Shame - La trilogie de la honte (The Shame Trilogy)

Note: 4/5
(4/5 pour 1 avis)

Lovern Kindzierski nous plonge dans un conte de fées sombre à la beauté troublante. Un univers fantastique digne de Lewis Carroll magnifié par la palette de couleurs oniriques de John Bolton.


Auteurs britanniques Séries avec un unique avis

La mère de la vertu est la femme la plus pure au monde. Pendant des siècles, elle a vécu sa vie au service des pauvres et des désœuvrés. Sa magie a soigné nombre d’os brisés et de maladies. Elle a aimé et s’est occupée d’enfants qui n’étaient pas les siens. Mais le jour où elle s’autorise enfin une pensée pour elle, un simple vœu de bonheur se transforme en cauchemar. Elle connaitra enfin la joie d’avoir une fille, mais elle enfantera la personne la plus maléfique que le monde ait jamais connu...

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 07 Septembre 2016
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Shame - La trilogie de la honte © Glénat 2016
Les notes
Note: 4/5
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04/09/2024 | Présence
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Note: 4/5
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Conte métaphorique pour adulte - Ce tome comprend une histoire complète, indépendante de toute autre, même si le premier chapitre d'une deuxième saison est paru. Il regroupe les 3 épisodes initialement parus en 2011 pour Conception, en 2013 pour Poursuite, et en 2015 pour Rédemption. L'histoire a été écrite par Lovern Kindzierski, dessinée et peinte par John Bolton, avec un lettrage réalisé par Todd Klein. Il commence avec un avant-propos d'une page rédigée par Colleen Doran et une préface d'une page rédigée par Lindzierski. Il comprend également les 8 premières pages du premier tome de la saison 2 consacrée à Hope, réalisé par les mêmes créateurs, ainsi qu'une discussion avec les 2 créateurs de 10 pages richement illustrées, et encore 10 pages montrant différentes étapes de réalisation d'une page à partir du script. Dans un monde moyenâgeux, mère Vertu est une femme entre deux âges au visage particulièrement laid. Elle fait profiter les habitants de sa magie, de ses dons de guérisseuse, et elle aime et s’occupe les enfants qui en retour l'aiment énormément, qui n'éprouvent aucune hésitation à déposer un baiser sur son visage à la peau abîmée, avec de nombreux grains de beauté. En fin de journée, elle rentre chez dans une maison à l'écart avec un jardin de simples. Elle se prend à rêvasser d'avoir elle aussi une fille, pis se détourne de ce vœu sans lendemain. Mais ce vœu égoïste a fait son chemin jusqu'au cœur des ténèbres et a été entendu. Les jours passent, et elle commence à ressentir les transformations de son corps qui ne peuvent être ignorées. Un soir la créature Slur (Injure / Insulte) lui apparaît et lui fait l'annonce de la naissance à venir de sa fille qui sera appelée Shame (Honte). Mère Vertu sait que Insulte a dit vrai, et au fur et à mesure que la fécondité de son corps s'épanouit, la nature autour de son cottage devient plus luxuriante, les nymphes et les dryades viennent vivre alentours. Le lieu prend le nom de Berceau. Finalement Shame vient au monde sans difficulté, et Vertu décide de l'abandonner au bon soin du Berceau, des nymphes et des dryades, de la nature luxuriante, en jetant un sort pour que tous soient au service de l'éducation de Honte, et que celle-ci ne puisse pas quitter Berceau. Six ans ont passé et Honte est devenue une jolie enfant, jouant avec ces nymphes et ces dryades. Au cours d'un jeu de ballon, Honte prend conscience de son pouvoir sur les choses, et cela provoque un changement irrévocable dans sa relation avec le monde. Elle exerce son pouvoir pour transformer les choses et les créatures, en punir certaines, sans toutefois prendre la pleine mesure desdits pouvoirs. Comme tous les enfants, elle se lasse assez vite de ses méchancetés qui restent superficielles. Un groupe d'enfants plus enhardis que d'autres tentent de pénétrer dans la forêt entourant Berceau, mais ils renoncent rapidement tout en laissant derrière eux leurs ombres filiformes, terriblement effrayantes. Ces ombres continuent leur progression dans la forêt et se retrouvent devant Honte. Celle-ci constate que ses pouvoirs n'ont pas d'effet sur les ombres et l'une d'elle évoque sa véritable éducation qui commence à l'instant. Toutefois les sorts de Vertu remplissent leur office et les ombres commencent à disparaître. Honte se lance à leur poursuite et tue une dryade qui faisait obstacle sur son chemin. Les ombres en profitent pour s'échapper et retourner auprès de Insulte pour lui faire part de leur réussite. Progressivement, Berceau perd son caractère de jardin paradisiaque, son ambiance devenant moins riante. Lovern Kindzierski est un coloriste de renom ayant très souvent travaillé avec P. Craig Russell, ainsi que pour Marvel et pour DC Comics. John Bolton est un peintre et un artiste de comics de renom ayant travaillé avec Chris Claremont pour les X-Men, Marada the She-wolf, Black Dragon, ou ayant illustré The books of Magic écrit par Neil Gaiman. Le lecteur comprend vite que les auteurs ont réalisé un conte pour adulte. Il note le jeu sur le nom des personnages : Vertu, Honte, Insulte, ce qui permet d'avoir des dialogues à double sens, selon que le lecteur considère que ces termes désignent le nom d'un personnage, ou le concept portant ce nom commun. L'histoire regorge de conventions propres aux contes : une forêt impénétrable, des créatures magiques ou mythologiques comme les nymphes et les dryades, une maison perdue au fond des bois, un être des ténèbres, une princesse, un enfant abandonné, un (presque) chevalier. Il remarque aussi que la nudité joue un rôle primordial dans le récit : la nudité comme état naturel, comme étant l'absence de dissimulation, mais aussi la nudité mise en scène par des vêtements révélateurs, comme outil de distraction et de séduction. Dès les premières pages, le lecteur est plongé dans un monde qui lui apparaît très réel grâce à la consistance des dessins au réalisme criant, jusqu'à parfois donner une impression de photoréalisme, et même de photographie retouchée. Cette impression se produit en regardant certains bâtiments, certaines vues en intérieur. Elle n'est pas très fréquente, et quand bien même l'artiste aurait utilisé une photographie comme point de départ de son dessin, il l'a travaillée à la fois sur les traits saillants à retenir, à la fois sur la mise en couleur pour parfaitement l'intégrer au reste de la page, et pour que les personnages ne ressortent pas comme s'ils avaient été plaqué sur une toile de fond. L'artiste dessine de manière descriptive, avec un bon degré de détails, détourant certaines formes d'un trait de contour fin et léger, réalisant d'autres éléments en peinture directe. Il réalise des dégradés et des camaïeux doux, très agréables à l'œil, rendant compte du relief de chaque forme, ainsi que de l'ambiance lumineuse. Le corps féminin occupe une place centrale dans le récit. Tout d'abord les corps des nymphes et des dryades nues tout étant habillées de lumière, un érotisme très doux. Puis le lecteur découvre une partie du corps potelé de Vertu, plus chaste qu'érotique. Honte s'amuse à déformer un peu le corps des nymphes et des dryades avec des hypertrophies mammaires et des tailles beaucoup trop fines, plus des monstres que des séductrices. C'est ensuite au corps de toute jeune femme de Honte d'être mis en valeurs, mais cette fois-ci par des tenues révélatrices, et plus par une nudité frontale. D'une certaine manière, le lecteur a plus souvent l'impression qu'il s'agit de naturisme sans charge érotique que d'opération de séduction sauf en ce qui concerne Hope mais elle en fait de trop pour être crédible. Le lecteur plonge donc dans un monde étrange, un monde de conte, de Fantasy, de bas moyen-âge, mais aussi un monde original semblant vibrer d'une vie apportée par des énergies à peine discernable, tout en étant omniprésentes. Il prend le temps de déguster des visuels impressionnants comme les ombres serviteurs de Insulte, la révélation de la forme complète de Insulte, les tenues extravagantes de Honte, sa consécration lorsqu'elle est enceinte, la méchante reine dans son château, l'étrange confiance en lui de Merritt, et bien d'autres. Il peut aussi bien lire l'histoire au premier degré que s'amuser du jeu métaphorique sur la vertu, l'insulte et la honte. Le récit est raconté de manière chronologique, se divisant en deux fils narratifs, l'un suivant Honte, l'autre Vertu, avec un troisième intermittent relatif au chevalier Merritt. Il s'agit donc d'un conte où une jeune femme succombe à la tentation du pouvoir et impose sa volonté aux autres par ses pouvoirs, séduite par le discours d'un conseiller souhaitant la domination. Les dessins et les situations s'adressent à des adultes, pas seulement du fait de la nudité, et le lecteur se retrouve entraîné dans cette narration visuelle riche et envoutante pour savoir comment Vertu pourra contrer sa fille et son père, si tant est qu'il s'agisse d'un conte qui finit bien. Il est impossible de ne pas penser à un second niveau de lecture tout du long, ne serait-ce que du fait du jeu de langage sur le nom des personnages, et du coup des phrases à double sens selon qu'elles s'entendent comme les concernant ou parlant vraiment de la vertu, de l'insulte, de la honte. Ce jeu se prolonge d'une mise en abîme du fait que Vertu entretient une relation de mère à fille avec Honte, que Insulte est le père de Honte, et que Vertu bénéficie d'une réincarnation qui vient complexifier ces relations familiales. Le récit entre alors dans le domaine de l'inné et de l'acquis, de ce qu'une génération transmet à une autre, du fait que les qualités puissent sauter une génération, d'une forme de conflit entre ce que veut le père et ce que veut la mère, du sacrifice d'une mère pour le bien de sa fille. Le lecteur s'amuse également de la manière dont les auteurs tordent la convention du chevalier qui vient délivrer la princesse prisonnière : il participe bien à l'amélioration de son sort, mais il ne sauve pas la situation à lui tout seul, et la demoiselle en péril n'a pas vraiment son âge, et ils ne se marient pas à la fin pour vivre heureux et avoir beaucoup d'enfants. Shame est un récit ambition d'une excellente facture, avec une narration visuelle riche et sophistiquée, tout en restant accessible, et un conte pour adulte dans lequel la nudité est un élément narratif important sans être exclusif, avec un jeu sur les conventions du conte, et sur le nom des personnages qui ne sont pas loin d'incarner des qualités et des défauts. En terminant le récit, le lecteur peut trouver que la mise en abîme reste un peu timorée par rapport au potentiel du dispositif.

04/09/2024 (modifier)