Les Mange merde
Dans une France au bord de l’explosion, un chef d’entreprise ruiné va vivre un étrange et violent périple dans les bas-fonds parisiens.
Charlie Mensuel
Inflation, chômage, marasme, insécurité… le pays est au plus mal et la révolte gronde. C’est dans ce contexte qu’Alexis Bocostard (personnage que Dimitri réutilisera par la suite dans d’autres albums sous les noms de Belkravat ou Ferdinand Copeau), jeune chef d’entreprise combinard, se retrouve ruiné. Alors qu’il déambule dans les rues en quête d’argent, il croise la route d’un jeune inventeur un peu simplet et craintif, Antoine Brambison. Après avoir été à deux doigts de s’entretuer sur un malentendu, Bocostard et Brambison décident de poursuivre leur route ensemble, car les rues ne sont pas sûres… Brambison entraîne Bocostard dans un petit troquet planqué au fond d’une impasse et fréquenté par des laissés-pour-compte qui fuient l’agitation qui règne à l’extérieur. Mais la tranquillité de Vercingétorix, le patron de ce "dernier refuge gaulois", et de ses clients, a un prix : tous doivent payer leur "protection" à une bande de racketteurs. Bocostard refuse de payer et abat les racketteurs. Lui, Brambison et Vercingétorix sont alors contraints de fuir à travers les égouts pour échapper aux hommes de main des racketteurs, le gang des Cobras. Commence alors pour eux un "Voyage au bout de la merde" au cours duquel se multiplieront rencontres et situations étranges…
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Date de parution | Mai 1985 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Avec un tel titre, faut pas s'attendre à tomber sur une Bd d'un style raffiné, mais en vérité, j'ai mal compris cette épithète car Dimitri n'est pas très précis pour indiquer à qui elle s'adresse ; à quoi sert-elle ? que représente-t-elle ? qui définit-elle ? Avec ce récit publié dans Charlie Mensuel en 1984, Dimitri marche ouvertement sur les plate-bandes de Vuillemin en dénonçant une France complètement gangrénée par une frange d'individus fouteurs de merde, et à grands coups d'humour féroce et virulent envers certaines minorités. Je crois que si Dimitri revenait aujourd'hui, il verrait ce qu'il décrit dans cet album se réaliser à la puissance mille, mais il n'est pas du tout certain qu'il pourrait refaire ce genre de bande aujourd'hui dans notre époque ultra surveillée par des gens qui au moindre dérapage, vous foutent un procès au cul. Alors certes, Dimitri va très loin dans son propos et s'en prend un peu à tout le monde sans prendre de gants ; l'ennui, c'est que son scénario n'est pas très structuré, je saisis à peu près ce qu'il veut faire comprendre, mais c'est une suite de scènes un peu décousues qui sont ajoutées les unes aux autres de façon à créer une réaction soit de prise de conscience, soit d'indignation chez le lecteur. Son dessin est aussi réaliste que dans ses bandes de guerre, mais faut avouer que cette Bd surprend par ce cri de révolte très acide ; en fait, j'ai l'impression qu'il situe ces faits et ces personnages dans une sorte de futur proche, et que quand on lit ces propos de 1984, on s'aperçoit qu'on est dans les années 2000 voire un peu au-dela... En tout cas, c'est une Bd qui ne m'a pas tellement emballé, tout ça est bien trop sombre, démoralisant, et pas si drôle.
Voilà une drôle de BD… Vraiment le genre d’ouvrage à la fin duquel on se demande où l’auteur voulait en venir avec tout ça. L’histoire a franchement l’air d’aller nulle part : entre le début, abrupt, et la fin, bizarre et presque en queue de poisson, se succèdent un peu n’importe comment des péripéties assez tirées par les cheveux et qui ne mènent à rien, tandis qu’une série de personnages entrent et sortent de l’histoire sans crier gare… Bref, le semblant de scénario n’est là que pour permettre à un Dimitri visiblement en pleine crise de nihilisme de brosser un tableau très sombre d’une société pourrie, teinté d’une note d’humour noir, glaçant, cynique, féroce, qui faute d’être plus franchement drôle, n’aide pas particulièrement à faire passer la pilule. Dans ces conditions, c’était déjà difficile d’accrocher à cet album, mais à vrai dire ce qui m’a le plus gêné n’est même pas ce manque de scénar plus construit et de gags plus drôles, ni que Dimitri veuille cracher son dégoût de la société. Le problème en fait, c’est vraiment la difficulté à déchiffrer le sens, le message derrière ce cri de dégoût. Il voulait juste dire « ce pays est devenu une merde », ou bien fait-il partie de ceux qui ont fini par basculer de « ce pays est devenu une merde » à « ce pays est devenu une merde… et c’est la faute aux youpins/négros/bougnoules/gonzesses/pédés/insérez votre bouc émissaire ici » ? On va peut-être penser que je vois le mal partout, que je cherche midi à quatorze heures, ou me balancer le fameux « mais il faut prendre tout ça au SECOND DEGRÉ ! C’est de la PROVOC’ ! », mais franchement, y a quand même des trucs dans cette BD qui font tiquer. Force est de constater par exemple que tous les Noirs de l’histoire sont soit des simplets (qui s'expriment façon "Y'a bon Banania"), soit des tueurs. Les personnages principaux se plaignent plusieurs fois de ne plus être en sécurité dans les rues, de vivre « au milieu de la merde », et comme par hasard, chaque fois qu’ils expriment ce genre de pensée, Dimitri nous met un Noir bien en évidence dans leur décor… Ah j’oubliais, ils ne se plaignent pas que de l’insécurité, ils se plaignent du bruit aussi ! Et dans ces moments-là, les coupables sont encore des Noirs (accompagnés de punks blancs aussi, c’est vrai) qui jouent des percussions à fond dans les rues… On voit aussi que le seul personnage qui s’en sort au bout du compte est le brave blond aux yeux bleus qui, au départ, s’est fait « disputer son territoire » parce qu’il avait justement « les yeux trop bleus »… alors c’est quoi le message ? « Dans ce pays, les honnêtes Blancs ne sont plus chez eux ? ». On peut parler de la représentation des femmes aussi : des mégères dont les seuls buts semblent être d’exhiber leurs seins aux mâles pour mieux pouvoir les attirer dans leurs pièges et les castrer à coups de ciseaux. On peut aussi évoquer la façon dont les personnages principaux règlent leurs problèmes : quelqu’un te barre la route ? Flingue-le et on n’en parle plus, dans ce monde de merde le seul moyen de s’en sortir c’est de porter une arme et de tirer le premier… Alors voilà, est-ce que c’est à prendre au premier degré tout ça, allez savoir ; en tout cas, à défaut de condamner l’auteur sans appel en affirmant sans hésitation que c’est un gros con raciste, je ne pense pas non plus qu’on puisse balayer tout ça d’un revers de la main à coups de « Faut pas prendre ça au premier degré » ou encore « Bah, il peut dire ce qu’il veut, dans le fond il ne cherche pas à nous hypnotiser, et malgré la façon dont Dimitri montre les Noirs et les femmes dans ses BD, ses lecteurs ne vont pas forcément se mettre à penser que le brave français moyen est une victime des Noirs et des femmes ». C’est sûr qu’on ne devient pas forcément néo-nazi rien qu’en entendant un discours d’extrême-droite, mais ça ne veut pas dire que c’est un discours innocent, inoffensif, ou à prendre au second degré… Bref, un scénario décousu et sans profondeur au service d’un propos qui laisse perplexe, une lecture qui, sans être franchement pénible, est peu plaisante…
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