Rébétissa (L'Antidote)

Note: 5/5
(5/5 pour 1 avis)

Comment continuer à vivre sa passion quand on vous l’interdit ? Rébétissa est la suite de Rébétiko.


1930 - 1938 : De la Grande Dépression aux prémisces de la Seconde Guerre Mondiale École européenne supérieure de l'image Grèce moderne Les coups de coeur des internautes Musique Perles rares ?

En 1936, sous la dictature de Metaxas en Grèce, Bèba, une jeune chanteuse, cherche comment sauver sa passion, son métier et le café où elle se produit après une motion de censure du rébétiko, la musique en vogue. Elle est aidée de Markos, Batis, Stavros et Artémis.

Scénario
Dessin
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 20 Novembre 2024
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Rébétissa (L'Antidote) © Futuropolis 2024
Les notes
Note: 5/5
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11/04/2025 | grogro
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Par grogro
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
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Je peux arrêter de lire des BD jusqu’à ma mort après cette plongée dans les bas-fonds du Pirée en compagnie de ces attachants Rébètes. David Prudhomme, en sortant une suite (et fin ?) à Rébétiko (je n’osais même pas en rêver), vient en effet d’accomplir un petit exploit : faire mieux que Rébétiko ! Que dire ? Par où commencer ? Rébétissa (l’antidote) m’a procuré un tel bonheur et a généré en moi des émotions si vigoureuses que je ne me sens pas du tout à la hauteur pour rédiger une critique. Peut-être par-là : j’étais l’un des musiciens, et tous à la fois. J’étais même les chanteuses, Béba ou Marika. J’ai ressenti leur colère, leur force intérieure inébranlable face à l’inéluctable. J’étais de leur combat et de toutes leurs petites combines. J’ai fumé le narguilé avec eux, j’ai voulu me battre, défendre moi aussi le café de Katina. J’ai voulu fuir, tout quitter. Et j’ai chialé comme un gosse dans les dernières pages. L’essentiel passe par le dessin dément de David Prudhomme. Dans cette version en noir et blanc, bien meilleure selon moi que la version colorisée (qui est elle-même moins réussie que pour Rébétiko, voire carrément ratée), le lecteur en prend plein les mirettes. L'écrin est magnifique. Les fonds couleur crème font ressortir le trait. C'est magnifique. Prudhomme fait preuve d’une maitrise totale des jeux d’ombre et de lumière. Le dessin s’anime, on entend penser tout haut les personnages, on voit leurs idées flotter dans l’air et se mêler à la petite fumée du haschich. A la faveur d’un regard, l’émotion éclabousse la page. Tous dansent, chantent, fument, tentent de faire bonne figure face à l’adversité, et dignes. Oui, j’insiste : on peut même les entendre penser ! Qu’est-ce qu’ils sont beaux ces personnages ! Perso, j’adore le fanfaronnant Stavros ou l’espiègle Batis, mais tous sans exception sont attachants jusque dans leurs travers. Et même les nouveaux que l’on découvre sont extrêmement soignés, à l'image de la savoureuse Katina. Le scénario prend ici un relief qui en comparaison semble à peine esquissé dans Rébétiko. Dans ce volume, la situation devient réellement tragique car l’étau de la dictature se resserre. Les personnages sont amenés à faire des choix qui les engagent totalement tant ils se retrouvent acculés, et face à la répression, toutes et tous restent dignes jusqu'au bout. On ne pouvait rêver plus beau chant du cygne. Les dialogues ne gâchent rien, même si par-ci par-là, le lecteur pointilleux pourra relever quelques futilités qui auraient pu ne pas exister pour laisser d’avantage de place au dessin. Mais franchement, vue la qualité exceptionnelle de l’ensemble, on oublie… Rébétissa s’inscrit dans la grande lignée des tragédies grecques. Mais au-delà de toutes ces considérations, ce récit saisit quelque chose du monde d’aujourd’hui. J’aimerais ne pas trop en dire afin de laisser le plaisir de la découverte, mais oui, nous sommes, Nous, collectivement, les Rébètes. Pour reprendre les paroles de l'un d'entre eux, "nous avons le malheur de n'être que ce que nous sommes, dans un monde qui ne veut plus de ce que nous sommes". J'avoue que ce sentiment de décalage s'accorde en tous points avec mon propre ressenti. A moins que ce ne soit Prudhomme lui-même qui nous exhorte à le devenir ? Fin d’un monde, fin d’une culture, mise en place d’une dictature… Mais c’est véritablement la toute fin qui saute à la gueule. Il y a dans cette dernière scène une métaphore subtile, à la fois touchante, mélancolique et effrayante... Juste pour dire comment j'ai transposé tellement le tableau est vivant... Voilà dit dans un désordre abominable tout le bien que je pense de cette BD. Bien entendu, mes centres d’intérêt personnels y sont pour quelque chose. Ma passion pour la musique, et en particulier le Blues et le personnage d’Alan Lomax (qu’on retrouve d’ailleurs un peu sous les traits du personnage de Péristéris) n’a fait que décupler mon affection pour cette histoire. Mais y a pas à tortiller : Rébétissa (l’antidote) est l’œuvre d’un grand !

11/04/2025 (modifier)