Submersion

Note: 3/5
(3/5 pour 2 avis)

Quand la mer monte… Les frères Calloway unis dans la haine.


Les petits éditeurs indépendants

Wyatt était le plus prometteur de la fratrie Calloway. Il avait une femme, un gamin, un diplôme. Pas comme ses frères, Travis et Badger, qui se tuent à la tâche dans l’usine de tri des algues invasives de Shebkirk, un coin perdu de l’Écosse menacé par des mégamarées cataclysmiques. Wyatt n’aurait pas dû mourir. C’est injuste, inacceptable. Incompréhensible, surtout. La route était toute droite, il n’y avait personne. Mais il pleuvait et Wyatt avait bu une bière. Ç’avait suffi à la police pour conclure à une perte de contrôle. Mais pas à Travis. Quelque chose cloche, il en a le pressentiment, mais rien pour le prouver. Jusqu’au soir où il surprend une conversation entre des gars du coin. Il est question d’un concours de billard remporté de justesse grâce à Joseph, le mécano, qui aurait débarqué en retard et sauvé la mise à ses coéquipiers. Pas grand-chose a priori, sauf que Travis avait perçu ces derniers mois des tensions entre Joseph et son petit frère, et que ce dernier avait perdu la vie précisément le soir de ce concours de billard. Pas grand-chose, mais la petite étincelle que Travis attendait pour démarrer la machine à embrouilles. Qu’est-ce qui avait mis en retard Joseph ?

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 02 Octobre 2024
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Submersion © Sarbacane 2024
Les notes
Note: 3/5
(3/5 pour 2 avis)
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25/11/2024 | Blue boy
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L'avatar du posteur Bruno Menetrier

Polar celtique et familial à l'époque où bientôt les 'méga marées' repousseront les habitants loin du rivage. Avec de beaux dessins d'architecture 'brutaliste'. On ne connaissait pas encore Iwan Lépingle qui signe le scénario et les dessins de cet album : Submersion publié chez Sarbacane. Un autodidacte qui a commencé sa carrière chez les Humanoïdes Associés et qui est surtout un amateur de grands espaces et de voyages. Cette fois il ne nous emmène pas très loin, tout au nord de l'Écosse mais à une époque (vers 2045) où les marées géantes auront commencé à noyer les côtes. Quelques bonnes raisons de découvrir cet album ? Pour l'ambiance de ce petit polar celtique dans un décor qui paraît presque normal. Presque. Si le scénario évoque bien des 'méga marées', ce n'est pourtant pas un récit post-apocalyptique, encore moins un film catastrophe. De temps à autre apparaît ici ou là, un bâtiment déserté, une zone inondée, des bungalows que l'on recule un peu plus loin, des pêcheurs qui sont devenus cultivateurs d'algues, ... Bref, les changements futurs qui nous attendent sûrement, patiemment et sans esbroufe. Pour le dessin qui s'apparente à la ligne claire franco-belge avec des aplats de couleurs aux teintes orangées, aux ombres bleutées. Des personnages dont les visages sont parfois taillés au couteau. Et puis surtout ces bâtiments, cette architecture brutaliste (c'est à la mode en ce moment !), ces belles perspectives fuyantes (Iwan Lépingle dessine tout cela sans assistance logiciel). Pour l'intrigue enfin de cet agréable roman policier qui fait la part belle aux histoires de famille. Non loin d'Inverness, il y a là les trois frères Calloway. En fait, il n'en reste plus que deux : Wyatt, le plus jeune, c'est tué en voiture il y a 6 mois sur une grande ligne droite, peut-être après avoir bu une pinte de trop. Badger et Travis ont un peu de mal à s'en remettre, Travis est persuadé que ce n'était pas un banal accident. Il y a là aussi Jenny, la femme de Wyatt, et leur fils Kyle. Et puis un black, Joseph, un garagiste à la réputation de ... garagiste, donc pas très apprécié de ses clients. Lors d'une soirée chez des amis, "Travis a entendu le petit truc qu'il attendait, la petite info qu'il lui fallait pour démarrer la machine à embrouilles". Vers 2045, la mer a repoussé les habitants loin du rivage. La pêche ne donne plus rien et il faut se contenter de cultiver et ramasser des algues. Il faut rehausser régulièrement les digues et déménager les baraquements toujours plus loin. [...] La mer nous a poussés loin du rivage. Nous lui avons abandonné nos maisons. Nous avons vidé les lieux. Quand elle a monté et monté encore, elle a léché les murs qui nous avaient vu grandir. Elle les a grignotés méthodiquement, comme une bête affamée qui serait venue se délecter de nos vies d'avant et les engloutir à jamais. Travis reste accroché obstinément au passé : il n'arrive pas à faire le deuil de son frère Wyatt, tout comme il n'arrive pas à s'habituer à la nouvelle vie que la mer envahissante impose aux habitants, à un littoral qui devient inhabitable, recule d'année en année et redevient sauvage. Travis s'emporte un peu trop rapidement, mais ne dit-on pas que ce n'est qu'après la colère que vient l'acceptation ?

05/03/2025 (modifier)
Par Blue boy
Note: 3/5
L'avatar du posteur Blue boy

Voilà bien une bande dessinée déconcertante, et ce à plus d’un titre. Tout d’abord par le mode de traitement du thème abordé : la montée des eaux liée au réchauffement climatique, comme s’accorde à le penser aujourd’hui la majorité des scientifiques. Et comme l’histoire se déroule vingt ans dans le futur, on penserait avoir affaire à un récit d’anticipation post-apocalyptique. Or, il n’en est rien. Ici, la question environnementale ne sert que de toile de fond à un récit plutôt ordinaire, qui pourrait se passer aussi dans le présent, voire dans le passé. On ne trouve guère d’indices dans le dessin, qu’il s’agisse des décors, des habitations, des véhicules ou des objets de la vie courante, pour signaler une différence d’époque, si ce n’est les entrepôts abandonnés, avec quelques carcasses de voitures à proximité. De manière surprenante, ce n’est donc pas un récit anxiogène malgré un thème qui arrive désormais en bonne place des préoccupations des opinions publiques, exception faite bien sûr des climato-sceptiques et des « décideurs » de ce monde. L’axe narratif se fait autour du personnage de Travis, qui ne se remet pas de la mort de son jeune frère Wyatt. Plongé dans une colère noire éclipsant sa douleur, Travis semble en vouloir à la Terre entière car il en est persuadé, cette histoire d’accident sous l’emprise de l’alcool pourrait dissimuler un meurtre. Devenu suspicieux et irascible, ses soupçons vont se tourner vers Joseph, le garagiste du coin réputé pour plumer ses clients. Persuadé que la police ne veut pas l’écouter, il va endosser lui-même le rôle du justicier… Il faut bien l’avouer Iwan Lépingle a réussi avec « Submersion » à créer quelque chose d’unique, loin d’être déplaisant. Le livre dégage une ambiance irréelle, « fortement iodée », où les couleurs paraissent délavées par le ciel laiteux d’Écosse — un peu comme si l’océan atlantique était venu projeter ses marées jusqu’à Tours ou Angoulême. Si l’on aperçoit quelques « mobile homes » suggérant que des déplacements de population ont eu lieu, aucun personnage ne semble réellement attristé d’avoir perdu son habitation et ses biens. D’ailleurs, rien ne vient trop situer le contexte avec précision, alors on suppose que la solidarité a joué. C’est donc une vision plutôt acceptée du changement climatique, pour ne pas dire résignée, mais on ne saurait en vouloir à l’auteur de survoler la question, puisqu’après tout, elle n’est que le prétexte à créer cette atmosphère particulière. — un peu comme si l’océan atlantique était venu projeter ses marées jusqu’à Tours ou Angoulême. Si l’on aperçoit quelques « mobile homes » suggérant que des déplacements de population ont eu lieu, aucun personnage ne semble attristé d’avoir perdu son habitation et ses biens. D’ailleurs, rien ne vient trop situer le contexte avec précision, alors on suppose que la solidarité a joué. C’est donc une vision plutôt acceptée du changement climatique, pour ne pas dire résignée, mais on ne saurait en vouloir à l’auteur de survoler la question, puisqu’après tout, elle n’est que le prétexte à créer cette atmosphère particulière. L’agréable ligne claire vient nous fouetter le visage tel une brise océanique vivifiante, sans s’appesantir sur la catastrophe climatique qui a eu lieu, préférant montrer une nature qui reprend doucement ses droits dans une Écosse encore peu impactée par l’activité humaine. Lépingle aime poser ses ambiances en nous offrant de larges plans muets représentant des entrepôts laissés à l’abandon et des ponts désertés où vient s’ébattre en toute sérénité la faune ornithologique. Pour notre plus grand plaisir, la ligne claire comporte toujours ses adeptes dans le neuvième art, et celle-ci se pose en héritière incontestable du style Hergé. Si la narration, plutôt bien construite, sait entrecroiser scènes psychologiques et scènes d’action, on pourra regretter un dénouement un peu à l’arrache, et pour éviter cela, il aurait peut-être mieux valu creuser davantage le personnage du « méchant », à l’instar de la plupart des autres protagonistes qui eux sont plutôt bien campés. De plus, cette conclusion très « héroïque » brouille un peu plus les pistes quant au véritable propos du livre, puisqu’au final, nos « héros » se réjouiront (ceci n’est pas un spoiler) d’avoir découvert un stock de pierres sous-marines destinées à la fabrication des batteries électriques… Et quand on sait que l’exploitation des terres rares est l’une des dernières bêtes noires des mouvements écologistes, on s’interroge… Cela ne remet pas outre mesure en question la bonne impression que l’on a au sortir de ce one-shot, et Iwan Lépingle, auteur en solitaire qui assure le stylo et le pinceau, nous a déjà fait de belles propositions récemment avec les deux polars Akkinen - Zone toxique et Esma, déjà publiés tous les deux chez Sarbacane, l’éditeur qui a du nez pour dénicher des auteurs originaux. On peut donc se lancer, sans crainte d’être trop déçu, dans la lecture de « Submersion ».

25/11/2024 (modifier)