D'or et d'oreillers
Il est des vérités sur l'amour, les nuits des jeunes filles et ce qu'elles font en leur lit qu'on apprend en grandissant. Ce sont ces secrets que je m'en vais vous révéler...
Adaptations de romans en BD La BD au féminin Les coups de coeur des internautes Sorcières
Lord Handerson, un riche héritier, a conçu un test pour choisir au mieux sa future épouse. Chaque candidate est invitée à passer une nuit à Blenkinsop Castle, seule, dans une chambre au centre de laquelle se trouve un lit d'une hauteur invraisemblable. Pour l'heure, les prétendantes, toutes filles de bonne famille, ont été renvoyées chez elles au petit matin, sans aucune explication. Mais voici que Lord Handerson propose à Sadima de passer l'épreuve. Robuste et vaillante, simple femme de chambre, Sadima n'a pourtant rien d'une princesse. Et pour cause, l'histoire que va vivre cette dernière, si elle s'apparente bien à de l'amour, est loin d'être un conte de fées...
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Date de parution | 18 Septembre 2024 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Entamer la lecture de « D’or et d’oreillers » équivaut un peu à franchir le fameux miroir d’Alice. D’abord, il y a cette très jolie couverture mise en valeur par la technique d’impression à l’or (logique) du titre, un travail éditorial soigné très en phase avec le contenu empreint d’une fine poésie. Parce que cet album est une véritable gâterie d’un point de vue graphique, parvenant d’emblée à envelopper le lecteur comme le ferait un drapé de soie, et c’est bien cette sensation qui nous accompagnera sans discontinuer au fil des pages. Le travail sur le dessin est tout à fait remarquable, sur ce plan, il est rare qu’une œuvre de bande dessinée procure une telle extase. Il y a la grâce et la sensualité du trait, la diversité dans la palette de couleurs, agencées avec un goût incomparable, le tout étayé par une mise en page variée, avec nombre de pleines pages se laissant admirer avec bonheur. Mayalen Goust montre ici toute l’étendue de son talent, bien plus que n’auraient pu les faire ses précédentes productions, qui pourtant livraient déjà un bon aperçu de son potentiel artistique. « D’or et d’oreillers » est dans la parfaite lignée d’une autre parution sortie il y a trois ans, "Le Jardin – Paris" de Gaëlle Geniller, qui produisait également un effet très similaire. Pour illustrer ce récit se déroulant dans le cadre de l’Angleterre victorienne, l’autrice mêle avec brio et délicatesse un style un peu gothique à un art nouveau revisité, ce dernier étant incontestablement le mouvement artistique le plus sensuel de l’Histoire européenne. Ainsi, une telle approche est tout à fait appropriée pour narrer cette histoire d’amour (apparemment) impossible entre un jeune lord reclus dans son immense château et une « roturière », la néanmoins belle et mystérieuse Sadima. La fascination de l’objet se trouve renforcée par le choix du genre, le conte. Le récit de Flora Vesco, dont s’est inspiré Mayalen Goust, respecte les fondamentaux avec tout ce qu’il faut de noirceur nécessaire. Avec moult références aux grands classiques : « Cendrillon », « La Belle et la Bête », « La Princesse et le Petit Pois », « Alice au pays des merveilles » (avec ici un lapin qui va mal finir) … Et c’est bien la magie du conte qui permet de métaphoriser cette relation toxique et fusionnelle entre une mère diabolique et son fils pris au piège de sa folie possessive, repoussoir inébranlable pour toutes les potentielles épouses. Autour d’un axe narratif linéaire viennent s’enrouler des digressions très oniriques mais complémentaires. La seule chose que l’on pourrait regretter est que la tension liée à la folie inhérente à l’histoire, cette tension caractéristique des contes qui fait que l’on adore sentir ses cheveux se dresser sur la tête, apparaît quelque peu diluée par l’écrin graphique dans son extravagance poétique. Malgré ce très léger bémol, « D’or et d’oreillers » demeure une belle réussite, offrant à nos yeux ébahis un très bel univers pour enchanter nos âmes de ses chatoiements. On sera presque surpris de voir que l’ouvrage n’ait pas été publié dans le cadre de la collection Métamorphose, cette dernière ayant réussi à se distinguer en faisant de la féérie sa ligne éditoriale. Ce livre ressortira très certainement comme un des musts de l’année, prouvant par la même occasion, et on ne pourra que s’en réjouir, la place croissante et légitime occupée par les femmes dans la bande dessinée.
D'or et d'oreillers est une adaptation du roman du même nom de Flore Vesco, un roman qui a reçu plusieurs prix, dont celui du prix sorcières 2022. De sorcellerie, il sera question. De Flore Vesco, je ne connais qu'une autre adaptation en BD, De cape et de mots, et j'avais beaucoup apprécié ce conte pétillant et léger. Ici, ni pétillance, ni légèreté. De Mayalen Goust, je n'ai lu que Lisa et Mohamed, un album où elle n'a réalisé que la partie graphique et si j'avais aimé son travail, il est ici d'un autre calibre. Le lord Adrian Handerson cherche à se marier, trois sœurs issues de la bourgeoisie et leur servante, Sadima, se rendent au château. Mais la même épreuve attend chaque prétendante pour espérer épouser le lord. Un magnifique conte, il commence en empruntant à 'la princesse au petit pois' et à 'Cendrillon'. Mais il va vite bifurquer sur quelque chose de plus sombre, sensuel et sanguinolent. Je suis entré de plein pied, dès la première planche, dans cette histoire qui... Je vais faire mon fainéant, je vais laisser les personnages vous présenter cette BD féministe. - Une vie d'esclave à écarter les cuisses pour un mari...: - Vous verrez, demain, à neuf heures cinquante-sept précises, je vous embrasserai. Et je mettrai la langue. - Je me suis adapté à cette situation. Papa en haut et maman à la cave. - Quelques jours plus tard, la cave était vide. J'ai compris qu'elle avait réussi à se morceler. - La mariée ira mal. - Qu'est-ce qu'on enterre dans une petite fosse ? Un petit enfant... ou un petit chat ? - Si vous étiez une femme, même fortunée, vous seriez encore prisonnière et contrainte de coucher dans le lit d'un homme que vous n'avez pas choisi. - Je ne voudrais pas que vous me demandiez comment se passe mes nuits ici et ce que je fais dans mon lit. - Il faut toujours écouter sa maman. La partie graphique m'a envoûté, elle dégage une ambiance singulière, un délicieux mélange de gothique avec une pointe de volupté et un soupçon d'épouvante. Le coup de crayon de Goust est précis, expressif et tout en rondeur, les superbes aplats de couleurs apportent aussi beaucoup au plaisir visuel et la mise en page en met plein les yeux. Regardez la galerie avec ce château à la porte d'entrée en forme de cercueil, ou alors cette ouverture sur la salle à manger qui ressemble à une bouche, où des dents sont prêtes à vous croquer. Les décors sont magnifiques, Sadima a du sex-appeal et le chat est inquiétant au possible. Très, très beau ! Pour les aficionados du genre, un conte qui surprendra avec sa touche d'originalité au milieu d'un classicisme dans sa construction. À ne pas mettre dans les mains des plus jeunes. Vous ne savez pas dépiauter un lapin ? Et bien, vous saurez après cette lecture. Gros coup de cœur graphique.
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