Cité de verre (City of glass)

Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 8 avis)

Adaptation en bande dessinée du roman 'La Cité de Verre' de Paul Auster


Adaptations de romans en BD New York

Daniel Quinn a tout perdu, famille et amis . Retranché derrière son isolement et sa solitude, il tente d'oublier son passé. Aujourd'hui Daniel est auteur de romans policiers sous le pseudonyme de Wilson. Le narrateur de ses romans est le detective privé Max Work. Daniel vit aujoud'hui dans cette triple ambiguité : qui est-il ? Quinn, Wilson ou plutôt Work, qui semble prendre l'ascendant sur les deux autres ? Un jour, il reçoit un appel anonyme . Quelqu'un demande Paul Auster...Il est intrigué. Lorsque l'appel se renouvelle, il prend l'affaire en main.

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution Novembre 1995
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Cité de verre © Actes Sud 1995
Les notes
Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 8 avis)
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22/09/2005 | Thierry T
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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
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Identité, langage, solitude : un questionnement philosophique et intellectuel - Il s'agit de l'adaptation en bande dessinée du roman Cité de verre (1985) de Paul Auster. La transposition du roman sous forme de scénario a été réalisée par Paul Karasik, et la mise en images par David Mazzucchelli. Cette version date de 1994. Tout commence par un faux numéro, une erreur d'identité. Une femme cherche à joindre le détective privé Paul Auster, mais ses appels aboutissent chez Daniel Quinn, un écrivain vivant seul qui publie des romans policiers sous le pseudonyme de William Wilson. Quinn a perdu sa femme et son enfant et il vit dans l'ombre de William Wilson, et de son détective privé de papier appelé Max Work. Dans cet état d'esprit un peu particulier, il finit par endosser le nom de Paul Auster et accepter de rencontrer Virginia Stillman, la correspondante souhaitant l'engager. Il se rend chez elle, dans un appartement cossu et luxueux et rencontre son fils Peter. Celui-ci souffre d'une difficulté de langage et explique péniblement qu'il a été victime de maltraitance de son père qui a été condamné et qui doit sortir de prison bientôt, après 13 ans d'incarcération. Quinn accepte d'épier Peter Stillman père dès qu'il remettra les pieds à New York. Je n'ai pas lu le roman de Paul Auster, et je ne pourrais donc pas établir de comparaison entre cette adaptation et l'original. Le premier point positif est que le lecteur a la sensation de lire une vraie bande dessinée, et pas une adaptation qui essaye de caser autant de textes d'origine que possible. Il subsiste, dans la narration, un parfum très littéraire : les thèmes abordés et la structure du récit relèvent d'une construction littéraire sophistiquée et complexe. Le premier signe de mise en abyme réside dans la nature du personnage principal qui est un écrivain (double fictif et déformé de l'auteur). le deuxième signe apparaît quand le lecteur apprend que cet écrivain utilise un nom de plume. Et l'étendue du jeu de miroir prend de l'ampleur avec la mention (et plus tard l'apparition) d'un personnage appelé Paul Auster. Il faut également prendre en compte que Peter Stillman (le père) est également un écrivain qui a effectué des recherches sur la nature théologique du langage, et Peter Stillman (le fils) est un poète de renom. Pourtant ce qui pourrait être un dispositif vertigineux, complexe et lourd s'avère naturel dans le cadre de ce récit qui revêt les apparences d'une enquête policière. Paul Auster (le vrai, l'auteur) enchevêtre avec habilité les fils narratifs de l'intrigue policière, les réflexions philosophiques et existentielles de Daniel Quinn, et les métacommentaires de nature postmoderne. Il est très facile pour le lecteur de ressentir de l'empathie pour cet individu qui a organisé sa vie de manière à se mettre à l'abri de la souffrance psychologique, qui profite de la solitude propre aux grandes métropoles et qui succombe à la tentation de renouer des contacts avec d'autres êtres humains en se protégeant derrière une usurpation d'identité. En tant que bande dessinée, l'adaptation de Karasik et Mazzucchelli constitue une expérience envoutante, à la hauteur des thématiques littéraires. Mazzucchelli utilise un style plutôt réaliste, un peu épuré et simplifié pour les personnages, plus rigoureux et méticuleux pour les décors. Dès la deuxième page, il apparaît que les illustrations font écho aux thèmes, avec une mise en abyme visuelle à partir d'un téléphone. Ces six cases forment un enchaînement très impressionnant dans le sens où la première est entièrement abstraite, la seconde comprend un symbole numérique (le chiffre zéro), la signification de la troisième n'est pas compréhensible hors du contexte des autres cases, la quatrième ne comprend qu'une icône (au sens de symbole graphique) et les deux dernières donnent du sens à ce travelling arrière. Les images de cette bande dessinée couvrent un spectre visuel s'étendant de la représentation concrète des personnages et de leur environnement, jusqu'à l'abstraction en passant par les icônes. Peu d'illustrateurs sont capables d'utiliser autant de registres graphiques à bon escient. C'est bien en ça que cette adaptation justifie son existence : elle ne se limite pas à une mise en images compétente du roman. Les images de cette bande dessinée offre une visualisation des concepts philosophiques et métaphysiques au cœur de la narration. Elles complémentent et illustrent des concepts complexes. Karasik et Mazzucchelli ont su trouver des solutions graphiques efficaces et compréhensibles pour parler de questionnements fondamentaux sur l'identité, le langage, la représentation du réel. Il n'y a qu'une seule séquence qui m'a perdu, ce sont les illustrations du monologue de Peter Stillman fils. Ce roman graphique propose une histoire postmoderne passionnante comme un roman policier, sous la forme d'une bande dessinée qui utilise à plein ses spécificités pour exprimer visuellement des concepts philosophiques et existentiels, sans perdre le lecteur.

21/08/2024 (modifier)