Total Jazz

Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 4 avis)

Un recueil de planches réalisées par Blutch pour la revue Jazzman.


Blutch École supérieure des Arts décoratifs de Strasbourg Jazz Les petits éditeurs indépendants Musique

Entre 2000 et 2003, Blutch a signé chaque mois une planche de BD pour le magazine Jazzman. Ce livre, qui les rassemble toutes, vous montrera entre autres les différents visages de Dieu (également connu sur Terre sous le nom de Miles Davis), l'identité secrète de Sun Ra, ou ce qu'il restera de Chet Baker quand son image de chanteur de charme se sera évaporée... Vous y verrez aussi qu'on peut être une sale brute qui bat sa femme, et néanmoins savoir tirer de son saxo des notes d'une beauté capable d'émouvoir aux larmes les demoiselles ; qu'on peut jouer chez les yéyés pour vivre, mais ne vivre réellement qu'une fois rentré chez soi pour y écouter Duke Ellington ; qu'être détective du jazz n'est pas un métier de tout repos.

Scénario
Dessin
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution Septembre 2004
Statut histoire Histoires courtes 1 tome paru

Couverture de la série Total Jazz © Cornélius 2004
Les notes
Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 4 avis)
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21/03/2005 | Cassidy
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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
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Personne n'a raison et rien n'est vrai. - Ce tome regroupe des histoires courtes initialement parues dans le magazine Jazzman à partir des années 2000, ainsi qu’une introduction réalisée spécialement pour le recueil et plusieurs dessins supplémentaires. Sa parution initiale date de 2013. Il a été entièrement réalisé par Blutch (Christian Hincker), scénario et dessins. Il compte environ soixante-cinq planches de bande dessinée. Il s’agit d’un ouvrage en noir & blanc, seules les deux premières histoires comportant des nuances de gris. Avant-propos – Un jeune indien vient trouver le grand sachem. Il souhaite avoir son avis au sujet du travail qu’il a commencé sur la musique du jazz, il y a bien des lunes. Il s’agit maintenant de rassembler tout ce matériel en un volume présentable. C’est une chance mais aussi une responsabilité. Le livre en question doit réunir en recueil les histoires en une page qu’il faisait pour Jazzman, un journal de blancs. Au départ, il se sentait indomptable. Prêt pour mille histoires, et voilà qu’au bout de trente-six lunes, il tombe à genoux sur le sentier. Épuisé, lessivé et pire encore. Il est écœuré, chef. Écœuré du jazz. Depuis quinze – vingt ans, il en a tellement convoité, acheté, accumulé, acheté, qu’il est devenu une espèce de spécialiste. C’est sa vie et il tenait son rôle, mais aujourd’hui dès qu’il met un CD dans le lecteur, c’est lui qu’il voit, c’est lui qu’il entend. Lui. Lui dans un miroir. Coltrane, c’est lui ! Miles Davis, c’est lui ! Mingus, c’est lui ! Et tous les autres, les grands, les petits ! Lui lui encore lui ! Il tourne en rond. Ce livre est un mensonge ! Que doit-il faire ? Avertissement – Le grand sachem assis en tailleur suppose que lui et le lecteur souffre du même démon, et que cette histoire leur appartient, tout comme ils lui appartiennent. Le son des mots : la belle Chokolé, princesse apache, accueille Couguar, un guerrier, de retour ; ils parlent des mots nouveaux, des mots mystérieux qu’il a rapportés de son voyage, et qui sonnent bien. Le son : Stan Getz se tient debout, dans la lumière de deux projecteurs, et il porte la hanche de son saxophone à sa bouche. Le son commence à en sortir en mélopée, sous les yeux d’une belle jeune femme assise à la table du premier rang. La scène : un homme et une femme afro-américains s’embrouillent et il commence à la frapper. Puis il doit partir et il joue tranquillement du saxophone devant le public d’un café. La vie d’artiste : sur la branche d’un arbre, un petit piaf joue du saxophone avec verve et sensibilité, y mettant tout son cœur et toute son énergie. Des chats viennent l’écouter, admiratifs. Sur scène, Danilo Perez se concentre sur le clavier de son piano, John Patitucci gratte les cordes de sa contrebasse attentif au pianiste, Brian Blade les accompagne à la batterie, Wayne Shorter transforme le tout en s’exprimant au saxophone, parc floral de Paris, le 15 juillet 2001. La muse : elle apporte le café du petit déjeuner au bassiste dans les années 1950, elle est penchée sur le clavier du pianiste dans les années 1960, elle écoute avec admiration le saxophoniste dans les années 1970, elle est sur le lit de la chambre d’hôtel alors que le trompettiste s’échauffe. Transcrire la musique en bande dessinée, ou même le ressenti, les sensations, les émotions qu’elle génère, relève de la gageure, car sa nature même exclut la présence même du son dans ce mode d’expression. Parler de jazz : un autre défi insensé, pour évoquer ou capturer un instant insaisissable, une dynamique de groupe, des interactions naissant de l’inspiration du moment, des improvisations aussi spontanées qu’éphémères. Dans son avant-propos, le bédéiste développe plus avant sa problématique : des pages réalisées une dizaine d’années auparavant et il n’aurait plus la même approche pour parler de ces sujets, une connaissance niveau expert du jazz, peut-être obsessionnelle au point d’en dire beaucoup plus sur sa personnalité que sur le jazz lui-même. Le lecteur a vite fait de pouvoir le constater : il croise les noms de Stan Getz (1927-1991), Wayne Shorter (1933-2023), puis dans la foulée Jaki Byard (1922-1999), Charles Mingus (1922-1979), Sun-Ra (1914-1993, Herman Poole Blount), Don Pullen (1941-1995), Martial Solal (1927-). Certains de ces artistes ne figurent pas sur les listes des musiciens jazz les plus célèbres et dénotent une connaissance pointue de cette branche de la musique. Ce constat se trouve confirmé avec la mention de Buddy Bolden (1877-1931) ou Bubber Miley (1903-1932) emmenant le lecteur aux sources historiques du jazz, ou encore Sonny Sharrock (1940-1994) guitariste et un des pères de la guitare free jazz. Le lecteur amateur reprend pied avec des références à des artistes plus connus comme Duke Ellington (1899-1974), John Coltrane (1926-1967), Lee Morgan (1938-1972), Ornette Coleman (1930-2015), Chet Baker (1929-1988), et bien sûr Miles Davis (1926-1991) érigé par l’auteur au statut de véritable messie du jazz, et même de Christ. S’il n’a pas connaissance du caractère composite pour partie de l’ouvrage, le lecteur commence par se dire que le bédéiste, lui aussi, se lance dans autant d’improvisations que d’histoires. La couverture faisant d’une jeune femme blanche la muse des musiciens afro-américains, les vingt-quatre portraits de musiciens jazz célèbres en deuxième de couverture et sur la page en vis-à-vis, l’étrange dessin avec une touche de couleur d’un homme torse nu dans la page de titre, le dessin crayonné de quatre musiciens sur scènes, avec une jeune fille endormie à leur pied, les trois pages de l’avant-propos à l’encre pour des silhouettes esquissées par des traits tremblés, l’avertissement sous forme de deux cases de la largeur de la page avec des nuances de gris, Le son des mots en six pages dans un même mode de représentation, puis les trente-huit entrées en un page à l’encre avec des cases et des bordures, ou des dessins sans bordures, au pinceau ou à l’encre, les deux pages avec une touche de couleur pour le festival de jazz à Marciac, ou encore l’enquête en six pages du détective du jazz à la plume, sans oublier une esquisse au crayon d’une couverture pour le magazine Jazzman. Toutefois à la lecture, les trente-huit entrées présentent une forte cohérence dans leur approche de musiciens de jazz, et la différence d’approche des autres apparaît légitime du fait de la nature distincte de l’anecdote ou du point de vue. L’amateur de musique jazz appréciera la connaissance de l’auteur en la matière, que ce soit l’évocation des précurseurs comme Buddy Bolden et Bubber Miley, ou les hommages rendus à Miles Davis, érigé en saint patron du jazz, à la tonalité et au phrasé uniques de Stan Getz, à la façon de se désagréger dans le néant de Chet Baker, ou encore à la présence physique de Charlie Mingus. Il saura également savourer la justesse des anecdotes choisies pour ces créateurs. Ces différents moments de l’histoire du jazz forment bien plus qu’une collection d’anecdotes pour rendre gloire à ces musiciens. L’artiste invoque de multiples facettes de la vie de ces musiciens et de leur musique. Il se montre admiratif de ces créateurs, mais sans se montrer complaisant. Il met en scène la solitude du soliste devant le public, parfois avec cruauté comme ce petit oiseau qui a tout donné pour un public de chats et qui se fait croquer quand il a fini épuisé, ayant tout donné, ayant craché ses tripes, et que l’attention des chats se reportent sur un nouvel oiseau qui va se lancer dans un solo. Cette forme de vampirisation du créateur se retrouve également dans la mise en scène de la ségrégation raciale, du racisme affiché, et de la pauvreté des musiciens. Cela peut prendre la forme d’un musicien noir acclamé sur scène à Paris dans les années 1950, courtisé en terrasse ou au restaurant par les admirateurs et les admiratrices, et montré du doigt dans la rue par le vulgum pecus. Blutch s’amuse également de l’image et de la réputation du jazz. Dans la page intitulée Étude du préjugé de la bande dessinée classique envers le jazz, il détourne des personnages comme Bianca Castafiore, Pirlouit ou le barde Assurancetourix pour en faire des musiciens de jazz, qui provoquent des réactions de rejets des autres personnages. Au travers de ces scénettes, l’artiste évoque de multiples facettes de cette musique au fil des décennies : son origine afro-américaine et créole, le décalage qu’il peut y avoir entre personne privée et musicien en public (un saxophoniste qui bat sa femme et qui émeut aux larmes son public), la dynamique de groupe de musiciens et la transformation qui s’opère quand le meneur intervient dans un solo, le rôle de la muse, l‘effet toujours différent et renouvelé du solo d’un artiste à un autre, l’incompréhension et le rejet de cette musique par le grand public (avec l’exemple de A love Supreme, 1965, de John Coltrane), une forme encore plus extrême d’ostracisation avec l’exemple d’une saxophoniste femme et afro-américaine (intersectionnalité), l’investissement total d’un musicien de studio juste pour quelques prises, l’évolution des rayons de jazz dans les grandes chaînes de disque dans le sens de la diminution, le décalage total entre l’image raffinée et de détente du jazz et la réalité de son écoute (avec l’exemple de Something else, 1958, d’Ornette Coleman), etc. Il met en scène l’inspiration, en particulier la présence d’une belle femme ayant des effets immédiats sur la manière de jouer du musicien. Il rend un hommage à la puissance créatrice de Miles Davis, au fait qu’il se soit renouvelé, réinventé même au fil des décennies et à sa solitude consubstantielle du fait de se trouver au sommet, au firmament même. Dans son avant-propos (en bande dessinée), l’auteur présente l’historique de ce projet, ses réticences à regrouper des scènes en une page réalisées il y a quelques années, le caractère presque obscène à rendre publique une passion si intense qu’elle avoisine l’obsession et le narcissisme. Ainsi averti, le lecteur peut prendre le recul qu’il souhaite, et il peut tout autant apprécier ces évocations du jazz au travers de quelques musiciens, quelques réalités sociales, avec une narration visuelle à la fois rigoureuse et libre, allant d’observations générales à des cas particuliers pour afficionados, du jazz classique au jazz le plus free, des chefs d’œuvre passés à la postérité à l’instant éphémère à jamais disparu portant en lui la mortalité de l’individu et l’expression personnelle la plus intime.

20/09/2024 (modifier)
Par Gaston
Note: 3/5
L'avatar du posteur Gaston

Personnellement, le Jazz me laisse plutôt indifférent et j'ai lu cet album uniquement parce que j'aime le dessin de Blutch. Je ne fus pas déçu car le dessin est magnifique. J'aime son style dynamique et complètement énergétique. Son noir et blanc est fabuleux. Il a magnifiquement représenté la passion qu'il avait pour le jazz. Ses différentes histoires ne sont pas mémorables, mais elles m'ont souvent fait sourire et il y a des bonnes idées. J'ai passé un bon moment quoique je ne suis pas sûr de relire cet album un jour.

23/11/2014 (modifier)
Par L'Ymagier
Note: 3/5

Un tome qui rassemble une cinquantaine de planches relatives au jazz mais –surtout- autour de ceux qui lui ont donné ses lettres de noblesse. On y trouve ainsi –entre autres- Miles Davis, Chet Baker, Stan Getz… L’auteur –Blutch- a commencé la parution des planches dans le magazine « Jazzman », ce dès l’année 2000. Et à lire et voir le contenu, je pense que le dit auteur est vraiment un amoureux fou de ce style musical et qu’il a vraiment mis ses tripes pour en faire une BD VALABLE. Car, même si vous n’êtes pas amoureux –ou même attiré- par ce qui avait été qualifié de « musique de Noirs », il faut reconnaître que l’on a affaire ici a quelque chose de « bien ». Blutch dépeint ce qui lui est une vraie passion par un graphisme au trait nerveux, « travaillant » bien cette dualité que le sont le noir et le blanc. Un album soigné, documenté où Blutch ne s’est pas cantonné aux « normes » de la BD, mais a réalisé une vraie improvisation dessinée pleine d’émotion. Mode d’emploi ?… mettre un bon vieux 33 tours de jazz, entrer dans le livre… et vivre quelques moments hors du temps.

13/01/2008 (modifier)
Par Cassidy
Note: 3/5

Blutch, dans le prologue du livre, semble presque s'excuser de l'existence de celui-ci... En gros, il n'aime plus son contenu, qui représente une période révolue de sa vie, celle où il était ce qu'on peut appeler un "fan professionnel de jazz". Vous savez, un de ces mecs qui peuvent vous réciter la liste de tous les musiciens qui accompagnaient Count Basie sur un 45 tours édité en 30 exemplaires en 1954, ou vous dire de quelle couleur étaient les chaussettes de Thelonious Monk lors de son premier boeuf avec Charlie Parker. Bon, bref. Quand l'auteur d'un bouquin désavoue sincèrement lui-même son propre travail, vous admettrez qu'il y a de quoi s'inquiéter un peu... Et à vrai dire, il faut bien reconnaître que les planches compilées ici, de qualité inégale aussi bien au niveau du dessin que des histoires, n'atteignent jamais des sommets, surtout du point de vue d'un lecteur comme moi qui, sans être allergique au jazz, n'en suis pas non plus un fondu comme les lecteurs du magazine à qui ces petites saynètes s'adressaient à l'origine. Il y a dans ce bouquin des pages entières qui, à mon avis, n'auront à peu près aucune signification, aucune résonnance pour quelqu'un qui n'a pas une bonne "culture jazz". Cela étant dit, certaines de ces petites histoires, même très simples, sortent du lot, mais je le répète, aucune n'est franchement exceptionnelle. Et pourtant, en refermant l'album, on se dit qu'au bout du compte, l'ensemble vaut plus que la somme de ses parties, et que sans être indispensable ni aux fans de Blutch ni aux mordus de jazz, Total Jazz est néanmoins un album loin d'être inintéressant. La préface, signée par le rédac'chef de Jazzman, nous dit que "ce n'est pas un album sur le jazz, c'est un livre de jazz". Evidemment, les préfaces sont toujours pleines de formules élogieuses et creuses destinées à faire croire que c'est un bouquin exceptionnel qu'on tient entre les mains, surtout les préfaces de nouvelles mangas. Mais bon, là, c'est pas une nouvelle manga et, pour une fois, la phrase n'est pas dénuée de sens. Il est vrai qu'on n'apprendra rien sur l'histoire du jazz et des jazzmen à la lecture de cet album. En revanche, ces petites séquences retranscrivent joliment une "ambiance jazz" élégante ; mises bout à bout, elles composent un morceau où se succèdent des moments de mélancolie, des moments plus enjoués, des passages qui semblent presque improvisés, des thèmes qui reviennent... Un morceau de jazz, quoi ! Bref, un ouvrage assez séduisant à défaut d'être totalement convaincant.

21/03/2005 (modifier)