L'Ascension et autres récits
Venu du niveau le plus bas, l'enfer, un homme gravit un à un les étages de la Cathédrale. Son ascension durera des années : il croisera des gens remarquables, dotés d'un "supplément d'âme", des théoriciens affirmant que la Cathédrale est un organisme vivant, un peintre qui l'attendait pour achever son tableau… et atteindra enfin le niveau le plus élevé, pour l'ultime révélation.
Marc-Antoine Mathieu
Il continuait son ascension, toujours guidé par cette même présence qu'il percevait dans les regards. Il fit d'innombrables rencontre : un maçon lui fit découvrir le son du grand orgue. Il apprit à lire sur les tapisseries d'une des nefs centrales. Plus tard, aux ateliers d'enluminures, il sut que l'encre des incunables était élaborée avec la cendre des livres brûlés dans l'enfer. Et toujours, il montait des escaliers. Il en vint à oublier de compter les années et les niveaux. Mais jamais il n'omit de dessiner dans le registre le chemin parcouru. Sommaire :
- P. 5 : L'ascension
- P. 27 : Chez Noël
- P. 33 : Les pavés Saint-Eloi
- P. 39 : Le cimetière
- P. 43 : Le dernier
- P. 47 : Monsieur Hamid
- P. 53 : Le port de Nantes
- P. 57 : La valise
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Date de parution | Mars 2005 |
Statut histoire | Histoires courtes (album unique) 1 tome paru |
26/03/2005
| ThePatrick
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Les avis
Je suis lecteur compulsif et admiratif de l’œuvre de Marc-Antoine Mathieu, et mon avis ne sera sans doute pas totalement objectif. Mais, si je vais crier moins fort ici mon admiration que pour d’autres de ses productions, je dois quand même dire que cet auteur a su tôt développer un univers qui lui est propre, et qui, sortant de l’ordinaire, fouette notre imagination. « L’Ascension », le récit le plus long, et qui donne logiquement son titre au recueil, est clairement le plus abouti, mais aussi celui qui s’approche le plus de l’univers « classique » de MAM. On y retrouve donc son dessin stylisé, qui use d’un Noir et Blanc tranché, jouant sur une ligne claire et un clair-obscur très froids, avec des décors géométrique, des personnages assez statiques, presque dénués de traits, en tout cas où l’émotion reste voilée. Et aussi une ambiance qui doit beaucoup à Borgès (même si ici celle de Kafka n’est pas très présente, contrairement à sa série fabuleuse qu’est Julius Corentin Acquefacques), un fantastique étrange – sans être inquiétant. Cette histoire avait été préalablement publiée dans un recueil collectif, Le Retour de Dieu (elle était la plus aboutie de toutes d’ailleurs). Les « autres récits » dénotent un peu de « L’Ascension », pour plusieurs raisons. D’abord parce que, pour la moitié de ces très courts récits, MAM n’est pas seul à bord, puisqu’il adapte des textes de son frère. Ensuite parce que ce sont des histoires des « débuts » de l’auteur, elles sont plus anciennes. Si le dessin use déjà d’un Noir et Blanc assez marqué, le style est encore très différent de ce qui le caractérisera presque à chaque fois par la suite. C’est ainsi que le trait est beaucoup plus réaliste, bien moins épuré. Si une certaine noirceur domine aussi, il n’y a pas ici le même fantastique, la même dérive froide au milieu de labyrinthes (administratifs ou « réels ») montrant l’influence de Borgès ou de Kafka. Mais ces petits récits, certes moins intéressants et forts que « L’Ascension » ou le reste de l’œuvre de MAM, méritent quand même le détour (seul « Le port de Nantes » m’a laissé un peu sceptique). « Le dernier » a même une chute ironique jouant sur un humour noir qui n’est pas sans me rappeler certains récit de Moebius ou de Bilal (période Mémoires d'outre-espace). Il est clair que ces petits récits doux-amers intéresseront davantage les amateurs de cet auteur original et majeur, car on peut y voir l’évolution de son style (graphique autant que narratif) : mais ils ne sont pas dénués d’intérêt pour les autres pour autant. A noter que ce recueil bénéficie d’une introduction importante et éclairante – qui s’apparente à une étude, de la part de Thierry Groensteen (toujours très pertinent dans ses analyses du média bande dessinée). Note réelle 3,5/5.
Les autres récits, c’est l’ingrédient qui m’a le moins enthousiasmé dans la composition de l’album. Sept nouvelles de 2 à 5 pages dénotant pour la plupart une tonalité sombre et une dimension réflexive inhérente à l’œuvre de Marc Antoine Mathieu qui se pare, pour l’occasion, d’un réalisme assez inhabituel chez cet auteur. Au-delà de thèmes visités de façon plutôt pessimiste (le quotidien, la solitude, la mort ou le regret), chaque récit requiert une investigation intellectuelle plus personnelle pour réellement profiter de l’étendue psychologique et philosophique du propos. L’hiatus, c’est que la brièveté entraîne une certaine « brutalité » du message dont le potentiel de percussion et d’efficacité va se retrouver directement lié au « dialogue à distance » immédiat qui se crée avec l’artiste. Dès les premières cases, il est nécessaire d’établir une connivence, une connexion quasi instantanée des sensibilités auteur/lecteur. Ce n’est pas toujours le cas. Pour moi, cela a excellemment fonctionné avec Les pavés Saint-Eloi et à un degré moindre avec Le port de Nantes et La valise, les autres chroniques me laissant plus circonspect. Il en ira différemment pour chacun. Mais venons-en à l’ascension, le morceau de choix. 19 pages de pur bonheur qui justifient à elles seules l’achat de l’album. En premier lieu, je me suis complu à une lecture oisive et contemplative me gorgeant de l’aspect visuel et de l’absurdité relative qui émergeait. Puis, pressentant toute l’ambition narrative, j’ai fouillé, creusé. Beaucoup. Chaque relecture m’a révélé une perspective métaphorique supplémentaire, à la saveur différente de la précédente, pour un plaisir qui s’intensifiait. Au-delà d’éventuelles allégories, physique (le passage progressif de l’enfant à l’âge adulte), religieuse (élévation de l’âme, aspiration divine), intellectuelle (progression de la connaissance et du savoir), voire sociale, c’est finalement la symbolique métaphysique qui m’a fasciné (intrinsèquement, elle contient d’ailleurs un peu toutes les autres). La quête existentielle vertigineuse d’un homme qui s’extrait de sa « caverne platonicienne » et va se confronter à une réalité (il en existe sûrement plusieurs autres) dont il ne percevait que les « ombres », ces livres qu’il brûlait sans les comprendre, mais dont il ressentait confusément l’appel. En gravissant les marches de cette cathédrale, il s’élève à la compréhension, chaque palier (comme autant de représentations théoriques, figuratives, philosophiques…) affinant sa perception et son appréhension du monde. Une ascension « hiérarchisée » où l’Art, en raison de sa position (ultime niveau dans la progression du héros) et de sa mise en abyme (en tant que cadre architectural du récit), semble être désigné comme le catalyseur. Il va finalement découvrir la lumière, celle qui lui était exclusivement destinée dès l’instant où il a décidé d’aller la trouver (d’ailleurs, le dernier guide est aveugle : on confie le harem à l’eunuque), et plus qu’une réponse formelle et absolue à son parcours initiatique, elle lui dévoile en fait le vrai sens de sa recherche : la révélation de soi. Bien sûr, toutes ces impressions évolueront selon les individus. Mais le principal n’est-il pas de dénicher de multiples sources de satisfaction dans l’interprétation personnelle, l’introspection et l’aspiration à sa propre vérité ? Juste un petit mot du graphisme. La ligne est éclectique. Géométrique, stylisée, voire iconographique, dans l’ascension elle présente une neutralité qui privilégie la narration. Se faisant moins détachée et plus empathique dans les autres saynètes, elle induit un état émotionnel « invitatif » pour le lecteur. Le clair-obscur alimente à merveille ces deux univers en façonnant une lumière qui transcende le pouvoir de suggestion dans le premier et favorise un regard plus humain dans le second. 3/5 pour les autres récits. 4,5/5 pour l’ascension.
3,5. Ce recueil d'histoires plus ou moins courtes comporte un "long" récit de 19 planches appelé "L'ascension", déjà publié dans le collectif Le retour de Dieu. Les autres histoires (entre 3 et 5 planches) sont adaptées d'après des nouvelles de Jean-Luc Mathieu, sauf la dernière (2 planches). "L'ascension" est un récit au goût assez mystique, une parabole sur l'être humain en tant que personne. On retrouve bien évidemment la saveur si caractéristique de l'univers de Marc-Antoine Mathieu, avec bien sûr un petit goût de Julius Corentin Acquefacques, mais qui rappelle surtout ses autres nouvelles, comme Le coeur des ombres ou La mutation. Le parcours de cet homme qui n'a pas de nom dans cette cathédrale immense l'amènera à rencontrer plein de gens, à entendre plein d'explications possibles. Ce cheminement dans cet univers étrange et apparemment absurde est incontestablement fascinant, et sa clé se trouve tout à la fin. Superbe histoire. Et le dessin si typique de MAM, ce magnifique Noir/Blanc si tranché, amplifie encore le plaisir du lecteur. Tiens, au fait... l'architecte pages 10 et 11... il ne ressemblerait pas un peu à Léandri ? Les autres nouvelles sont très différentes. Situées dans notre monde elles mettent en scène différentes situations, de genre fantastique, anticipation, polar ou même roman graphique. Courtes et allant donc assez à l'essentiel, leur ton surprend, et il faut sans doute un moment d'adaptation pour "redescendre de L'Ascension". A noter qu'un de leur point commun est une espèce de solitude, d'isolement, voire de mélancolie. Je les ai personnellement moins appréciées que "L'ascension", non parce qu'elles sont moins bonnes, mais vraiment parce qu'elles sont différentes. De toute façon n'hésitez pas, il faut lire tout Marc-Antoine Mathieu. :)
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