Eat, and Love Yourself

Note: 3/5
(3/5 pour 1 avis)

Mindy a 27 ans et travaille dans un café de Montréal. Timide et mal dans sa peau, elle souffre d'un trouble du comportement alimentaire depuis l'enfance.


Boom! Studios Problèmes de poids

Un soir, dans son épicerie de quartier, elle achète une tablette de chocolat qui va lui permettre de revisiter son passé et lui offrir une chance de reprendre sa vie en main. Mais sera-t-elle capable de retrouver le chemin vers son présent, pour enfin s'accepter avec amour et bienveillance ?

Scénario
Dessin
Couleurs
Traduction
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 05 Février 2021
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Eat, and Love Yourself © Ankama Editions 2021
Les notes
Note: 3/5
(3/5 pour 1 avis)
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03/09/2024 | Présence
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Par Présence
Note: 3/5
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Troubles de conduite alimentaire - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre, parue d'un seul tenant sans prépublication, en 2020. Elle a été écrite et dessinée par Sweeney Boo, avec une mise en couleurs réalisée par Joana Lafuente. Mindy est une jeune femme en surcharge pondérale. Elle se trouve présentement dans un bar, le soir, en train de siroter sa consommation. Elle vient de réaliser qu'elle n'est pas la personne qu'elle imaginait être. Sa copine Shaé revient de la piste de danse avec deux verres vides, pour faire le plein. Elle remarque le visage peu réjoui de Mindy et lui dit qu'elle tue l'ambiance. Finalement elle parvient à lui faire laisser son Coca sur le comptoir et à rejoindre la piste de danse. Le cœur n'y est pas et elle heurte sans faire exprès un autre danseur : Tom. Shaé s'adresse à lui pour lui indiquer que Mindy est déjà occupée. Celle-ci recommence à danser tout en se disant qu'elle ne se sent pas elle-même. Finalement, Mindy raccompagne Shaé qui est entre deux états, et qui s'arrête pour vomir au pied d'un arbre. Shaé s'affale allongée dans le canapé de l'appartement de Mindy, celle-ci s'occupant de son chat Jabba. Constatant qu'il n'y a plus rien à manger dans le frigo, Mindy ressort et se rend à l'épicerie du coin de la rue. Elle prend du lait, des céréales, des chips. Au comptoir, elle papote un peu avec le vendeur, lui demandant des nouvelles de sa femme Cindy. Elle remarque des barres de chocolat dont elle ne connaît par la marque : Eat and love yourself. Elle décide d'en prendre une. Mindy rentre chez elle, s'installe sur son lit, et regarde la télévision en mangeant des chips et en buvant un soda à la bouteille. Puis elle se sent un peu écœurée et elle va vomir aux toilettes. Après quoi, elle prend une douche, se lave les dents, se pèse, se touche un bourrelet, et va se coucher, s'endormant rapidement. Dans son sac, la barre de Eat est intacte. Le lendemain, Shaé se réveille la première. Elle ramasse le sac de chips vide et le jette à la poubelle. Elle prend une aspirine et regarde avec curiosité la barre chocolatée qui dépasse du sac de Mindy. Quand cette dernière se lève, Shaé est déjà partie et elle a laissé une note indiquant qu'elle devait se rendre en cours. Mindy va ouvrir sa porte pour répondre à la sonnette et prend la grande enveloppe qui lui tend le jeune facteur. Elle se lave, passe aux toilettes, se pèse et se rend au café pour commencer sa journée de barista. Boom Studios est un éditeur de comics indépendant, ayant la particularité de publier des comics pour des tranches d'âge allant des enfants aux jeunes adultes. Ici, le lecteur comprend rapidement qu'il s'agit d'une histoire ciblée vers les adolescentes, ou très jeunes adultes, sur la question du surpoids, et des désordres de l'alimentation. La lectrice (ou le lecteur) s'attache immédiatement à cette jeune dame, sympathique, simple et tranquille. Elle travaille dans un café le jour, sort de temps en temps le soir avec sa copine, et mange pour compenser sa solitude. Au départ, l'autrice montre Mindy manger quasiment machinalement, sans s'empiffrer, plus par habitude, comme une occupation automatique, une façon de contenter un besoin de satisfaction immédiate, par la sensation de satiété. Effectivement, cela s'accompagne d'une mauvaise image de soi, d'un manque d'estime pour elle-même, mais plus une forme de résignation devant sa morphologie qui est comme ça, qu'une déprime, encore moins une dépression. Elle mène une vie banale, sans donner l'impression qui lui manque quelque chose, sans souffrir d'une ambition insatiable, contente dans son quotidien tranquille. Elle communique facilement avec les autres, sans éprouver de besoin particulier d'établir des relations plus développées, ou plus nombreuses. Les dessins de Sweeney Boo sont très agréables à l'œil, doux, rendus encore plus doux par la mise en couleurs, dans des teintes pastel, sans chercher à faire girly, reprenant de temps à autre la couleur de fond pour instaurer une continuité d'une case à l'autre dans une même scène. Le lecteur ne sait pas s'il doit prendre les cheveux verts de Mindy au premier degré. Cela peut aussi bien être une coquetterie de sa part, qu'un choix purement fonctionnel de Lafuente pour la rendre plus reconnaissable. En tout cas, il n'y a pas de scène au cours de laquelle elle se teinte les cheveux. L'artiste réalise des dessins simplifiés, dans une veine réaliste, il est peut-être parfois possible d'y distinguer une influence manga, mais discrète et complètement assimilée, à l'opposé d'une utilisation primaire et artificielle, sans sensibilité shojo. Il est visible que le récit se déroule dans l'Amérique du Nord, vraisemblablement au Canada (Mindy se rend dans la commune de Sherbrooke), puisque que c'est dans ce pays que vit l'autrice, mais cela pourrait également être les États-Unis. Le lecteur constate de temps à autre que Mindy porte une épaisse doudoune, signe d'un climat bien froid, même s'il n'y a de la neige que dans le dernier quart du récit. Le lecteur se rend alors compte qu'il y avait des feuilles mortes au début du récit, situant déjà la saison à laquelle se déroule l'histoire. Même si les dessins donnent l'impression d'être simplifiés pour rendre la lecture plus immédiate et s'adresser à un public assez jeune, cela n'empêche pas Boo de s'investir dans la représentation des décors. Au fil des séquences, le lecteur peut ainsi observer la foule des clients dans la boîte de nuit, la façade des maisons de la rue où loge Mindy, avec leur entresol, les escaliers à l'extérieur pour accéder au rez-de-chaussée et au premier étage, l'aménagement de son appartement, les rayonnages bien alignés de la supérette, les feuilles mortes sur les trottoirs, l'aménagement purement fonctionnel du café où elle travaille, les couloirs animés de la fac de Shaé, la salle de bains standard de l'appartement de Mindy, les gradins d'un stade, le pavillon des parents de Mindy à Sherbrooke. De temps à autre, l'artiste s'intéresse moins à un décor qui est vite représenté comme les gradins du stade. L'artiste rend Mindy très sympathique avec ses grandes lunettes rondes (trop grandes pour être réalistes), et ses rondeurs, en particulier ses hanches et son postérieur. Elle n'affiche pas une mine triste, mais plutôt résignée quant à sa surcharge pondérale, et ce que cela induit sur sa vie sociale, ce qui ne l'empêche pas de sourire régulièrement à ses interlocuteurs, et pas uniquement quand elle sert un client au café. Les autres personnages sont tout aussi avenants : la copine, le facteur, le gérant de l'épicerie, les collègues de travail, ses parents. Boo a pris le parti de représenter tous les personnages avec des visages épurés, ce qui leur donne une apparence jeune, quel que soit leur âge, mais les tenues vestimentaires reflètent leur âge. Les expressions de visage permettent au lecteur de ressentir de l'empathie en saisissant bien l'état d'esprit du personnage. La direction d'acteur est de type naturaliste, sans exagération des mouvements ou des postures, avec une justesse qui les fait exister. Le lecteur côtoie donc des personnages ordinaires dans leur vie quotidienne, bien développés et étoffés, ce qui les rend uniques et attachants. Le lecteur ressent que Mindy s'est donc résignée à être grosse. Ce n'est pas ce qu'elle souhaite, elle ne parvient pas à l'accepter, mais elle peut vivre comme ça, sachant que sa vie sentimentale en est diminuée d'autant. Cette résignation la conduit à se déconsidérer quant à sa valeur personnelle, à faire le deuil de toute ambition, au point d'estimer ne pas en avoir. Puis, elle finit par goûter cette barre chocolatée et il se produit un phénomène surnaturel chaque fois qu'elle en prend un carré. Son esprit sort de son corps et elle devient le témoin d'une scène de son passé : avec ses parents, seule dans sa chambre, en train de se faire vomir dans les toilettes d'un restaurant, en cours d'éducation physique face au professeur. L'autrice n'émet aucun jugement de valeur lors de ces séquences : Mindy adulte est juste une observatrice mais qui ne se fait aucune réflexion ni pendant qu'elle revoit ce moment, ni après. Le lecteur est laissé seul juge de ce qu'il vient de voir, entièrement maître de l'interprétation qu'il veut en faire. Ainsi, en fonction de sa sensibilité, il y mettra plus une carence affective, un manque d'éducation quant à la manière de s'alimenter, une déprime systémique faute de savoir comment gérer ses émotions et son ressenti affectif. Il est donc un peu pris au dépourvu dans le dernier quart du récit quand l'autrice oriente l'analyse vers les troubles de conduites alimentaires, laissant de côté d'autres possibilités comme la dimension psychologique, ou le bagage génétique. L'éditeur a inscrit cette bande dessinée dans une gamme qui cible les adolescentes. Néanmoins, la couverture sympathique et la nature du récit (tranche de vie) font qu'il est susceptible d'attirer tout type de lecteurs. Effectivement, la narration visuelle douce sans être mièvre et la gentillesse de l'autrice vis-à-vis de ses personnages font que tout lecteur s'attache à Mindy et s'immerge dans son quotidien, banal mais unique. Le dispositif qui permet à Mindy de revoir des scènes de son passé apparaît comme évident : en comblant une envie irrépressible de confortement par la nourriture, elle revient à des moments ayant généré des ressentis qui se sont durablement inscrits en elle. Arrivée à la fin, le lecteur regrette de quitter Mindy, et ressent une pointe de frustration (sans pour autant aller se jeter sur une tablette de chocolat) lorsque le récit s'arrête sur un pré-diagnostic qui n'est qu'embryonnaire.

03/09/2024 (modifier)