10 Octobre
"La mort est mon amie... elle chemine avec moi !" Une plongée glaçante dans un monde d'où toute peur est bannie, et où la mort est programmée à l'avance...
Anticipation Auteurs italiens Les coups de coeur des internautes Les petits éditeurs indépendants
Dans un monde où il n’y a plus d’inégalités, de pauvreté et de maladie, il n’y a qu’une seule loi : la réglementation de la mort. On naît en tant que produit de laboratoire, avec une date de péremption imprimée dans l’ADN. Il y a six âges limites possibles, et personne ne connaît la sienne. Richie sait qu’il pourrait mourir le 10 octobre, jour de son onzième anniversaire. Mais un jour, il rencontre un mystérieux groupe de personnes qui a un plan pour faire sauter le système de planification de la mort, au nom de quelque chose que tout le monde a oublié : la liberté…
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Date de parution | 10 Octobre 2023 |
Statut histoire | Série terminée 2 tomes parus |
Les avis
Mais comment cette série a-t-elle pu passer aussi inaperçue ? Il est plus que temps de la sortir de l'ombre ! Sur conseil d'un ami et à l'occasion de la sortie du deuxième tome du diptyque, je me suis plongé dans cette lecture, et bien m'en a pris. J'ai ainsi découvert une œuvre forte, au concept ultrapuissant, et au thème très profond. Je ne m'attaquerai qu'à une chose : la traduction. N'étant pas en mesure de lire la version originale italienne, je ne peux pas juger de la qualité d'écriture des dialogues, mais dans la version française, ils manquent souvent de fluidité, et je pense vraiment que c'est dû à une traduction parfois approximative. Enfin, c'est peut-être juste moi, mais je serais curieux d'avoir l'avis d'un autre lecteur sur le sujet. En tous cas, je trouve ça vraiment dommage... mais pas irrémédiable ! En effet, ça ne m'a pas empêché d'entrer à fond dans l'univers proposé par Paola Barbato et Mattia Surroz. Comme dans un épisode de Black Mirror, ils nous plongent dans un monde qui a toutes les apparences du nôtre, à une exception près : ici, la mort de tous est programmée dès avant la naissance. Chacun a dans son ADN la date précise de sa fin de vie, mais tout le monde ignore cette date. On sait juste qu'il y a 6 échéances possibles (l'incertitude de la dernière échéance étant garantie par le fait que certains ont le droit de vivre au-delà), à l'approche desquelles on prépare ses funérailles comme une fête d'anniversaire, au cas où, en espérant que nos proches n'auront pas à les célébrer... Grâce à une habile propagande visant à normaliser la mort et à la quasi-certitude de ne pas mourir en dehors de ces 6 échéances, la société vit beaucoup plus heureuse. La délinquance et la criminalité ont été éradiquées, et tous les risques sont bannis de notre quotidien. Bref, tout ressemble à notre monde, dans une version plus ou moins idéale. Sauf qu'on sent vite que quelque chose ne tourne pas rond... Les auteurs ont un talent phénoménal pour nous faire découvrir peu à peu les différences avec notre monde au gré de la lecture (dans le premier tome, un objet que tout le monde porte, par exemple, mais qu'on ne remarque même pas dans les premières pages du récit...) et qui sont lourdes de sens. Sans que jamais la bande dessinée ne prenne un tour excessivement philosophique, larmoyant ou trop démonstratif, les auteurs réussissent à créer une réflexion très forte sur l'étouffement causé par une société sans risques, sans peur, sans violence et sans mort imprévue. On comprend vite qu'une telle société ne signifie pas le bonheur assuré, et le récit sait pousser son concept dans ses retranchements pour en tirer une vraie vision d'anticipation. Car c'est bien ce dont il s'agit : on est ici dans ce sous-genre bien connu de la science-fiction, l'anticipation, et les auteurs maîtrisent à merveille les codes du genre. Le portrait d'une société qui nous paraît absurde et qui, pourtant, n'est que l'exagération de certains traits caractéristiques de la nôtre, est joliment mis en place, toujours de manière pertinente. A travers le portrait d'une bande de parias qui veulent réintroduire dans leur monde l'incertitude du hasard, 10 octobre nous interroge directement sur notre propre rapport aux lois, aux risques et à la mort. C'est parfois un peu conventionnel, mais ça n'est jamais raté, et c'est d'une efficacité redoutable. Il faut dire que la grande réussite de cette bande dessinée, ce sont ses personnages. Avec un dessin qui évoque (de manière volontaire, précisée en postface) des acteurs de renom tels que Kathy Bates, Toni Collette ou Robin Williams, on s'attache immédiatement à chacun des membres de la bande. Bien évidemment, comme tous ces personnages approchent d'une échéance, on se doute que certains d'entre eux ne vont pas la passer, mais on a évidemment envie qu'aucun d'entre eux ne meure à la date de son échéance. Ce suspense nous tient en haleine tout au long d'un second tome brillantissime ! De fait, si le premier tome pose magnifiquement le concept et les personnages, le second tome prend la forme d'une véritable course contre la montre, qui évoque cette fois totalement la série Severance, avec ces personnages luttant contre un système qui les écrase, prenant la forme d'une grande entreprise aux couloirs aseptisés. Une fois le décompte lancé, on ne peut plus détacher ses yeux des pages qui tournent et des péripéties qui défilent, en espérant que tel ou tel personnage ne mourra pas la page d'après. Au-delà de ce suspense d'une efficacité dont j'ai rarement vu l'équivalent en bande dessinée, le récit a une portée émotionnelle très forte. Les auteurs savent ménager des instants suspendus (même si la tension ne redescend pas vraiment) où on s'intéresse au passé d'un personnage sans ralentir pour autant la narration, et où on développe son background de manière aussi discrète que subtile. Enfin, le suspense et l'émotion n'empêchent jamais le propos de continuer à développer une réflexion qui préfère la suggestion à de grandes affirmations sentencieuses qui auraient alourdi inutilement le récit. Et quelle profondeur dans cette savante dissection des rapports humains et de ce qui motive nos actes en profondeur ! Bref, je n'étais vraiment pas loin des 5 étoiles, malgré les petites difficultés de lecture que j'attribue à la traduction. Mon seul regret, c'est une conclusion, certes très réussie, mais qui arrive de manière un peu abrupte. Peut-être 4 ou 5 pages de plus auraient-elles permis de conclure de manière plus exhaustive le récit. Cela dit, on n'a pas l'impression d'une fin bâclée lorsqu'on arrive à cette dernière vignette, terriblement frustrante. Mais c'est précisément parce qu'elle est frustrante qu'elle est aussi géniale. Oui, j'aurais aimé avoir une fin plus explicite. Non, il ne fallait surtout pas rendre la fin plus explicite. C'est exactement celle qu'il fallait. C'est au pouvoir d'imagination du lecteur de prendre le relais. Et c'est peut-être bien là tout le rôle de l'Art, n'est-ce pas ?
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