Les Météores

Angoulême 2025 - Prix spécial du jury Dans ce récit choral sensible et poignant, J.-C. Deveney et Tommy Redolfi nous plongent dans un paysage de fin du monde où la pesanteur de la neige assourdi les cris... Un récit absolument remarquable !
Angoulême 2025 : les gagnants ! Angoulême : récapitulatif des séries primées Format à l’italienne
Une météorite se dirige vers la Terre. Pourtant, pas question de héros qui sauvent l'humanité. Plutôt de vies de travers entremêlées. Floyd traverse la vie avec son grand et gros corps, ses habitudes et ses "blancs". Et puis, il y a Gary, Casey, Charlie ou Hollie, entraînés dans son sillage... Autant de personnages qui révèlent leurs forces et leurs vulnérabilités face à l'imminence de la fin.
Scénario | |
Dessin | |
Couleurs | |
Editeur
|
|
Genre
/
Public
/
Type
|
|
Date de parution | 16 Octobre 2024 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis


On essaie tous de faire de notre mieux. C’est le plus important, non ? - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son format est à l’italienne, avec des dimensions de demi-format d’une bande dessinée franco-belge traditionnelle. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par J.C. Deveney pour le scénario, et par Tommy Redolfi pour les dessins et les couleurs. Il comprend trois-cent-dix pages de bande dessinée. Elijah et Leblond, deux amis adolescents skaters, se tiennent sur un pont au-dessus d’une autoroute de deux fois quatre voies, regardant les véhicules passer en contrebas. Le premier raconte à son pote que quand il était petit, son père l’emmenait ici pour regarder les bagnoles, c’était leur sortie du samedi… Enfin jusqu’à ce qu’il se barre. Cela fait réfléchir Leblond qui pensait que son beau-père était pénible. Elijah continue : c’est clair qu’il rouillait sévère, regarder filer des voitures pendant une heure, y avait plus excitant. Il pense que son père ne faisait pas ça parce qu’il pensait déjà à se tailler, même sans ça il les aurait quittés. En vrai, il pense que son père espérait qu’il se passe un truc. Un accident, un crash, quelque chose qui changerait de l’ordinaire. En plus, il suffit de pas grand-chose pour que ça arrive ! Un caillou, un bout de métal… N’importe quoi qui tombe du pont. On imagine : le pare-brise qui explose, la bagnole qui vrille et qui va en fracasser d’autres ! Le pur feu d’artifice ! En même temps un accident, ça dure jamais. Ils continuent à discuter, se disant que le vrai frisson serait de traverser avec leur planche. Leblond finit sa bouteille, la jette par-dessus le grillage, et ils partent sur leur planche. Dans l’espace, un météore poursuit sa trajectoire, dans le vide. Hollie, aide-soignante, attend le bus dans le froid et la neige. Elle voit arriver un homme fort et de grande stature. Il s’assoit à côté d’elle dans l’abribus, en laissant une place vide entre eux. Floyd prend la parole : il s’excuse, car il ne la reconnaît pas, c’est parce qu’il a des blancs des fois. Il continue : il croise des gens, il discute et puis, pffuiit, ça s’en va. Elle le rassure : ils ne se sont jamais croisés. Il reprend la parole : Gary dit que ce n’est pas la peine qu’il raconte tout ça à tout le monde. Mais Floyd trouve que c’est mieux de dire ce qui est vrai. Elle acquiesce, surtout qu’il n’y a pas de honte à avoir, les blancs, c’est des choses qui arrivent. Il se présente et donne son nom, elle donne le sien. Il lui demande si c’est la première fois qu’elle attend le 34 de 05h46. Elle indique que oui, d’habitude elle prend sa voiture, mais elle est tombée en panne hier. Floyd se lève et dit qu’il aime bien quand la neige tombe, parce on ne sait pas si c’est elle qui descend ou si c’est soi qui monte. Hollie se souvient de son fils Elijah enfant faisant une boule de neige. Le bus arrive, la radio diffuse une chanson de Rufus Wainwright, Going to a town. Cette même chanson est diffusée par le poste dans la chambre de Casey, une jeune femme. Elle se lève et appelle son chien Chuck. Elle sort sous la neige et continue de l’appeler. Elle découvre quatre chiens sauvages qui se mettent à aboyer contre elle. Elle rentre se mettre à l’abri. Un titre déconcertant : il annonce des météores, et en effet dans les pages huit à dix, le lecteur peut avoir un premier aperçu de l’approche d’un météore dont il ne fait nul doute qu’il fonce sur la Terre. Dans le même temps, le titre évoque des individus qui ne font que passer, et cela ne semble pas s’appliquer au météore, mais à des êtres humains, peut-être ceux qui passent par la ville. Cette dernière n’est jamais nommée, et le lecteur en vient à supposer qu’il s’agit d’une ville de faible importance en nombre d’habitants. Elle compte toutefois un magasin de meubles à monter soi-même dénommé Aeki, enseigne que le lecteur identifie facilement en lisant ce nom de droite à gauche. Il commence par faire connaissance avec les deux skaters… qui ne sont pas nommés. Il faudra attendre la page cinquante pour les revoir avec deux autres potes, et commencer à relever un nom, mais pas tous. Ils zonent avec deux adolescentes. Bref, le lecteur finit par identifier Dawn (brune à lunettes), Elijah (afro-américain), Leblond (fumeur) et Jess (jeune fille pas compliquée). Mollie et Floyd se présentent l’un à l’autre, avec un physique plus facilement mémorisable. De la même manière, il faut un peu de temps pour mettre un nom sur le visage de l’employée d’Aeki : Casey. Encore plus de pages avant de croiser le prénom de son collègue revêche : Sammy. Charlie est appelée par son nom dès sa première apparition. À contrario, le lecteur voit Floyd parler de Gary, bien avant qu’il ne fasse son apparition, et c’est le seul personnage à être doté d’un nom de famille, Hansom. Quelques seconds rôles peu nombreux dont le couple formé par Linda et Don (professeur), sans oublier la jeune manager chez Aeki. Le lecteur se retrouve un peu déconcerté par cette absence de nom de famille, car les dessins peuvent parfois lui sembler sommaires, laissant planer un doute sur l’identité de tel ou tel personnage à deux ou trois reprises. En outre, les dialogues s’avèrent brefs et concis, sans aucune bulle de pensée, ou cartouche de texte avec une voix intérieure. La couverture peut donner une impression d’image dense en informations visuelles, et complexe en composition, en particulier dans l’usage des couleurs. Il en va de même avec la première planche. La perception du lecteur se modifie un peu par la suite, devenant sensible à une approche plus épurée, dans les formes, dans le choix des détails signifiants. Les dessins ne donnent pas l’impression d’être plus simples, ou simplistes, plutôt plus focalisés sur un point d’attention central. Tout se joue dans les impressions du lecteur. L’impression d’un récit taiseux : l’ouvrage compte quatre-vingt-dix pages silencieuses, dépourvues de tout mot, une forme de minimalisme, et en même temps une confiance dans le fait que les images se suffisent à elles-mêmes pour raconter. Une dizaine de personnages avec un rôle significatif, à la fois une belle distribution, à la fois l’impression de rester dans un cercle assez fermé. Des images parfois très dépouillées : dans le même temps, elles font sens, et les auteurs mettent à profit la forte pagination de leur ouvrage pour prendre le temps de raconter certains moments et de focaliser leur regard sur un geste, une attitude ou accessoire. Une fois passée la première apparition du météore, en noir & blanc pour un contraste maximal, le récit revient à des situations banales du quotidien : attendre le bus au petit matin, se souvenir de la première boule de neige de son fils, s’enquérir de son chien, aider un homme âgé ayant perdu en autonomie, regarder un oiseau voler, subir les récriminations d’un collègue contre la direction dans le vestiaire, zoner avec des potes avec la flemme de faire du skate, échanger des banalités au comptoir dans un café, ressentir pleinement la banalité de la solitude, etc. La narration visuelle s’avère respectueuse et attentive. La mise en couleur joue sur quelques teintes, souvent sombres sans être vraiment ternes. Le lecteur ressent de la sympathie pour ces individus normaux, vivant leur quotidien avec un mélange de courage et de résignation, une ténacité tout ce qu’il y a de plus mécanique, qui pourtant génère un sentiment de respect et d’empathie chez le lecteur, car il reconnaît bien cette saveur du quotidien qui n’apporte que la même chose, sans plus de réel goût, tout en étant réconfortant par sa prédictibilité. Dans le contexte de cette vie normale et sans éclat, les événements sortant de l’ordinaire apparaissent pour ce qu’ils sont : la conséquence inéluctable de tous les événements précédents, dont il n’y a donc pas raison de s’étonner, un engourdissement gagnant chaque individu ayant intégré inconsciemment que c’est l’ordre immuable des choses. Du coup, un licenciement, un incendie volontaire, des informations alarmantes sur la progression du météore s’avèrent dénués d’effet sur l’instant présent, sur la suite, une progression inéluctable qui pourrait presqu’être prédite, un enchaînement de causalités préétabli. À l’évidence, l’état mental de Floyd n’ira pas en s’améliorant, et Gary ne pourra pas toujours s’occuper de lui. Le mode de management d’Aeki apparaît pour ce qu’il est : des techniques pour flatter les employés, les motiver par un esprit d’équipe artificiel dans la mesure où il ne repose que sur eux, sans aucune implication des actionnaires sans visage. Le lecteur repense à la citation de Raymond Carver en exergue : Plus de destin. Juste un enchaînement de petits faits qui n’ont d’autre sens que celui qu’on veut bien leur donner. Une vie machinale, sans objet. La vie de tout le monde. Un autre personnage résume la dynamique de la vie : On essaie tous de faire de notre mieux, c’est le plus important, non ? Pourtant, le comportement des personnages ne relève pas de la neurasthénie. Une forme de fluide passe dans ces vies, de principe vital, que le lecteur n’arrive pas tout à fait à identifier. Il revient au titre et à ce météore qui approche : finalement cette menace sur la survie de la Terre et de l’espèce humaine ne change pas grand-chose au quotidien, voire dans un moment atroce un personnage prend conscience que l’entreprise Aeki a pris ses dispositions pour fourguer le maximum de camelote avant que son établissement situé dans la zone d’impact ne soit détruit. Le lecteur repense également à Elijah parlant de son père : en fait il pense que son père espérait qu’il se passe un truc. Les personnages du récit ont dépassé ce stade : ils n’attendent plus rien, ils sont persuadés que leur vie va lentement se dégrader, grignotée par l’entropie. Ils ne s’y sont pas résignés : ils ont accepté cet état de fait, et s’y sont adaptés, vivent en cohérence avec cette vision de l’existence. Page quatre-vingt-douze, Hollie arrive chez Maggie pour lui prodiguer des soins, effectuer une prise de sang. La vieille dame lui dit qu’elle aime les livres qui ne se contentent pas de raconter une histoire avec un début et une fin. Ceux qui ressemblent à la vie. Ou qui essaient en tout cas. Dans la vie, il n’y a pas de personnages principaux et de personnages secondaires. On a tous notre rôle à jouer. Tous notre importance. Le lecteur comprend que les auteurs effectuent une déclaration d’intention sur leur propre ouvrage et même une profession de foi personnelle. Il repense alors au sous-titre Ceux qui ne font que passer. Bien sûr cela désigne les individus qui risquent de périr lors de l’impact de la météorite. En prenant un peu de recul, cela désigne également tous les individus croisés par Floyd, car la mémoire de celui-ci n’est pas fiable, et il oublie les gens qu’il croise. Le lecteur peut se dire qu’il en va de même pour lui : de nombreuses connaissances, ou collègues, ou anonymes dans les transports en commun ou dans les voitures du flux de circulation, autant de personnes qui ne font que passer dans sa vie. À la lumière de ce point de vue, il prend conscience de ce qui fait le cœur du récit : ce n’est pas l’intrigue secondaire de la météorite qui n’occupe que très peu de pages. Les météores sont également les personnes que l’on croise, qui passent dans notre vie. Ceux qui ne font que passer sont l’essence même de la vie de chaque individu. Étrange titre, accouplé à un sous-titre énigmatique, une couverture qui dit très peu du contenu. Narration semblant parfois minimaliste que ce soit par les silences des personnages ou par des cases épurées. Pour autant, point de déprime ou de misérabilisme, de solitude rongeant l’âme. Le récit se déroule très tranquillement, même si des événements surviennent. Le lecteur sent qu’il reste immergé grâce à un sentiment diffus qu’il éprouve pour les personnages… jusqu’à ce qu’il prenne conscience des différents niveaux de sens de l’expression : Ceux qui ne font que passer. Émouvant.


Ça fait une semaine déjà que j'ai terminé ma lecture sans parvenir à me décider à rédiger un avis. Je ne savais pas vraiment quoi en penser. Je voulais prendre un peu de temps, voir comment les choses infusaient. Des fois c'est vrai, une œuvre se révèle longtemps après... Or, ça partait pourtant bien. J'aimais le dessin, l'ambiance, le pitch... Beaucoup de scènes de nuit et de neige. Tout est très bien rendu. On y est. Le point de vue aussi me paraissait contenir un gros potentiel pour aborder cette histoire d'apocalypse annoncé. Et puis mon libraire était dithyrambique... Effectivement, pendant la bonne grosse moitié du récit, j'étais bien dedans. Avec son rythme lent et les destins aux marges de ses protagonistes, Les Météores s'annonçait comme un titre tout à fait susceptible de figurer dans ma liste perso des grandes BD de l'année. Et puis je ne sais pas vraiment pourquoi, mon intérêt s'est peu à peu étiolé à l'approche de la fin. Une fois le livre refermé, je ne savais plus du tout où voulait en venir l'auteur alors même que cette question ne me semblait pas du tout importante pendant ma lecture. Mais je dois bien avouer que j'ai le sentiment que l'auteur n'a pas su quoi faire de cette (ces) histoire(s). Vous me ferez remarquer (et vous aurez raison) que si une météorite devait effectivement percuter la Terre et annihiler toute vie, aucune fin digne de ce nom ne saurait conclure cette affaire de manière satisfaisante. Pouf ! Voilà, c'est fini, terminé, fin de l'histoire, fin de l'Histoire, fin des temps... Tu pouvais bien être en train de pendre ton linge ou de te brosser les dents, qu'est-ce que ça aurait changé ? Seulement voilà : je n'ai pas été réduit en miette avec tous mes semblables. Aussi, quand j'ai refermé mon livre, le sentiment de vacuité qui avait pointé son nez depuis disons le dernier tiers n'a pas été comblé de quelconque manière, ni par une fin à la hauteur (qui aurait apporté un peu de relief à la platitude globale), ni par un cogito philosophique qui aurait été induit par ce déroulé pourtant prometteur. En un mot, je crois qu'on peut dire qu'il s'agit là d'une bonne petite déception...


C'est après ma lecture que je découvre que cet album fait parti de la sélection du prochain festival d'Angoulême. Et je valide ! Voilà une BD originale au charme certain et aux formidables ambiances. Une météorite fonce bille en tête vers la Terre, mais loin des scénario catastrophe des blockbusters US, c'est sur le quotidien d'une poignée de personnages liés par leur proximité de vie (une ville dont on ne sait pas grand chose ni où elle se situe) que va focaliser notre duo d'auteurs. Bienvenue dans la "vraie vie" ! Que ce soient les problèmes d'ados, la pénibilité au travail en tant qu'aide soignante auprès de petits vieux plus ou moins aigris et désobligeants, le train-train managérial d'une bande d'employés dans une grande enseigne genre Ikea ou la vie singulière d'un simple d'esprit, on se retrouve bien loin des impératifs qu'une catastrophe annoncée aurait pu mettre sur le devant de la scène. Pour autant, ces tranches de vies qui s’interpénètrent nous accrochent ; on rentre dans ces vies chaotiques un peu par effraction, et on s'y complet, on est bien avec cette brochette de bras-cassés. L'ambiance sombre et hivernale qui se rajoute à la catastrophe annoncée contraste singulièrement avec la bienveillance qui se dégage de ces destins croisés. Le dessin de Tommy Redolfi est pour ça d'une redoutable efficacité, à l'aune de ses découpages parfois très aérés qui viennent casser le rythme d'un gaufrier 6x6 de ce format à l'italienne ; ça apporte une petite touche de poésie et de mélancolie qui conforte à merveille l'ambiance générale qui se dégage de cet album. Une très belle découverte, qui conforte le talent de Tommy Redolfi que j'avais découvert d'ailleurs à Angoulême avec l'album Holy Wood - Portrait fantasmé de Marilyn Monroe.


Un récit chorale dans une ambiance enneigée de fin du monde. En effet une météorite se dirige vers la Terre, vraisemblablement sans qu’il soit possible de faire quelque chose. C’est dans ce contexte qu’on suit un groupe de personnages, plus ou moins liés les uns aux autres. Pas vraiment de héros à cette histoire, mais un ensemble de portraits rythmé par le quotidien, les problèmes et les doutes des uns, l’insouciance des autres. Il y a pleins de petites histoires dans l’histoire, on passe d’un personnage à l’autre. Tout ça fonctionne vraiment très bien, les personnages sont attachants pour la plupart. C’est intéressant comme leurs petits soucis du quotidien prend le pas sur la catastrophe potentielle qui les guettent. La construction du récit rend chaque petite histoire intéressante, et c’est souvent agréable et bien vu lorsque les personnages se croisent ou que leurs histoires se recoupent. Il n’y a pas grand chose de gai dans ce récit, pourtant il véhicule quelque chose de positif. Il sublime le quotidien. Il y a des petites touches qui donnent le sourire. J’aime beaucoup le magasin de meuble par exemple qui a un nom rigolo et qui sera le lieu de pas mal de scènes. Malgré une colorisation un peu sombre, le dessin est plaisant et colle parfaitement à l’ambiance de ce récit. J’ai trouvé ça simple, beau, mais pas poignant. Une belle lecture en tout cas, que je relirai avec plaisir dans quelques temps.
Site réalisé avec CodeIgniter, jQuery, Bootstrap, fancyBox, Open Iconic, typeahead.js, Google Charts, Google Maps, echo
Copyright © 2001 - 2025 BDTheque | Contact | Les cookies sur le site | Les stats du site