Simon & Lucie - Les Ciels changeants

Note: 4/5
(4/5 pour 1 avis)

D’après l’œuvre de Diastème. Ce sont deux adolescents qui s’aiment, et ils ont le monde entier face à eux.


Les petits éditeurs indépendants

En créant leur histoire et en la logeant dans les pages d’une bande dessinée, Diastème et Alain Kokor offrent à Lucie et Simon un sanctuaire d’une infinie poésie. Blottie quelque part dans le flanc de Paris, discrètement éclairée par une lune pleine, une maison en meulière. Une voix imprègne chaque interstice de l’imposante demeure, puis s’échappe dans l’atmosphère caniculaire. Lucie, 14 ans, parle, théâtrale et emportée. À mesure qu’elle se déplace dans les étages, depuis sa chambre jusqu’au salon, son soliloque se transforme en appel à l’aide. Lucie invoque Simon, son amoureux. Depuis la mort de son père, cascadeur tué dans un accident de voiture il y a deux ans et demi, son actrice de mère noie son chagrin dans l’alcool. Et ce soir-là, elle pourrait bien avoir joué son ultime scène. Pour mieux fuir ce monde qui court à sa perte, le rendre plus supportable, ou le réinventer, Lucie et Simon se font les gardiens d’une histoire qui n’appartient qu’à eux.

Scénario
Oeuvre originale
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 02 Octobre 2024
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Simon & Lucie - Les Ciels changeants © Virages graphiques 2024
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 1 avis)
Cliquez pour afficher les avis.

06/01/2025 | Blue boy
Modifier


Par Blue boy
Note: 4/5
L'avatar du posteur Blue boy

En s’inspirant des écrits du dramaturge et écrivain Diastème, Alain Kokor nous propose une tragédie contemporaine qui fera sans nul doute chavirer les cœurs les plus romanesques. Les deux amants, personnages récurrents dans l’œuvre de Diastème, sont des jeunes gens qui s’aiment, passent beaucoup de temps ensemble et cherchent à fuir la réalité d’un monde trop dur en se récitant des passages d’« Andromaque », la célèbre tragédie lyrique de Racine à laquelle ils s’identifient totalement. Enfants uniques livrés à eux-mêmes, ils trouvent du réconfort dans leur amour naissant, un amour exclusif que Simon va compromettre par un acte de folie : se taillader le bras en tentant d’y graver le nom de Lucie. Effrayée par son geste, Lucie va fuir en Bretagne chez son oncle mais Simon va « piquer » la mob de son père, afin, dit-il, de la « délivrer ». Jusqu’au dénouement, quelque peu imprévu, le récit fera des va-et-vient temporels entre le séjour à l’asile de Simon et les raisons qui ont conduit à son internement. Très bien construite et assez captivante, la narration va évoluer en se centrant principalement sur le personnage de Simon, qui n’hésitera pas à s’abimer pour sauver l’amour qu’il croyait être réciproque avec Lucie. En effet, ce garçon possède un cœur pur, un rien romanesque. Et le monde est bien trop étroit pour abriter sa quête d’absolu, vers laquelle il cherche à entraîner son amante, en vain. Au docteur qui lui affirme que ce n’est pas en faisant des allers et retours dans la réalité qu’il s’en sortira, Simon lui rétorque qu’il a accepté l’idée d’être fou. Sa folie, c’est de ne pas lire jusqu’au bout les romans, ou de ne pas s’en souvenir, tout comme il refuse de croire à la fin de son histoire avec Lucie. A l’image du récit, les personnages sont réalistes et attachants, y compris les deux pensionnaires de la clinique Barthelemy et « La Gosse ». Le mélange de mélancolie et de résilience dont fait preuve Simon est assez touchant, le lecteur ressent à la fois de la fascination et de l’empathie par rapport à son refus de la fatalité et le contrôle qu’il opère sur sa propre folie. Mais tout de même, le pauvre garçon semble se complaire dans son déni, ignorant sans doute que le retour de l’être aimé, ça ne se voit que dans les romans à l’eau de rose… il devrait pourtant le savoir, lui qui est si friand de tragédies ! Si le dessin de Kokor peut paraître parfois esquissé, il n’en est pas moins stylé et convient bien à l’ambiance intimiste du récit. Centré surtout sur les personnages et les attitudes, il sait restituer des paysages quand il le faut pour donner une respiration allégeant la descente aux enfers vécue par Simon, ou se faire plus abstrait pour traduire par exemple les effets de la camisole chimique. Pas de mise en couleurs ici, on reste principalement sur une monochromie discrète, douce-amère pourrait-on dire, ou une bichromie oscillant entre le beige et le rouge, plus rarement sur le bleu et le vert. Que l’on croit ou pas aux histoires d’amour avec un grand A, on pourra trouver beaucoup de charme à ce roman graphique, d’une authenticité qui ne pourra laisser de glace. On pourra peut-être regretter le fait que le récit se détourne totalement de Lucie après l’épisode « des bras tailladés » pour se centrer uniquement sur Simon. On aurait aimé en savoir plus sur l’évolution psychologique de l’adolescente et ses « ciels changeants » à elle, même si cela risquait d’altérer l’effet de surprise du dénouement final. Une chose est sûre, « Simon et Lucie » est une œuvre marquante et qui ne laissera pas indifférent.

06/01/2025 (modifier)