille qu'à « un homme, un vrai »... C'est ainsi qu'Alan va se retrouver à examiner tous les nouveaux marines, avec pour objectif d'écarter ceux dont le comportement pourrait nuire à la cohésion des troupes : délinquants, alcooliques et surtout les homosexuels, considérés à l'époque au mieux comme des malades mentaux, au pire comme des criminels. Mais Cole, en rencontrant, Merle Gore, jeune GI plein d'assurance, va en tomber amoureux... Ensemble, Alan et Merle devront non seulement survivre aux offensives des Japonais mais également aux purges anti-homosexuelles de l'armée US !
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Date de parution | 06 Septembre 2024 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Jusqu’en 2014, l’homosexualité était proscrite dans l’armée des Etats-Unis. Nombre de militaires ont été exclus en raison de leur orientation sexuelle voire condamnés, quand ils n’étaient pas purement et simplement envoyés en cour martiale. Cet état de fait a été aboli par Barack Obama en 2011, mais les condamnations demeuraient en vigueur. Ce n’est que tout récemment que Joe Biden a gracié des milliers de militaires concernés. C’est d’un sujet encore très peu évoqué jusqu’à présent dans la culture que les auteurs se sont emparés pour produire « G.I. Gay ». Cette fiction basée sur une réalité taboue acculée par l’évolution des mœurs est co-signée par Alcante, connu pour La Bombe, un ouvrage historique remarqué en 2020 et relatant la mise au point de l’arme nucléaire qui avait dévasté Hiroshima à la fin de la seconde guerre mondiale. Sur un air de romance entre le docteur Cole et l’appelé Merle, Alcante a construit un scénario fluide, tout à fait plausible, en montrant la façon dont étaient considérés les hommes qui aimaient les hommes dans l’armée US dans les années 40, au milieu d’une majorité d’hétérosexuels qui devaient sans doute souffrir (les pauvres) dans cette ambiance ultra-testostéronée où l’apparition d’un rare jupon était susceptible de déclencher une émeute. Est-il besoin de préciser que les marines gays, comme le montre la BD, ne rechignaient pas à empoigner une arme et à risquer leur vie dans les combats, comme n’importe qui, et que la peur ne les assaillait ni plus ni moins que l’ensemble de leurs frères d’armes. Mais comme on le sait, les préjugés avaient la vie — encore plus — dure à cette époque… Sans être remarquable, le dessin de Munoz accompagne parfaitement la narration dans sa tournure un peu surannée. On est sur du classique réaliste qui est là pour restituer au plus juste une réalité maintenue sous silence depuis des décennies aux Etats-Unis, et peut-être aussi, pour la faire connaître au plus grand nombre. Ce qu’on apprécie ici, c’est que l’académisme formel de « G.I. Gay » a le mérite d’être dénué de toute provocation, ou d’animosité, tout au plus peut-on y déceler une légère ironie. Ce qu’il décrit simplement et sans clichés, c’est le quotidien d’appelés « invertis » (selon l’expression « polie » et quelque peu désuète, d’une affreuse condescendance), en particulier à travers les personnages de Merle Gore ou d’Alan Cole, qui n’étaient pas du tout efféminés, le second étant même sur le point de se fiancer avant de réaliser son homosexualité. Même si bien sûr on se doute que les « tapettes » les plus excentriques étaient exclues d’office lors des tests… Et c’est peut-être bien ce que redoutaient le plus les chefs militaires : le fait justement que ces garçons n’avaient pas l’air de « folles », qu’ils pouvaient avoir un look viril comme n’importe quel troufion. En réalité, ils leur ressemblaient beaucoup trop et cela leur était insupportable. Il y a des miroirs encombrants que l’on préfère briser… Ce qui est également troublant dans le livre — et aussi risible —, ce sont les méthodes de sélection et le langage employé par les supérieurs pour évoquer l’homosexualité (notamment par le biais du capitaine Seamund, qui fait savoir à Cole lors de sa première entrevue qu’il a intérêt à aimer voir « des mecs à poil » (sic)), avec cette crainte obsessionnelle de voir les marines « contaminés » et affaiblis, révélant chez eux un refoulé quasi-névrotique qui interroge… Hormis les arguments infondés et ridicules pour exclure les « pédés » de rangs militaires (le simple fait de se plaindre d’un mal de tête étant considéré comme suspect), il y a les tests plus explicites consistant par exemple à explorer le trou de balle des candidats pour juger de leur « expansion anale », lors des examens « chelous » où des médecins en blouse blanche et à grosses lunettes pouvaient ausculter à loisir et sous toutes les coutures, comme on le ferait pour du bétail, de jeunes hommes vigoureux et « innocents » dans le plus simple appareil. Après une campagne américaine « anti-woke » d’une rare violence, largement relayée sur les réseaux sociaux, et alors que Trump s’apprête à prendre les commandes de la « plus vieille démocratie » du monde, cette bande dessinée tombe à point nommé. On peut légitimement craindre un recul des libertés dans un pays extrêmement polarisé d’un point de vue politique. Le futur président orange reviendra-t-il sur les droits LGBT conquis de haute lutte, va-t-il congédier les hauts responsables militaires pour installer ses marionnettes ? On aimerait bien que l’avenir démente ces inquiétudes, mais le comportement agressif du milliardaire masculiniste a de quoi faire redouter une dystopie inédite dans ce pays martelant pourtant à tout bout de champ la liberté d’expression comme un droit fondamental.
Suite à l'attaque de Pearl Harbour et à l'engagement américain dans la Seconde Guerre Mondiale, l'armée US mobilise toute la population masculine entre 18 et 45 ans. Toute ? Non ! Outre les exemptés d'office, un tri médical et psychologique est opéré au recrutement pour exclure les délinquants, les psychopathes, les alcooliques et... les homosexuels, même ceux désireux de s'engager pour servir leur patrie. Alan est un jeune médecin chargé de faire ce tri. Après avoir accepté une recrue qui s'avère gay, il tombe finalement sous son charme et découvre le monde des homosexuels de l'époque, et en particulier des quelques-uns qui ont réussi à s'engager dans l'armée. Ceux-ci seront confrontés alors à deux combats : contre l'ennemi Japonais d'une part, et contre la répression interne à l'armée d'autre part. Alcante, notamment scénariste de La Bombe, s'oriente de plus en plus vers des BD à caractère historique au contenu bien documenté. Le sujet de cette dernière est aussi bien documentaire que militant. Son héros et narrateur est en effet présenté en parallèle des décennies plus tard, soutenant la promulgation par Barack Obama de l'abolition de la loi "Don't ask, don't tell", permettant ainsi aux homosexuels d'être complètement acceptés dans l'armée américaine. Bernardo Muñoz le met en scène avec un style réaliste et soigné. Il y a une vraie patte et une vraie maîtrise technique dans son trait et dans le travail des couleurs. Le résultat est peut-être légèrement académique mais c'est du bon boulot à tous les niveaux. Je regrette juste la représentation choisie pour celui qui va charmer le héros, ce fameux Merle qui a tout du bel ange blond souriant et charmeur : il m'apparait trop stéréotypé dans son genre. L'histoire est bonne et bien rythmée. On la suit avec intérêt, découvrant une réalité relativement peu connue sur la vie des homosexuels à l'époque, et sur le traitement parfois injuste et parfois même criminel de l'armée envers eux. C'est aussi avec curiosité qu'on se demande comment va évoluer la relation entre les deux héros et ce qu'il va advenir d'eux. Toutefois, malgré l'implication romantique des personnages, la BD garde un léger aspect documentaire historique dans son ton et sa forme narrative qui empêche l'émotion d'être pleinement partagée. C'est un album joliment dessiné, instructif et plutôt prenant, mais pas aussi touchant qu'il aurait pu l'être.
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