Thor - Loki
Chaque histoire, chaque légende peut être racontée de manières différentes. Le moment est venu de connaître le point de vue de Loki, le demi-frère de Thor.
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Chaque histoire, chaque légende peut être racontée de manières différentes. Le moment est venu de connaître le point de vue de Loki, le demi-frère de Thor. Sa soif insatiable de pouvoir, ses sentiments ambigus pour Lady Sif, sa haine envers Thor prennent une toute autre dimension dans ce graphic novel écrit par Robert Rodi et magnifiquement mis en peinture par Esad Ribic, qui nous plonge dans l'univers onirique du fabuleux royaume d'Asgard.
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Date de parution | Mars 2005 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Mythologique - Cette édition contient les 4 épisodes de la minisérie Loki parue en 2004, scénario de Robert Rodi, illustrations et couleurs d'Esad Ribic. Loki Laufeyson est installé sur le trône d'Asgard, Thor enchaîné est à ses pieds, Odin est confiné dans ses quartiers, Balder est emprisonné, Sif également. Sa victoire est complète et totale. Il ne lui reste plus qu'à contenter les alliés qui lui ont permis cette victoire, décider du sort des vaincus, à commencer par celui de Thor, et s'installer à la tête d'Asgard. Pour l'accroche de cette série, Marvel avait choisi de mettre en avant qu'il était temps pour le lecteur de découvrir le point de vue de Loki, sur ses relations conflictuelles avec son frère. Robert Rodi a l'idée intéressante de placer Loki dans une situation où il a gagné et obtenu tout ce qu'il souhaite. le lecteur le découvre en train de mettre son frère plus bas que terre, en train de se vanter auprès de son père adoptif, en train de tenir la dragée haute à Hela, etc. Il lui reste à réinventer sa place à Asgard dans ce nouvel ordre des choses. Au fil de ses péroraisons, Loki se remémore quelques moments de sa vie et la manière dont les autres asgardiens l'ont traité, ce qui ont façonné son approche de la vie. Le premier plaisir immédiat de cette lecture se trouve dans les illustrations peintes d'Esad Ribic. Il emploie des couleurs délavées qui confère une ambiance intemporelle au récit. Ribic dépeint Asgard sous la forme d'un immense château, tout en blocs de taille énormes et massifs. de temps à autres, une poutre, elle aussi massive, renforce la structure. Au fil des pages, l'architecture d'Asgard évoque le haut moyen-âge, mais aussi les constructions plus anciennes de la Grèce antique. Ce décor souligne le fait que les personnages ne sont pas des mortels, mais des dieux évoluant dans un temps qui ne connaît pas le changement, dans des structures qui ne subissent pas l'érosion du temps. Les lieux deviennent immanents et permanents. Cette approche trouve sa limite quand Ribic se hasarde à montrer les constructions entourant le château principal d'Asgard. Lors de ces rares occurrences, il développe une société moyenâgeuse qui rompt le charme de l'immersion car elle ramène ces individus plus grands que nature à de simples seigneurs féodaux. Ribic a également l'art et la manière de dramatiser les scènes sans les rendre artificiellement théâtrale. La première image montre Thor à genoux sur un dallage de pierre, la tête baissée sous le poids d'un joug. Il est à la fois musculeux, et complètement soumis. L'image est saisissante tellement elle est éloquente. Tout au long des 4 épisodes, Ribic conjure d'étonnants visuels qui restent dans la mémoire, qu'il s'agisse de Thor enchaîné, de Sif dans sa cellule, Karnilla en pleine incantation, d'autres versions de Thor et Loki, etc. Ribic sait capturer la majesté de ces personnages, leur port altier et leur dimension shakespearienne. Il n'y a que les costumes de Hela et Sif (deux personnages féminins) qui semblent mal accordés à cette vision régalienne des personnages. Ribic a choisi de donner un corps d'athlète à Loki, et de l'affubler d'une dentition irrégulière avec des dents manquantes, comme s'il voulait combiner la divinité de Loki avec le coté pernicieux de sa malignité. Ce dernier point physique rejoint le parti pris de Rodi qui est de montrer Loki avec ses faiblesses. Alors qu'il se trouve sur le trône, Loki refuse de prendre les responsabilités de régent du royaume ; il remet au lendemain toutes les décisions relatives à la gestion des conflits et aux doléances des représentants de ses sujets. C'est comme si Rodi voulait attirer l'attention du lecteur sur le fait que Loki est d'essence mauvaise ; il n'est pas le héros du récit, mais simplement le personnage principal. Cette composante diminue un peu l'impact de la narration car elle insiste sur un clivage Bien / Mal. Rodi n'ose pas aller au bout de son idée et faire de Loki un héros incompris par le reste de ses pairs, le dieu de la malignité assurant son office de manière légitime. Mis à part ce manque d'audace, Robert Rodi réussit son pari de faire parler Loki tout au long du récit, sans tomber dans un soliloque trop artificiel, et de montrer son point de vue. Il embrasse complètement la mythologie nordique adaptée à la sauce Marvel et développée par Stan Lee et Jack Kirby (Balder, Heimdall, Sif, Karnilla), tout en réservant quelques surprises piochées dans le canon de cette mythologie. Mais le tour de force accompli par Rodi est de ne pas se laisser emprisonner par l'une ou l'autre des continuités (Marvel, ou mythologie nordique). Dans un moment exceptionnel, il embrasse les contradictions des différentes versions, tout en augmentant encore la dimension dramatique du personnage. Rodi réussit à convaincre le lecteur de l'évolution de Loki, de son revirement et de sa possible rédemption. Il bâtit avec aisance un portrait psychologique crédible de Loki qui justifie ses motivations et ses actes. Le scénariste et l'illustrateur se sont emparé du supercriminel Marvel pour lui redonner toute sa dimension mythologique et en faire un personnage repoussant pour lequel le lecteur ressent une forte empathie et finit par espérer une issue heureuse. Rodi et Ribic proposent une vision très personnelle d'Asgard, entièrement mythique, siège de drames shakespeariens, et totalement envoûtante. Robert Rodi a écrit 3 autres histoires pour Thor : Au nom d'Asgard, Les retrouvailles et La saga des Déviants.
Aaah, l'idée est attrayante, et pas dénuée d'ambition. Revisiter le personnage de Loki pour en faire une lecture nouvelle et proposer un regard inédit, voilà une matière de base pleine de promesses. Lorsqu'en plus on voit le style des dessins, très réalistes et qui font inévitablement penser au superbe style d'Alex Ross, la tentation se fait grande. Loki vient de vaincre Odin et Thor. Devenu le seigneur d'Asgard, les ennuis commencent ! Les alliés qui lui ont permis de vaincre viennent demander ou exiger leur dû et ne le laissent pas en paix. Son peuple doit être gouverné, des décisions doivent être prises. Las ! Loki n'est pas vraiment fait pour ce rôle. On découvre au fil des ses pérégrinations dans son palais, de ses réflexions, souvenirs et actes son visage. Celui d'un jeune garçon adopté par Odin qui tua jadis son père, rejeté par tous, cible de toutes les moqueries. Moins fort (chétif), moins beau (laid), moins aimé (rejeté), moins monolithique (complexe), moins franc (rusé), il est le parfait opposé de Thor. La question de son histoire est posée de manière aigue : est-il responsable de ce qu'il est, ou bien Odin qui l'adopta en dépit du bon sens, ou encore tous ceux qui l'ont rejeté et ont donc particpé à sa construction, ou encore l'inflexible destin, si puissant au royaume des dieux ? Le paradoxe, et non des moindres, est qu'à présent Loki doit exécuter Thor. Loki le hait, certes, mais à cause de la comparaison entre lui et Thor, comparaison qui se trouve dans le regard des autres. Car Loki l'aime, lui Thor, le seul à lui avoir témoigné de l'affection dans cet océan de mépris. Voilà, sujet assez fort donc, puisque tout comme la mythologie il touche aux racines de l'être. L'album est en outre grand pour un comics (presque du A4), ce qui lui donne une ampleur appréciable. Les textes ont une sonorité archaïque, sont bien rendus, et participent largement au charme de l'histoire. Par contre sa force est quelque peu émoussée par un final à mon avis trop brusque, trop rapide. Par le dessin également, qui bien que très beau est malheureusement très peu contrasté (la faute à l'impression peut-être ?), perdant ainsi beacoup en netteté et en détails. En outre - et contrairement à Alex Ross - si techniquement le dessin est superbe, en revanche la plupart des visages sont assez laids (je pense à Loki, bien sûr, mais aussi à Balder, Daïa, Frigga, Farbauti...) Dernière chose : si vous n'aimez pas les récits introspectifs et plutôt contemplatifs, ne lisez pas Loki. Ce n'est pas du Taniguchi bien sûr, mais il ne brille pas non plus par son côté action.
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