Maus

Angoulême 1988 : Alfred meilleur album étranger pour le tome 1 Will Eisner Award 1992 : Best Graphic Album: Reprint Prix Pulitzer en 1992 Angoulême 1993 : Alph-Art du meilleur album étranger pour le tome 2 Maus raconte la vie de Vladek Spiegelman, rescapé juif des camps nazis et de son fils, auteur de BD qui cherche un terrain de réconciliation avec son père, sa terrifiante histoire et l'Histoire. Ici les nazis sont des chats et les juifs des souris.
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Un dessinateur décide de mettre en bande-dessinée la vie de ses parents qui furent pourchassés puis emprisonnés par les nazis durant la seconde guerre mondiale. D'une brutalité et d'une tristesse incroyable cette oeuvre est le témoin du calvaire des juifs durant la seconde guerre mondiale. Ce chef d'oeuvre a été récompensé par de nombreux prix (Prix Pulitzer en 1992, Alph'art album étranger 93), et mériterait d'être au programme des classes d'Histoire.
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Date de parution | Janvier 1987 |
Statut histoire | Série terminée 2 tomes parus |
Les avis


Processus et devoir de mémoire - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il regroupe les 2 parties du récit : Mon père saigne L Histoire (publié en recueil en 1986), Et c'est là que mes ennuis ont commencé (publié en recueil en 1991). Il s'agit d'une bande dessinée en noir & blanc, comprenant 292 planches et 1.500 cases. À la suite à sa parution, un prix Pulitzer a été décerné à son auteur en 1992. Elle a également été récompensée par le prix de meilleur album étranger au festival international de la bande dessinée d'Angoulême en 1988 pour le livre I et en 1993 pour le livre II. L'auteur a complété cette oeuvre avec un album revenant sur sa genèse avec des explications complémentaires : MetaMaus (2012). En 1958, à Rego Park à New York, le jeune Art Spiegelman (10 ans) est en train de faire du patin à roulette avec ses amis. Une des fixations lâche et il tombe par terre. Ses copains continuent leur course en le traitant d'oeuf pourri. L'enfant va se plaindre à son père qui lui répond qu'on ne peut pas les qualifier d'amis tant qu'on n'a pas été enfermé avec eux pendant une semaine sans rien manger. En 1978, Art rend visite à son père Vladek qui habite toujours à Rego Park. Il le salue, ainsi que sa deuxième épouse Mala. Après le repas, Art indique à son père qu'il souhaite commencer à réaliser sa bande dessinée sur lui, et qu'il aimerait donc qu'il lui raconte son histoire, en débutant par comment il a rencontré Anja, sa première épouse, la mère d'Art. En 1937, Vladek Spiegelman vivait à Cz?stochowa, en Pologne, travaillant dans le commerce de vêtements. Il avait belle prestance, ses amis le comparant avec Rudolph Valentino (1895-1926) dans le film le Cheik (1921). Il avait développé une relation amoureuse avec Lucia Greenberg, issue d'une famille sans argent. Vladek allant visiter sa famille dans la ville de Sosnowiec, sa cousine lui présente une amie : Anja Zylbergberg. Ils commencent à nouer une relation épistolaire, puis Vladek est invité dans sa famille qui possède une des plus grandes usines de bonneterie de Pologne. Vladek décide de déménager pour s'installer à Sosnowiec. Il se fiance à Anja, se marie avec elle, et son père lui offre une bonne situation dans son entreprise de bonneterie. Finalement avec l'aide de son beau-père, Vladek Spiegelman fait construire une usine de textile à Bielsko, également en Pologne. En octobre 1937, nait Richieu, le premier enfant d'Anja et Vladek. La jeune mère souffre d'une dépression périnatale, et le jeune père l'accompagne pour un séjour dans un sanatorium, en Tchécoslovaquie. Durant le voyage en train, il passe par une ville où flotte le drapeau nazi. Un voyageur leur parle d'un pogrom en Allemagne. le séjour au sanatorium dure 3 mois : c'est un vrai succès pour la santé d'Anja. de retour à Sosnowiec, le père d'Anja apprend à Vladek que son usine a été pillée. Il l'aide à redémarrer son affaire, et rapidement l'usine à Bielsko engrange de confortables bénéfices. Mais le 24 août 1939, les Spiegelman reçoivent une lettre du gouvernement intimant l'ordre à Vladek de rejoindre l'armée. Il est décidé que Richieu et Anja retournent à Sosnowiec pour séjourner avec sa famille, pendant que Vladek rejoint les rangs de l'armée. Il se retrouve bientôt au front contre l'armée allemande. Vladek s'interrompt dans son récit car il vient de renverser son flacon de pilules qu'il était en train de compter pour préparer son pilulier. Par association d'idées, il se lance alors dans le récit de son opération de l'oeil droit qui a fini par une ablation et la pose d'un oeil de verre. Art Spiegelman revient régulièrement voir son père pour recueillir sa parole et il se retrouve souvent pris à témoin dans les chicaneries entre Valdek et son épouse Mala. Finalement son père reprend son histoire là où il s'était arrêté, au front. Depuis sa parution à la fin des années 1980, cette bande dessinée est devenue une référence incontournable : un témoignage extraordinaire d'un survivant du camp de concentration d'Auschwitz, pendant la seconde guerre mondiale. le lecteur assiste aux entretiens d'Art avec son père, et vit en direct les souvenirs de ce dernier qui sont alors racontés au temps présent, toujours sous forme de bande dessinée. L'auteur a choisi de restituer la parole de son père au mieux, en effectuant des recherches historiques en parallèle pour dessiner avec authenticité ce qu'il évoque : la Pologne de la deuxième moitié des années 1930, et de la première moitié des années 1940, mais aussi les installations du camp de concentration, les trains, les uniformes des prisonniers et des soldats, etc. le lecteur n'a pas forcément conscience de cette volonté d'authenticité, car l'artiste a choisi un rendu descriptif, mais simplifié, avec un format de BD un peu plus petit que celui d'un comics. Néanmoins s'il regarde les pages sous l'angle de la reconstitution historique, il voit bien que ces dessins à l'apparence parfois un peu naïve contiennent effectivement des informations visuelles en bonne quantité, avec un investissement visible de l'auteur quant à l'exactitude de chaque détail, qu'il s'agisse des tenues vestimentaires, ou des meubles, des aménagements intérieurs, des installations des camps. Bien évidemment, c'est le récit de Vladek Spiegelman qui dicte la forme de la narration. Pour autant, Art Spiegelman a effectué des choix narratifs très conscients. Dès le départ, le lecteur est frappé par l'utilisation du zoomorphisme pour représenter les nationalités : des souris pour les juifs, des chats pour les allemands, des cochons pour les polonais, et d'autres animaux pour les américains, les français et les suédois. Cela n'a pas pour effet de rendre les individus mignons, mais ça permet au lecteur de prendre du recul, de ne pas ressentir de plein fouet l'horreur de ce qui est raconté. Chaque visage est très simplifié : des points pour les yeux, bien souvent pas de bouche dessinée pour les souris, le même visage pour toutes les souris, pour tous les chats, pour tous les cochons, et pourtant le lecteur sait toujours qui est représenté grâce au contexte et au dialogue ou au commentaire. Ensuite, il constate que le nombre de cases par page est assez élevé : entre 8 et 10 en moyenne, avec des bordures rectangulaires. de temps à autres, il fait ressortir une case par un insert, ou par une absence de bordure. Il utilise régulièrement un découpage très rigoureux en 8 cases, 4 bandes contenant chacune 2 cases. En outre, le lecteur constate rapidement que l'artiste représente le décor en arrière-plan dans plus de 90%, ce qui est à nouveau fait sciemment pour que les personnages ne deviennent pas juste des acteurs sur une scène vide. En fait, sous des dehors un peu frustes et simplistes, chaque page comprend une forte densité d'informations visuelles très concrètes qui projettent le lecteur dans chaque lieu, à côté de personnages expressifs. Effectivement, Art Spiegelman accomplit un devoir de mémoire en couchant sur le papier les souvenirs de son père, dans une bande dessinée, ce qui fin des années 1970 / début des années 1980 était un pari aux États-Unis, car les comics étaient vus comme un média à destination des enfants pour des récits de superhéros. Lorsque Vladek se retrouve emprisonné à Auschwitz, il relate factuellement la faim, les privations, les maltraitances, les tortures, les rafles, les morts par la faim, par les coups, par les exécutions sommaires, et dans les chambres à gaz. Dans un premier temps, l'utilisation de souris anthropomorphes évite au lecteur de devenir un voyeur devant des horreurs graphiquement insoutenables. Mais l'accumulation d'épreuves finit par générer un malaise proche de devenir insoutenable. Il acquiesce inconsciemment quand Vladek indique à son fils que c'est inimaginable, impossible à représenter ce qu'il a vécu. Il comprend à chaque fois comment Vladek a pu survivre, parfois avec de la chance (toute relative), tout en voyant de nombreux prisonniers mourir autour de lui. C'est vraiment le récit d'un survivant, et il s'interroge sur les séquelles psychologiques d'une telle succession de traumatismes effroyables. Il comprend tout à fait que Vladek puisse se représenter les soldats allemands comme des prédateurs cruels pour les juifs, comme des chats pour des souris. Ce zoomorphisme des nationalités permet également d'éviter de mettre en oeuvre des stéréotypes de race pour les représenter. Au cours du chapitre trois du livre I, Vladek est représenté comme portant un masque de cochon sur son visage, se faisant passer pour un polonais auprès d'un autre polonais. Plus tard dans le récit, c'est Art Spiegelman qui porte un masque de souris, bien qu'il soit juif pas sa naissance, mais pour indiquer qu'il se sent un imposteur. le lecteur comprend que l'auteur a conscience des limites de l'outil visuel qu'est le zoomorphisme et que ces masques correspondent effectivement à la projection de la représentation mentale de Vadek sur les individus, tel qu'il raconte son histoire. Au début du premier chapitre du livre II, Françoise Mouly (la compagne d'Art) et Art ont une discussion sur sa propre culpabilité qu'il ressent à avoir une vie plus facile que celle de son père, à avoir eu un frère qu'il n'a jamais connu. La discussion se termine avec la remarque formulée par Art que dans la vraie vie, Françoise ne l'aurait jamais laissé parler aussi longtemps sans l'interrompre. le lecteur comprend que l'auteur a une conscience aiguë de la nature de sa bande dessinée : une reconstitution à partir des souvenirs de son père datant de plus de trente ans, réarrangés sous forme de bande dessinée. Ce n'est pas un témoignage à chaud, et tous les faits ne sont pas vérifiables. Il doit faire des choix narratifs, sur la base d'informations parcellaires, sans pouvoir rendre compte de la totalité de l'expérience de son père. de ce point de vue, Maus comprend des particularités propres au récit de fiction. En plus d'être un récit de transmission de la Shoah, Maus est également un témoignage de la relation entre Art et son père. D'un côté, il subit une forme de culpabilité d'avoir une vie plus facile que son père, et d'être incapable de faire aussi bien que lui ; de l'autre, sa vie a été façonnée par les souvenirs de son père, par sa trajectoire de survivant, qui n'est la sienne à lui Art. La transcription des souvenirs de son père en bande dessinée porte également la marque de l'histoire relationnelle entre son père et lui : l'auteur met en avant ce biais émotionnel avec les séquences dans lesquelles il recueille la parole de son père. le récit n'est donc pas juste un témoignage historique et la biographie (partielle) de Vladek Spiegelman, c'est aussi pour partie une autobiographie, celle d'Art. Tout comme il peut facilement critiquer l'usage du zoomorphisme, le lecteur peut trouver dommage que l'auteur n'ait pas recueilli la parole de Mala, la seconde épouse de Valdek, elle aussi survivante des camps de concentration., ou encore trouver à redire sur tel aspect du récit (mettre tous les allemands dans le même sac, sous forme de chat par exemple). Mais l'auteur ne prétend pas à la perfection : il expose au lecteur, ses limites en toute transparence. Oui, Maus est une bande dessinée exceptionnelle, à la fois pour le devoir de mémoire qu'elle constitue, à la fois pour l'intelligence de sa composition et de sa réalisation. Art Spiegelman met en images les mémoires de son père avec une grande honnêteté intellectuelle, une prise de recul intelligente qui n'obère en rien la dimension émotionnelle du récit.


J’ai toujours été intéressée par cette période historique et touchée par cette tragédie, et récemment je me suis procurée la version intégrale « 30 ans », qui est au passage jolie avec une belle charnière au centre et une jolie reliure également. Ici, on a bien entendu une retranscription des véritables entretiens avec le père de l’auteur, qui est souvent dépeint d’une manière négative d’ailleurs. Il parlera des camps, des ghettos mais il basculera souvent sur plusieurs sujets, dû à son âge et aussi à son caractère compliqué. Cette bande dessinée a un côté très authentique, tout le monde est montré comme ils sont réellement. Les passages évoquant la Shoah sous bien entendu très poignants et rien n’est épargné, la violence, les insultes. Il est également dit que de l’humanité peut être trouvée au sein de pleins de personnes, prisonniers mais aussi nazis ou kapos. Le dessin en noir et blanc et simpliste dans la forme mais extrêmement percutant. Un chef d’œuvre


J'ai rarement été aussi pris par une bd. J'ai lu l'intégrale sans m'arrêter. Ce qui fait véritablement la force de ce récit, outre le fait que ce soit une histoire vraie, c'est la dualité entre l'époque "actuelle" et les récits de la guerre et des camps. C'est cela qui nous fait entrer dans la réalité de la chose et non comme une vague histoire racontée. Les personnages paraissent réels car ils le sont et cela donne un impact rarement atteint dans une bd. De plus, les personnages sont dépeints avec leurs défauts et leurs qualités. Rien ne semble avoir été ommis et l'auteur s'écorche lui-même en se montrant s'énervant ou déprimé. Ca ne fait que renforcer cette sensation de "retranscription" plutôt que de récit qui donne sa force à l'oeuvre. Je ne mets pas de coup de coeur, car je ne peux décemment pas avoir de coup de coeur pour une histoire à propos du massacre de millions d'innocents. Mais cette oeuvre est définitivement culte et mérite assurément d'être lue par tout un chacun. Et elle devrait, selon moi, également trouver sa place dans l'éducation, aux côtés du Journal d'Anne Frank (l'original, pas la BD de Soleil...).


Une BD qui ne laisse pas indifférent. Vu le nombre d'avis positifs sur cet ouvrage, je ne vais pas m'étendre pour redire encore une fois les mêmes choses. Pour faire simple, il y a deux histoires: une contemporaine, où un fils interviewe son père, un polonais juif. Et une autre, qui est donc l'histoire de Vladek et sa famille durant la seconde guerre mondiale. C'est un véritable travail de mémoire qui a été fait ici, qui m'a particulièrement touché (surement parce que je fais le même pour l'instant avec ma grand mère). Le fait de raconter deux histoires en une, nous permet de faire des pauses lorsqu'on repasse au temps présent. Cela nous permet de respirer, de digérer cette histoire indigérable. Cette BD devrait faire partie des lectures obligatoires à l'école, afin d'étudier la Shoah différemment, par la "petite histoire". 5 étoiles MAUPERTUIS, OSE ET RIT !

Le dessin n'est pas exceptionnel, assez basique même mais il colle parfaitement à ce récit. Le récit est long mais la formulation de cet échange entre le fils (l'auteur) et le père qui lui retrace cette période de la vie d'un juif polonais pendant la Seconde Guerre mondiale est très intéressante. Le fait de remplacer les personnages juifs par des souris et tous les autres par différents animaux est précurseur et génial. L'authenticité de la souffrance de la vie du père est accentuée par ses psychoses actuelles qui hantent son fils et qui nous touchent d'autant plus sur les atrocités qu'a vécues cet homme. Et que dire de tous ces faits relatés sur la vie dans les camps si ce n'est qu'ils authentifient cette histoire. Vraiment pour moi un très grand témoignage, émouvant, captivant et authentique.


Étant en histoire, je ne pouvais pas passer à côté du chef-d'œuvre du genre (n'ayons pas peur des mots). En effet, cette BD est culte à bien des égards. Tout d'abord, je pense qu'il est important de souligner son ancienneté, qui permet de bien cerner cette œuvre dans l'histoire des mentalités (elle apparue juste avant les grandes recherches et théories sur les camps et les survivants ... drôle de coïncidence non ?). Et puis surtout, elle fait partie des anciennes BD, celles qui ont ouvert les portes à plein d'autres choses. En second lieu, ce qui frappe beaucoup de monde dans cette BD, c'est le dessin (bien que je n'ai pas spécialement été choqué par ça). Minimaliste, en noir et blanc, animalier, "simple". Un dessin qui sert son histoire, mais j'y reviens juste après. Ce qui est "amusant", c'est aussi cette distinction entre chaque pays et entre les juifs, avec plusieurs sortes d'animaux. Mais en fait on rentre très vite dedans, le dessin ne gênant plus à partir de deux pages. Et certaines planches sont véritablement belle (si !). Mais surtout, la grande force de Maus, son excellence, c'est ce scénario à deux facettes, cette histoire double d'un père et de son fils, d'une opposition constante dans le présent ramenée à une relation beaucoup plus calme et simple dans le récit du passé. Les deux livres sont découpés en plusieurs chapitres, avec un nouveau chapitre de l'histoire du père intercalée entre deux tranches du présent. Du coup, on se sent comme Art Spiegelman, comme si on le suivait dans sa recherche historique du passé. On est avec lui dans la vie, et comme lui on écoute parler ce père marqué à vie par l'épisode de sa vie qu'il conte. Car il ne raconte pas, il conte véritablement. On est entrainé dans une histoire tellement prenante qu'il est quasiment impossible de décrocher dès que l'on rentre dedans. Analyser Maus est quelque chose d'énorme, dans lequel je n'aurais pas la prétention de me lancer. Mais cette œuvre touche tout public, par son message, par son humanité et sa dés-humanité, par ces deux histoires à la fois triste et pourtant terriblement vraie. Maus est bien plus qu'un simple témoignage sur les camps. C'est un témoignage sur l'humain, sur son horreur, sur ses faiblesses et ses forces, sur sa partie la plus sombre et parfois aussi la plus belle. Sur nos actes et leurs conséquences funestes, parfois bien plus loin qu'on ne le pense. Cette BD est à mon avis un indispensable sur n'importe quelle étagère d'un lecteur, même occasionnel. Il est presque impossible de passer outre.


J’ai toujours été fasciné –d’horreur, cela va de soi- par le nazisme et la shoah. L’extrême brutalité des faits qui se sont déroulés il y a à peine 70 ans m’interpelle au plus haut point. C’est en effet tellement aux antipodes de ma nature, que, de temps à autres, j’ai besoin de ce genre de témoignages pour me dire, « si si, ça c’est effectivement produit. L’homme peut être à ce point cruel ». On redécouvre l’horreur de l’Allemagne nazie, mais on fait aussi connaissance avec un mal dont on parle moins : ce que devient la nature humaine en de pareilles circonstances, ou comment l’homme peut redevenir l’animal qu’il prétend ne pas être, illustré par les relations entre certains juifs, parfois de la même famille. Art Spiegelman nous livre un véritable oxymore en bandes dessinées, dans le sens où il arrive à produire une belle histoire à partir des faits les plus abjects. C’est la vie qui triomphe, et ça arrive même à se terminer en happy end. D’abord, il y a cette couverture, magnifique dans l’effroi qu’elle dégage. Cette croix gammée est comme un avertissement, telle une tête de mort sur une bouteille de poison. Attention ! Cet ouvrage peut s’avérer dangereux pour l’âme ! En effet...c’est parfois très dur, et il m’a fallu interrompre ma lecture à plusieurs reprises pour me préserver du spleen. Le premier soir où j’ai lu cette BD, j’en ai rêvé la nuit. Ensuite, il y a le prologue, deux pages, pas plus, qui nous font comprendre comment un petit garçon d’une dizaine d’années peut réaliser que son père a vécu des choses hors normes. Redoutable d’efficacité. La première qualité globale de cette série est l’efficacité avec laquelle l’auteur arrive à transfigurer les sentiments en images. Le fait que les humains soient représentés en animaux rend déjà l’histoire à peine supportable pour l’esprit. Spiegelman a su manipuler cet artifice avec un grand talent: des souris juives, portant un masque de cochon lorsqu’elles se font passer pour des polonais, ou un masque de chat lorsqu’elles se font passer pour des allemands. C’est très bien pensé et réalisé. Cette qualité de mise en image est également illustrée lorsque notre auteur-narrateur se transforme en petit garçon lorsqu’on le voit dépassé par le succès de son livre, ou lorsqu’il mêle des scènes du passé à des scènes du présent (leur voiture qui file sur une route bordée de prisonniers pendus, par exemple). Le moindre outil visuel est utilisé pour nous plonger dans cet univers à la merci des nazis, puisque le « s » en éclair de la Schutzstaffel est employé dans les phylactères, et qu’il se cache ça et là dans les cases, comme dans les plis d’un manteau, par exemple. La chronologie du récit est également excellemment menée, en ce sens, que les faits passés sont entrecoupés de scènes de la vie réelle et contemporaine la vie des Spiegelman, lorsque le fils interroge le père. Ces pauses dans le récit évitent non seulement la monotonie et l’ennui, mais en plus, elles apportent un sentiment d’authenticité supplémentaire : on comprend comment cette BD s’est construite, dans quelle atmosphère, c’est un véritable « making of » intégré. On apprend à faire connaissance avec le personnage du père, qui est antipathique dès le début. Parfois méprisant et toujours d’une extrême radinerie, c’est, comme le fils le dit lui-même dans cet album, « une caricature du vieux juif avare ». Cela semble aller jusqu’à la folie, comme lorsqu’il laisse allumer en continu un brûleur de la gazinière de sa maison de vacances pour économiser des allumettes, le prix du gaz étant compris dans le loyer. Mais, au fur et à mesure du récit, on se prend de compassion pour cette personne qui a du faire preuve de trésors d’ingéniosité pour survivre en enfer. Il a juste été marqué au fer rouge par ce mode de vie. Les sentiments sont livrés de façon brute, et la sotte simplicité du manichéisme n’est pas abordée ici. On découvre aussi le côté sombre mais humain de cet être qui, à la fin de la guerre, se réjouit du malheur d’une famille allemande déchue, ou qui, bien plus tard, peste contre sa belle-fille qui prend un noir en auto-stop. Maus, c’est une bande dessinée, un fragment de l’humanité, une histoire réelle, des leçons à tirer, et, pour moi qui suis de nature optimiste, une preuve que la vie peut triompher, même lorsque tout espoir semble perdu. (82)


Maus fait partie de ces BD qu'il me fallait lire mais qui n'avait jamais réussi à me faire passer la dizaine de pages, en cause principalement le graphisme. J'ai beaucoup de mal à rentrer dans une histoire où le dessin est difficile. Et comme souvent lorsque l'on raisonne de la sorte, on passe à côté de quelque chose. Et là, ce n'est pas quelque chose, c'est un témoignage édifiant, une œuvre majeure traitant du(es) génocide(s) antisémite(s) des années 30 à l'immédiate après guerre. Alors oui, graphiquement c'est moche, ça pique aux yeux mais après quelques pages, on n'y fait plus guère attention, tant chaque personnage colle bien à son animal totem. Alors certes c'est un peu manichéen (souris/chat/porc) mais on peut comprendre la symbolique surtout au regard des horreurs vécues. Le témoignage est édifiant, poignant, c'est véritablement à faire lire dans toutes les écoles comme un classique je pense. Il y aurait de quoi faire de l'explication de texte intelligente et donner goût à la lecture et à l'histoire. Une des forces du récit est de ne pas oublier les petites faiblesses du peuple israélite, personne n'étant blanc ou noir. S'il ne devait y avoir qu'une BD dans mes rayonnages, ce serait celle-là.

Que dire devant l'indicible ? Il m'a fallu des années pour avoir le courage d'ouvrir ce monument. Je n'ai pas réussi à le lire d'une traite. Il m'a fallu quinze jours pour attaquer la deuxième partie, qui démarre avec l'arrivée à Auschwitz. Et l'expérience a été conforme à l'idée que je m'en faisais. Elle m'a hanté plusieurs semaines. L'horreur absolue ne nous est pas assénée d'un grand coup qui anesthésierait la conscience à trop la sidérer. Non, on entre petit à petit, jour après jour, recul après recul, dans l'insupportable. On prend le temps de connaître le personnage principal, Vladek Spiegelman, homme loin d'être parfait ou héroïque, qui ne se singularise, on ne s'en rend compte que peu à peu, que par une hallucinante capacité à survivre. Il n'a pu raconter que parce qu'il avait survécu. Peut-être est-il la seule personne à avoir passé dix mois à Auschwitz et à en être ressorti vivant, à avoir "habité" à Auschwitz, là où la plupart ne venaient qu'y mourir. C'est cette incroyable rareté, ce mélange de chance et d'opiniâtreté, qui rendent son témoignage si précieux. Vladek Spiegelman est une anomalie statistique. De ceux qui en avaient tant vu, aucun n'était censé revenir. Mais Maus, c'est aussi un récit de l'après : comment vivre avec ça ? Qu'est ce que les survivants peuvent transmettre à leurs enfants ? On sent l'auteur hanté lui aussi par ce passé dont il hérite mais qui ne pourra jamais lui appartenir. En réalité, ce passé, ce questionnement, c'est le nôtre à tous. Nous devrons vivre en sachant que ça a vraiment eu lieu.

Maus est la BD qu'il vous faut avoir dans votre bibliothèque! A titre personnel, c'est par cette lecture que je me suis passionnée pour la BD, une copine me l'avait prêté, elle la faisait tourner à tout son entourage pour la faire connaître. Et j'avoue qu'à la lecture, je n'ai pas été déçue. Un fils raconte son père mais aussi leurs relations à travers un épisode douloureux : la déportation dans les camps que ses parents ont vécue. Sont abordés la vie en cachette pour ne pas se faire prendre, la vie dans les camps, la libération, les conséquences et les marques sur la vie ensuite. L'originalité du dessin contribue à l'immersion dans cette BD : le parti pris de ne pas illustrer des humains mais des animaux, chaque identité est remplacée par une espèce animale - les nazis en chats, les Juifs en souris, les Polonais en cochons... J'ai adhéré immédiatement au concept. J'ai bien sûr acheté cette BD par la suite...
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