Les Navigateurs

Note: 4/5
(4/5 pour 8 avis)

2025 : Prix René Goscinny. Après 20 ans d'exil, Neige Agopian retrouve à Paris ses trois amis d'enfance. Mais presque aussitôt, elle disparaît. Les garçons enquêtent et se confrontent aux mystérieux « Navigateurs ».


D'un monde à l'autre Delcourt Futurs immanquables Les prix lecteurs BDTheque 2024 One-shots, le best-of Paris Prix René Goscinny

Expatriée depuis 20 ans, Neige Agopian décide de rentrer à Paris et de renouer avec ses amis d'enfance, Max, Arthur et Sébastien. Mais après quelques jours, elle disparaît dans des conditions étranges. Les garçons mènent l'enquête et se confrontent à un triple mystère : une légende urbaine, une énigme artistique, et un fabuleux monde perdu sur lequel veillent, depuis toujours, les « Navigateurs ».

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 02 Octobre 2024
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Les Navigateurs © Delcourt 2024
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 8 avis)
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06/10/2024 | pol
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Par Présence
Note: 4/5
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Le don s’est transmis, le rêve s’est caché. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2024. Le scénario est de Serge Lehman, les dessins et les nuances de gris de Stéphane de Caneva. Il comprend cent-quatre-vingt-dix-huit pages de bande dessinée. L’histoire est découpée en huit chapitres comprenant entre vingt et trente pages. Il se termine avec un post-scriptum de trois pages, écrit par le scénariste, avec deux illustrations d’Odilon Redon (L’œil ballon, Le polype cyclope), et une carte des berges des anciens lits de la Seine et de la Marne, datant de 1869, dressée par Eugène Belgrand. Paris, la Butte-aux-Caille au printemps 2020, un livreur arrive dans les locaux des éditions du Saule, un bouquet de fleurs à la main. Il se présente à la secrétaire à l’accueil et elle hèle Maxime Faubert qui sort d’un bureau avec le patron Sébastien Saule. La secrétaire taquine Maxime sur le fait qu’il ait une admiratrice. Il lit la carte qui accompagne le bouquet : elle est signée M. de M. Il explique : Maya de Montmorency, une poétesse assez marrante, il l’a interviewée pour la revue, elle quatre-vingt-deux ans. Maxime raccompagne Sébastien jusqu’à sa voiture. Ce dernier lui parle à nouveau, à propos de la revue : le marketing voudrait rediscuter d’un passage au tout-numérique. Sébastien sait que Maxime est contre. Mais il perd un tiers des lecteurs chaque année et ce n’est pas en publiant des poétesses octogénaires qu’il va inverser la tendance ? Il le quitte en indiquant qu’ils en reparleront la semaine prochaine. En se dirigeant vers la station de métro la plus proche, Maxime rappelle son ami Arthur Morgue qui avait tenté de le joindre. Ce dernier l’informe que Neige est revenue. Maxime se souvient de sa rencontre avec ses deux amis, qu’il connaît depuis qu’il a onze ans. Avec ses parents et sa sœur, ils venaient de s’installer rue du Panorama, et il angoissait parce qu’il allait devoir faire sa rentrée au collège de Clamart, où il ne connaissait personne. Il aidait son père à jeter les cartons du déménagement quand il avait vu Arthur en train d’escalader une des grilles du square. Ils avaient fait connaissance, s’étaient présentés, et Arthur lui avait expliqué qu’il explorait la rue. Maxime avait remarqué que le garçon riait à chaque phrase et que son sac à dos était trois fois trop grand pour lui. La rencontre avec Sébastien avait été plus compliquée. Il portait encore le nom de sa mère à l’époque, il vivait avec elle dans une des plus belles maisons de la rue. Il avait presque un an de plus qu’eux et il s’habillait comme un adulte, ce qui les impressionnait. Maxime avait d’abord trouvé Sébastien snob. Mais un jour ce dernier leur avait montré sa collection de disques. Dans sa chambre, il avait mis le premier album de Van Halen et avait indiqué qu’Eddie est le meilleur guitariste depuis Hendrix. Maxime n’avait pas la moindre idée de qui était Jimi Hendrix, mais il avait dit oui. Ils sont instantanément devenus amis. À la rentrée, ils se sont retrouvé tous les trois dans la même classe et ils ne se sont plus quittés. Une magnifique présentation : un ouvrage épais, avec un dos toilé, une couverture superbe avec une encre dorée, tout en ombres, un papier agréable au toucher. Le lecteur anticipe le plaisir de s’immerger dans un récit long. Il trouve rapidement ses marques : une forme de roman, l’amitié entre trois garçons à partir du tout début de l’adolescence, l’irruption d’une adolescente au milieu d’eux, et forcément une histoire d’amour, ainsi qu’un incident mystérieux dont les conséquences se font encore sentir à l’âge adulte alors que Neige revient à Clamart et qu’il se produit un phénomène surnaturel. Toutes les promesses implicites dans ces éléments sont tenues. Le scénariste prend bien soin d’apporter des éléments personnels à chaque personnage, que ce soient les relations de Maxime avec son ex-épouse Alice et leur fils Eliott, les circonstances dans lesquelles Arthur est devenu handicapé et sa relation avec ses tantes jumelles, ou encore la froideur de Sébastien découlant pour partie de la distance d’avec ses parents. Dans le même temps, le dessinateur accomplit un travail remarquable pour inscrire le récit dans une réalité palpable, au travers des villes de banlieues chacune avec leur architecture, de quelques quartiers de Paris, des pavillons et de quelques belles demeures, des autoroutes urbaines, les modèles de véhicules, etc. Ainsi ancré dans la banalité d’une réalité concrète et familière, le récit devient d’autant plus mystérieux que le contraste se trouve être saisissant avec le surnaturel. Par ailleurs, les auteurs font montre d’un solide savoir-faire dans la pratique de leur métier. Le lecteur retrouve le scénariste enchanteur des séries La brigade chimérique et L’Œil de la nuit, très attaché à la France. Il sait réenchanter le quotidien de Paris et de sa banlieue. Il rend explicite la référence à l’une des sources de son inspiration : l’artiste Odilon Redon (Bertrand Redon, 1840-1916), peintre et graveur symboliste français, ayant participé à la huitième et dernière exposition des impressionnistes (1886). Il s’inspire et rend hommage en particulier à sa période de gravures et dessins : des eau-forte, trois pointes sèches, ainsi que des lithographies et des dessins. S’il a déjà eu l’occasion de voir une partie de ces œuvres, le lecteur aura lui aussi été frappé par leur singularité, mêlant onirisme, mystères et inquiétude. En auteur aguerri, Lehman imagine un disciple de Redon, Pierre-Marie Ferdinand Krebs (1854-1910), son amie Jeanne Latour, et même une école de la Bièvre. Le dessinateur s’inspire des dessins de Redon pour les monstres surnaturels. En fonction de son inclination, le lecteur peut également apprécier comment le scénariste nourrit son intrigue avec d’autres références à un pan de la culture française en mentionnant les écrivains Jean Lorrain (1855-1906), Joris-Karl Huysmans (1848-1907), Pierre Mac Orlan (1882-1970), et Jean Cocteau (1889-1963). Ainsi l’intrigue s’inscrit dans cette culture, s’en nourrit et en est indissociable, une mythologie particulière, sans relation avec la culture hégémonique de divertissement américaine. À l’unisson, la narration visuelle montre des paysages bien identifiés, à commencer par la Butte-aux-Cailles, le métro parisien avec ses stations reconnaissables, la porte de Chatillon, Clamart, etc. Les visuels inscrivent également le récit dans une zone géographique concrète, vierge de toute mythologie outre-Atlantique. L’artiste réalise des dessins en noir & blanc rehaussé de nuances de gris, dans un registre descriptif et réaliste, avec des traits de contours précis et souples. Il intègre des éléments d’informations purement visuels comme les noms sur les teeshirts de Maxime : Metallica, Radiohead, Magma, Rush (le connaisseur appréciera également l’écoute collective de la reprise de You really got me figurant sur le premier album de Van Halen sorti en 1978, et la mention du groupe Tin Machine fondé en 1987 par David Bowie et Reeves Gabrels). Ils participent ainsi à définir la personnalité de chaque protagoniste : jean et teeshirt pour Maxime, tenue plus randonnée pour Arthur, et chemise blanche impeccable avec veste pour Sébastien. Il s’agit de dessins qui montrent des endroits réels dans lesquels évoluent des individus normaux, tout en restituant leurs particularités, caractéristiques essentielles à l’intrigue qui évoquent des éléments historiques également très concrets. Ainsi, ce récit d’amitié entre trois adolescents devenus adultes dégage sa propre personnalité dans un environnement parisien et de banlieue, avec des personnages plausibles et crédibles, ayant chacun leur histoire. Ils se retrouvent confrontés à une manifestation surnaturelle singulière, une autre dimension issue de l’histoire de la région, même si elle a été enfouie sous un urbanisme dense et bétonné. Le dessinateur marque la présence du surnaturel avec des fonds de page qui passent du blanc pour les gouttières, au noir, et par la disparition des nuances de gris, les personnages évoluant alors dans un monde littéralement noir & blanc. À nouveau, les caractéristiques du dessin et les éléments fantastiques restent dans un registre franco-belge et d’inspiration locale (avec une très belle page de forte pluie dans un dessin en pleine page p.191 à la Frank Miller période Sin City). Le développement de l’intrigue implique à la fois les travaux de l’ingénieur Eugène Belgrand (1810-1878) et sa carte des berges des anciens lits de la Seine et de la Marne datant de 1869, ainsi que la brigade fluviale de Paris, un service de la préfecture de police, créé en 1900 par arrêté du préfet de police, Louis Lépine (1846-1933). Le lecteur suit essentiellement Maxime Faubert dans cette aventure, entre arrêt du développement et père divorcé, retour d’un amour de jeunesse, puis disparition lors d’une manifestation surnaturelle. Les auteurs mettent ainsi en scène trois adultes dont la vie porte la marque de leur adolescence, ainsi que la force de cette amitié adolescente qui perdure à l’âge adulte. La vie de chacun de ces trois hommes a continué, dans des directions différentes, des intérêts différents, les amenant dans une situation où les potentiels de la jeunesse se sont restreints au fur et à mesure de leurs choix de vie. Au fur et à mesure de leur enquête pour retrouver Neige Agopian, ils se heurtent à des degrés divers à certaines de ces aspirations qu’ils ont abandonnées, et aussi à un événement traumatique et banal vécu par l’un d’eux, et ressenti par les deux autres. Au travers de ces aventures, ils font face à une réalité qui leur était inaccessible, comme si les événements les contraignaient à progresser plus loin vers l’état adulte, à accepter des faits alors que le déni leur offrait une certaine forme de confort. Une très belle couverture qui promet une aventure surnaturelle avec un imaginaire original. Ces promesses sont tenues dans un récit bien ancré dans le réel de quartiers parisiens et de banlieues, avec des éléments fantastiques trouvant leur source chez l’artiste Odilon Redon. Scénariste et dessinateur donnent une consistance peu commune à cet environnement français, nourrissant une mythologie propre, et racontant une aventure à la trame classique, rendue originale par des éléments historiques spécifiques à l’Île-de-France, et par des personnages possédant leur propre histoire. Déstabilisant.

09/04/2025 (modifier)
L'avatar du posteur nisaY_keciC

Un récit captivant qui mélange habilement aventure, mystère et science-fiction. Serge Lehman tisse une intrigue intrigante autour du retour de Neige Agopian à Paris, où son passé ressurgit et entraîne ses amis dans une enquête aussi fascinante qu’inquiétante. Le concept des « Navigateurs » apporte une dimension énigmatique qui garde le lecteur en haleine jusqu’à la dernière page. Le dessin de Francesco De Caneva, en noir et blanc, colle parfaitement à l’ambiance du récit. Son style précis et détaillé renforce le mystère et apporte une intensité dramatique aux scènes les plus marquantes. Les jeux de contrastes et d’ombres subliment l’atmosphère, donnant une vraie profondeur à l’univers. Un album maîtrisé, aussi beau que passionnant, qui séduira les amateurs de récits mêlant mystère et exploration. Une belle réussite !

01/03/2025 (modifier)
Par Emka
Note: 4/5
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Le scénario a de l’ambition, avec cette manière propre à Serge Lehman de tisser une toile entre le fantastique et la réalité. J'avais particulièrement apprécié L'Homme gribouillé, et comme souvent dans ces cas, je remonte le filon. On sent le poids des références littéraires et artistiques, notamment dans cette exploration de la peinture symboliste du XIXe. Les idées sont fortes : une fresque cachée, des Navigateurs aux origines mystérieuses, et une dimension parallèle. Un scénario riche et prometteur. Le dessin, signé Stéphane de Caneva, ne m’a par contre pas convaincu plus que ça. Le noir et blanc, qui aurait pu intensifier l’atmosphère, manque de contraste à mes yeux, rendant certaines pages presque ternes. Il y a aussi quelque chose qui m'a un peu gêné dans le traitement des personnages et leurs expressions. Comme dans pas mal de comics américains, les expressions propres à chaque personnes sont assez lissées et j'en arrive à confondre les personnages comme Sébastien et Max lorsqu’il a les cheveux devenus blancs. Je chipote un peu mais quand on a un scénario de cette qualité je monte aussi la barre sur le dessin. Le récit, lui, démarre bien, avec cette plongée dans un Paris étrange. L’intrication entre réalité et fantastique fonctionne très bien, même si ce n'est pas un concept très novateur, il est tellement bien travaillé et structuré avec de belles références que l'ensemble tient vraiment bien. Il y a un vrai travail de recherche pour bâtir un scénario solide et cohérent. Peut être la même frustration que grogro quand même, je trouve que le basculement vers l’univers parallèle arrive un peu tard. On entrevoit à peine ce fameux “monde de la mer” avant que tout s’achève. J’aurais aimé qu’on s’y attarde davantage, qu’on prenne le temps d’explorer cet ailleurs. Et puis, il y a les personnages. Lehman cherche à leur donner de la profondeur, mais certains aspects m’ont paru maladroits. Les personnages sont quand même un peu caricaturaux et leurs réactions face aux événements fantastiques manquent de crédibilité. En somme, Les Navigateurs a de belles idées et un univers intrigant, mais ce n'est pas la claque que j'espérais. J'hésitais entre le 3 et le 4 mais vais quand même basculer sur le 4 pour la richesse du travail autour du scénario qui lui permet quand même de sortir du lot.

14/01/2025 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Fidèle à son sacerdoce, consistant à réintégrer la tradition littéraire « fantastique » européenne dans la pop-culture mondiale, Serge Lehman a mis en lumière une mouvance marginale dans l’art du XIXe siècle, celle de la peinture symboliste et ésotérique. Pour ce faire, il s’est centré plus particulièrement sur Odilon Redon, artiste tourmenté et décalé qui eut sa période noire, où il représentait des chimères cauchemardesques, avant de s’orienter vers des thèmes plus sobres, plus lumineux. Partant de là, Lehman, scénariste érudit à l’imagination féconde, va tisser un univers fictif et original en évoquant des courriers imaginaires du grand Jean Cocteau, des œuvres disparues, des artistes obscurs ou inventés tel ce Ferdinand Krebs, auteur supposé de la fresque dans la chambre d’une des protagonistes, Neige Agopian. Et si Serge Lehman se réfère à Cocteau, ce n’est pas totalement par hasard, puisqu’avec « Les Navigateurs », il reprend le credo de l’artiste de mêler le rêve à la réalité. Par la découverte d’une fresque dissimulée sous un vieux papier peint, va naître, comme si une porte avait été ouverte sur l’inconnu, une aventure étrange, entraînant les protagonistes vers une dimension onirique parallèle à la réalité plus familière. Particulièrement bien ficelé et d’une originalité rare, ce récit nous entraîne en région parisienne, où trois potes d’enfance vont mener leur propre enquête pour retrouver leur amie Neige revenue récemment de l’étranger, celle-ci ayant disparu corps et biens dans la maison familiale où elle venait de s’installer, de façon très mystérieuse. La psychologie des personnages, principaux comme secondaires, est très bien dessinée, et c’est le point fort de cet auteur. Il y a d’abord Max Faubert, écrivain technophobe amoureux de la poésie, rédac-chef d’une petite maison d’édition héritée par Sébastien, fils à papa stylé et faux snob très cultivé, aux opinions bien tranchées. Vivant sa vie un peu à l’écart, Arthur est le rebelle du trio, l’aventurier un brin asocial qui a fait les 400 coups depuis l’enfance, doté d’une prothèse de tibia qui lui donne de faux airs de pirate. Celui-ci, vivant toujours avec ses deux tantes, console sans modération ses douleurs diverses avec l’alcool ou l’herbe. Quant à Max, cette aventure lui permettra-t-elle d’exorciser des traumatismes très enfouis, qui s’accrochent à sa psyché comme le sparadrap qu’il porte sur sa joue ? Tout au long de ces captivantes 200 pages, les indices vont s’accumuler pour reconstituer peu à peu toutes les pièces d’un puzzle incroyable, jusqu’à ce point de bascule vers une dimension parallèle aux accents oniriques, où une étonnante poésie horrifique échappe à tous les repères temporels, une poésie magnifiée par l’excellent dessin de Caneva. Et comme le suggère le titre, « Les Navigateurs » ont à voir avec le monde de la mer, d’une portée symbolique très riche qui part des mythes ancestraux jusqu’à Freud, pour qui elle représente l’inconscient du rêveur dans son immensité, ce que Lehman va exploiter abondamment ici. Ce fameux « monde de la vieille mer » décrit dans le livre s’appuie sur les recherches hydrologiques du XIXe siècle de l’ingénieur Belgrand, qui avait découvert que le Bassin parisien était complètement submergé par les eaux à la préhistoire, que Montmartre était une île et Montreuil une ville côtière… N’était-ce pas le sujet rêvé pour l’amateur de mythes et de mystères qu’est Serge Lehman ? Ainsi, comme on le verra, cette aventure vers une réalité maritime alternative donnera à Max l’opportunité de laver son âme blessée… Stéphane de Caneva, qui en est à sa troisième collaboration avec Serge Lehman, nous livre un dessin maîtrisé qui évoquerait les comics US, mais dans un style écartant la violence souvent inhérente au genre. Il y adjoint une jolie touche poétique qui atteint son summum dans la dernière phase de l’histoire, avec une étonnante variation graphique pour signifier le basculement dans une dimension parallèle. Véritable invitation au rêve, qui plus est bénéficiant d’une édition soignée pour mettre en valeur la très belle couverture, « Les Navigateurs » s’impose comme une des meilleures aventures fantastiques de l’année, avec en filigrane une quête initiatique plus psychologique sur la façon d’échapper à des traumatismes culpabilisants. Par une documentation poussée qui sert de socle à son imaginaire foisonnant, Serge Lehman parvient à réenchanter un pays qui en a bien besoin (le nôtre !), faisant que ses citoyens n’en finissent pas d’être désabusés par l’absence de perspectives politiques. Depuis le début, Lehman s’inscrit en passeur — moderniste et non nostalgique — d’une tradition littéraire fantastique délaissée en France et en Europe, souvent au profit des productions américaines ou japonaises. Et ça, c’est extrêmement précieux.

19/12/2024 (modifier)
Par grogro
Note: 3/5
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Y a du boulot dans Les Navigateurs, certes, et j'étais plein de bonne volonté. Pourtant, j'avoue n'avoir été guère passionné par cette histoire, même si le premier quart de la BD reste assez intrigant. Ca partait plutôt bien. Au passage, comme le conseille Gruizzli, le mieux reste de se lancer dans cette lecture avec le moins d’information possible, ce qui fut mon cas. D’abord, je suis peu sensible au dessin, que j’ai trouvé un peu trop rigide. En outre, il est à mon goût trop « comics oriented ». Le choix du noir et blanc ne me dérange absolument pas, mais dans le cas présent, les contrastes ne sont pas assez prononcés, ce qui donne à l’ensemble un côté terne. On a l’impression que l’imprimeur arrivait à la fin de ses cartouches d’encre, presque… Le scénario me plairait assez, fondé sur une intrication du réel et du surnaturel. C’est un principe certes éculé mais qui fonctionne. Dans le cas présent, la partie proprement fantastique est trop courte. Nos héros déboulent dans cet univers parallèle et bim ! C’est la fin. Personnellement, j’aurais aimé me perdre un peu plus dans « le monde de la mer » auquel le titre de cette BD fait référence. Un petit tour de zodiac et nos Navigateurs s’en vont déjà. A ce titre, j’avais adoré Satanie de Vehlmann et Kerascoët dont la majeure partie du récit prenait place dans le monde alternatif. Bon, je n’en demandais ici pas tant, mais ça reste un peu court. Mais ce qui a le plus plombé ma lecture, au point de carrément m’agacer, ce sont les personnages eux-mêmes, ainsi que dans une certaine mesure les dialogues qui sont inévitablement les symptômes de psychologies mal dégrossies. Je m’explique : j’ai trouvé certaines réactions des protagonistes un peu immatures et irréfléchies. Déjà, Arthur, baroudeur, fumeur de joints invétéré (c’est même un peu lourdingue d’ailleurs et ne sert pas le scénario), habite chez ses tantes !!!! Le gars, à 35-40 balais (grosso modo), habite encore avec ses tantines ? Alors que par ailleurs, il ne tremble pas d’un sourcil quand il fait face à d’effrayantes créatures surgies d’un univers parallèle ? Et quand il est trop bourré, son pote Max le ramène chez elles… Déjà ça, je n’y crois pas une seconde. Enfin bref ! Je ne vais pas détailler tout ce qui m’a un peu gonflé. Ce serait inutile et fastidieux. Mais Je voulais juste donner un exemple de ce qui a gâché mon plaisir, voire mon intérêt car c’est le point essentiel. Oui, Les Navigateurs, c’est pas mal, mais juste pas mal alors que ça aurait pu être quelque chose de plus abouti et soigné, tant au niveau du scénar que de la colorisation.

14/12/2024 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5
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Voila un album intéressant et carrément prenant ! Je pense que la meilleure façon de vous donner envie si ce n'est pas fait, c'est de dire qu'il ne faut faire qu'une chose : se renseigner le moins possible (ne lisez pas le résumé, c'est pas nécessaire) et se laisser porter par le récit. Ne vous attendez à rien et faite vous plaisir avec le récit, c'est le mieux qu'on puisse vous proposer ! Maintenant si vous êtes intéressé par un avis, je dois dire que c'est assez proche de mon ressenti sur L'Homme gribouillé du même auteur. C'est une histoire fantastique mêlée d'autres considérations plus personnelles sur les personnages. L'ensemble se tient parfaitement d'une main de maitre : la plongée est progressive, mais toujours tenace, jusqu'à une fin que personnellement j'ai adorée et qui ouvre un final que je considérais jusque là comme ordinaire. Cette dernière page est brillante et donnerait carrément envie d'une suite, je dois bien dire ! La mise en image est parfaite, on se sent dans Paris mais pas dans le Paris centre, Paris carte postale. C'est le bassin parisien, les petites maisons typiques de la banlieue un peu éloignée mais aussi une partie de son histoire et pas forcément la plus connue. Le fantastique vient se greffer comme un bonus pour parler de différentes choses dans nos vies. On sent que ce sont trois personnages avec leurs problèmes dans la vie et qui vivent une petite aventure qui les sort d'un quotidien mortifère. D'ailleurs les non-dits sont nombreux à la fin de ce récit sur plusieurs aspects et j'aime beaucoup : les personnages n'évoluent pas dans le récit, ils se dévoilent. Et c'est tout aussi intéressant. Un récit porté par un dessin sublime, une histoire mystérieuse qui se dévoile petit à petit avec ce qu'il faut de questions et de touche de fantastique pour être prenante. Un final à la hauteur du reste, le tout avec un récit qui sort de l'ordinaire ... Honnêtement, je ne vois pas ce que je pourrais ajouter. Lecture recommandée !

09/10/2024 (modifier)
Par Jetjet
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
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Il semblerait que l'ami Alix aime les accroches d'introduction aussi en voilà une : sans une p@@@in de conjonctivite, j'aurais dévoré ce récit d'une seule traîte tellement je l'ai trouvé fascinant ! En effet, se pénaliser l'oeil droit par une pommade antibiotique n'aide pas à une lecture sereine. Pourtant un seul suffit à admirer les dessins de Stéphane De Caneva et à savourer l'histoire prenante concoctée une fois de plus par le génial Serge Lehman. Leur travail commun sur le fascinant Metropolis (Delcourt) était amplement suffisant pour me précipiter dans ma librairie favorite sur ce livre. Et quel joli objet entre les mains ! Dos toilé, couverture dorée rappelant les éditions Hetzel pour Jules Verne et titre mystérieux, tout est réuni pour une évasion totale et dépaysante : contrat largement respecté ! Ce ne sera pas une surprise mais la seule facilité est de reprendre un peu les ficelles de L'Homme gribouillé en entremêlant un quotidien ordinaire avec un soupçon de....... rêverie (afin d'éviter tout spoil et de rester cohérent). La présentation de cette bande de copains d'enfance aux destinées différentes dans un passé qui me parle (je dois avoir peu ou prou le même âge que les protagonistes et partage leurs goûts musicaux) sur une trentaine de pages est tout simplement accrocheuse. L'arrivée de Neige au sein de cette bande apporte le charme nécessaire. C'est à l'aube de leur quarantaine lorsque cette dernière disparait brutalement que l'histoire principale prend son envol définitif avec l'enquête liée qui donne une lecture différente de la ville de Paris, un soupçon d'investigations dignes de Lovecraft et un maître mot : l'amitié et la rupture d'une vie rangée. Comme déjà écrit plus bas par Pol, l'intensité ne retombe jamais, les rebondissements fusent et la mécanique tourne du tonnerre. De Canépa ose même dans les dernières pages un style graphique en noir et blanc encore plus intense qui m'a même fait décrocher la machoire. Ok j'ai eu mal aux yeux mais ça valait largement le détour, voici à coup sûr un des meilleures lectures de cette rentrée 2024. Il y a encore probablement plein de bons livres à venir mais il y aura pour moi un avant et un après "Navigateurs". Et ce n'est pas une fichue conjonctivite qui m'en aura gâché le plaisir. Au contraire, elle m'aura permis de lire ceci en deux soirées et donc d'en ressentir 2X plus de délectation.

06/10/2024 (modifier)
Par pol
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur pol

Tout commence par un bel objet, bien épais (208 pages), au dos toilé de qualité et une couverture intrigante, promesse d'une histoire sombre et mystérieuse. A l'intérieur on n'est pas déçu, loin de là. D'abord par le dessin, le trait est maitrisé, moderne et élégant. Le noir est blanc est très à propos et sublime parfaitement l'ambiance du récit. Et justement le récit... waow. Tout commence par une histoire contemporaine, celle de 3 amis d'enfance. On fait connaissance avec les protagonistes et très vite on va plonger avec eux dans leurs souvenirs d'adolescents. Cette entrée en matière est réussie, sans pouvoir l'expliquer, on a immédiatement envie de savoir quelle va être l'histoire qu'ils vont vivre. Une amie d'enfance retrouvée, puis mystérieusement disparue, il n'en faut pas plus pour être happé par l'intrigue. Ca pourrait être une enquête sur une disparition réelle, sauf que celle ci prend très vite une dimension fantastique. Mais le tour de force, c'est qu'on y croit bien volontiers. C'est pas abracadabrant, c'est très intelligemment amené. C'est mystérieux juste ce qu'il faut. Les 3 héros vont tout mettre en oeuvre pour retrouver leur vieille copine. Ils vont découvrir des choses de plus en plus étranges : des fresques bizarres, un peintre oublié, des lieux bien curieux, des gens qui essayent de leur mettre des batôns dans les roues, et plus encore. La sauce prend merveilleusement bien, la part fantastique de l'histoire augmente au fil des pages mais on y croit toujours autant. Cette histoire est très bien racontée, elle est interessante dès le début, le rythme et l'intérêt ne baisse jamais. Les péripéties et les rebondissements ne manquent pas. Le développement est simple et clair, pas de complexité inutile, c'est prenant et la conclusion est totalement satisfaisante. Une BD Comme j'aimerais en lire plus souvent.

06/10/2024 (modifier)