Le Seau - Souvenirs dessinés d'une guerre

Note: 5/5
(5/5 pour 1 avis)

Gand, 10 mai 1940. Koenraad Tinel a six ans lorsque l'armée allemande envahit la Belgique.


Les coups de coeur des internautes Perles rares ?

Sa famille collabore activement avec les nazis et fuit vers l'Allemagne après le Débarquement de Normandie. Ils doivent cependant prendre de nouveau la fuite face à l'arrivée des Russes. Pendant ce périple, ils ont pour presque seul bagage un seau hygiénique.

Scénario
Dessin
Traduction
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 20 Septembre 2024
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Le Seau - Souvenirs dessinés d'une guerre © Seuil 2024
Les notes
Note: 5/5
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30/12/2024 | grogro
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Par grogro
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
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Cette BD est un véritablement choc. Choc esthétique d’abord, et émotionnel. Le choc d'un pavé dans la gueule. Le dessin de Koenraad Tinel possède une force graphique extrêmement puissante, toute empreinte d’expressionnisme. Le trait est à la fois gracieux et sombre, noir d’encre même, et pour cause puisqu’il est entièrement réalisé à l’encre noire. Il exacerbe l’aspect tragique de cette histoire familiale : visages déchirés, grimaçants, silhouettes déguingandées constellées d’éclaboussures… Rien n’est épargné à l’humanité crasse ici décrite par l’auteur qui plonge sans tabou dans ses souvenirs d’enfance encore vivaces. Car Tinel le confie au lecteur : il lui est impossible d’oublier, de s’affranchir de la culpabilité accrochée à ses talons et qu’il n’a pourtant pas à subir puisqu’étant enfant au moment des « faits ». Et les faits, quels sont-ils ? Koenraad Tinel raconte dans Le Seau les années de guerre (la deuxième) vécue par sa famille flamande. Celle-ci en effet, connut l’arrivée de l’armée allemande que son père, nazi convaincu, et ses frères vécurent comme un espoir. Ses deux frangins s’engagèrent dans la SS comme un seul homme. L’un partit se battre sur le front de l’Est pendant que l’autre se vit confier le commandement d’un camp où les juifs qui y transitaient étaient promis à l’abominable sort qui les attendait à Auschwitz. Mais à partir de juin 44, la famille s’exile en Allemagne pour trouver refuge dans un petit village de Bavière vidée de ses hommes valides, avant de finalement vivre des mois de misère sur le chemin de retour vers Gand après la victoire des alliés. Inutile de rentrer dans les détails : il faut lire cette BD. Si le choc est finalement émotionnel, c’est que toute cette histoire est racontée à auteur d’enfant, sans le moindre jugement. Pourtant, cette part intime d’une noirceur abyssale, pétrie de culpabilité, l’auteur l’exprime très bien dans le dessin. Elle hante chaque page, chaque anecdote au point de l’avoir marqué au fer rouge. Le Seau constitue un témoignage capital, exposant un point de vue rarement exprimé dans l’art : celui des vaincus, celui des bourreaux. Je songe au film Lore de Cate Shortland, là aussi un choc esthétique, comme si là encore la forme était primordiale afin de maintenir une distance salutaire avec le sujet évoqué… Bien entendu, Koenraad Tinel n’a jamais été un bourreau. Comment peut-on l’être à neuf ou dix ans ? Néanmoins, il nous confie cette histoire familiale déchirante dont il éprouve aujourd’hui encore la plus grande difficulté à s’affranchir. Comment peut-on vivre une vie épanouie quand on réalise ce qui a été commis au nom d’une idéologie destructrice, mais surtout que sa famille s’est bel et bien retrouvée du mauvais côté ? La réponse (plutôt un semblant de réponse qui est d’ailleurs davantage un exutoire) nous est donnée ici dans Le Seau où Koenraad Tinel déverse un passé cauchemardesque. Un seau hygiénique destiné à recevoir les excrétions intimes... Quant à nous, humbles spectateurs, nous ne pouvons que lui souhaiter d’avoir finalement trouvé la paix grâce à ce travail de mémoire colossal.

30/12/2024 (modifier)