Sa Majesté des Mouches
Adapté pour la première fois en bande dessinée, le chef-d'œuvre de William Golding est ici majestueusement mis en scène par le dessin d'Aimée de Jongh.
Adaptations de romans en BD Auteurs néérlandais La BD au féminin
Une bande de garçons issus de la haute société anglaise échouent sur une île déserte à la suite du crash de leur avion. Le pilote et les adultes qui les accompagnaient sont morts. Livrés à eux-même sur une île paradisiaque, les voilà bien décidés à jouir de cette toute nouvelle liberté. Une nouvelle vie sans adulte et sans règles : des vacances. Ils se nourrissent de fruits, jouent et se baignent. Pour survivre, ils seront pourtant bien obligés de s'organiser et de reproduire les schémas sociaux inculqués. Le téméraire et gentil Ralph devient alors le chef de cette petite tribu. Mais c'est compter sans Jack qui décide de former une autre tribu, plus sauvage et violente. Chaque garçon doit choisir son camp et la guerre fait rage entre eux.
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Date de parution | 13 Septembre 2024 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Note 3,5 J'ai découvert Aimée de Jongh avec le très bon Jours de sable et la pensais bien en mesure de relever le challenge de cette adaptation graphique d'un texte culte. Assez fidèle au roman de Golding (dont elle a d'ailleurs gardé les textes tels quels, sans tous les prendre bien sûr), elle s’approprie le récit tout en jouant sur l’impact visuel, avec des dessins qui passent doucement d’une ambiance lumineuse et naïve à des tonalités sombres, rouges, pour accompagner la descente vers le chaos. Le trait est fluide, aéré, et rend la lecture facile sans pour autant simplifier le propos. Certaines planches marquent. C’est brutal sans en faire trop, laissant la violence s’installer sans la surjouer. De Jongh privilégie les non-dits, les silences, et ça fonctionne, même si je regrette un peu un côté édulcoré par rapport à l'original. Le choix de conserver certaines phrases clés du roman, tout en élaguant les passages les plus denses, donne une version allégée, qui perd un peu son essence, forcément. On retrouve les grandes questions sur la nature humaine du récit : la fragilité de l’ordre, et cette idée que, livrés à eux-mêmes, les hommes – même des enfants – peuvent sombrer. Mais l'ensemble perd quand même en tension dramatique par rapport à l'original, il faut bien le dire. C’est une adaptation fluide et efficace, qui permet de redécouvrir le texte sous un autre angle. Moins cru que le roman, mais une belle porte d’entrée dans cette histoire.
Cela faisait un moment que ce projet d’adaptation titillait Aimée de Jongh. Onze ans très exactement, mais à l’époque, l’éditeur originel lui avait opposé une fin de non-recevoir « pour des raisons de droits ». Puis, en 2021, c’est le même éditeur qui l’a sollicitée en lui donnant le feu vert. La même année, l’autrice néerlandaise pouvait se targuer d’un joli succès éditorial (Jours de sable). Alors forte d’une plus grande maturité stylistique, avec sept albums à son actif, les planètes semblaient cette fois alignées pour démarrer l’aventure. Il en résulte aujourd’hui un impressionnant pavé de plus de 300 pages, lequel nous fait littéralement entrer en immersion dans cette île paradisiaque transformée en enfer par une tribu de gosses « innocents »… Incontestablement, Aimée de Jongh a su parfaitement s’approprier ce récit très sombre de Golding. Ici, la partie narrative s’accorde parfaitement avec la partie graphique, toutes deux totalement maîtrisées, et on y retrouve la tension inhérente au récit d’origine, faisant que ces 300 pages se dévorent d’une seule traite. L’autrice est restée très fidèle au déroulé du livre ainsi qu’à la personnalité des protagonistes, tout en élaguant les dialogues les plus denses et en privilégiant l’aspect visuel. A ce titre, certains passages sont tout à fait saisissants (notamment la séquence où le jeune Simon tombe sur la tête de sanglier sanguinolente en pleine forêt), et apportent la valeur ajoutée que se devrait de charrier toute adaptation digne de ce nom en matière de bande dessinée. Le rendu est très fort et assez terrifiant par sa vision suggérant la mort ricanante, totalement dénuée d’empathie. Et si les premières pages aux couleurs avenantes peuvent évoquer une naïve aventure à la Robinson Crusoë, il ne faut pas s’y fier. Progressivement, celles-ci vont prendre des tonalités plus sombres, plus rouges pour retranscrire le cauchemar résultant de la scission en deux clans du petit peuple de gamins. D’un côté, ceux qui tentent de maintenir les valeurs du monde civilisé, de l’autre, ceux qui jubilent à l’idée de laisser libre cours à leurs pulsions primales. Jusqu’à la tragédie prévisible et pourtant impensable, glaçante, débouchant sur ce constat assez sombre : l’innocence est amorale. Avec « Sa Majesté des mouches », Aimée de Jongh prouve avec brio qu’elle fait désormais partie des autrices qui compte dans le neuvième art contemporain. Totalement en phase avec le propos très pessimiste de ce roman, elle y a trouvé de nombreux points communs avec notre monde actuel. « L’humanisme, l’empathie et la civilisation ne sont pas dans notre nature profonde », dit-elle. Et on ne peut malheureusement guère lui donner tort si l’on se base sur l’actualité internationale…
Décidément, si j'aime beaucoup le dessin d'Aymée de Jongh, j'ai plus de mal avec sa manière de raconter. Dans cette version dessinée, j'ai le sentiment que les choses sont un peu édulcorées. En fait, j'ai eu l'impression de lire une BD s'adressant à un jeune public. Ce n'est pas un problème car je lis aussi des BD jeunesse, mais je m'attendais à plus que ça. J'ai eu l'occasion de lire le roman de William Golding au lycée et j'en conservais le souvenir assez tenace d'une histoire glauque et cruelle, un récit allégorique évoquant le fascisme, et dont je n'ai retrouvé ici que des bribes sans liant. Il aurait fallu que je relise le bouquin, mais qui peut aujourd'hui se targuer d'avoir le temps de relire des livre (à part Proust bien entendu, ah ah...) ? Beau trait donc, mais un récit qui manque à mon sens de peps.
Tout en connaissant le sujet du livre, j’ignorais beaucoup de son déroulement, n’ayant ni lu le roman original ni vu l’adaptation cinématographique. Cette bande dessinée m’a donc permis de combler ce vide. Et de bien belle manière ! Ce qui marque en premier, c’est le dessin d’Aimée de Jongh. Facile d’accès, bénéficiant de grandes cases et d’un découpage très aéré, ce trait est une vraie invitation à la lecture. Le découpage cinématographique et la fluidité d’ensemble ne font qu’accentuer cette facilité apparente. A la lecture, ça semble ‘évident’, facile… et pour moi c’est la preuve même que c’est très bien fait. L’histoire ensuite, pour qui ne la connaitrait pas, nous est très bien racontée. Elle est autant prenante que source de réflexion. Ces enfants laissés à eux-mêmes qui finissent par s’entre-tuer en l’absence de règles morales, voilà un sujet extrêmement violent. Et autant on se prend d’affection pour plusieurs protagonistes, autant l’évolution du récit nous semble horriblement crédible. D’un point de vue politique, Sa Majesté des Mouches mérite d’être analysé. Ce récit prône l’ordre et le respect des règles et montre les horribles dérives auxquelles peuvent mener l’anarchie et le pouvoir de la majorité. Adapter ce récit à l’époque actuelle me semble donc assez audacieux car sa conclusion va à l’encontre de ce que prônent beaucoup de bandes dessinées actuelles (ici, la liberté de choisir et de faire ce qui nous plait mène au chaos et à la violence, alors que le respect de règles et d’un code moral auraient dû permettre la survie de l’ensemble du groupe). En résumé, j’ai trouvé là une œuvre joliment adaptée (même si on sent à l’occasion des coupures çà et là), des personnages marquants et un sujet digne d’intérêt. Une lecture qui touche et questionne à la fois. Vraiment pas mal du tout !
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