Koolau Le lépreux
Mieux vaut mourir libre que vivre à genoux, telle est la morale de cette histoire radicale d'un peuple asservi qui se dresse contre ses maîtres blancs.
1872 - 1899 : de la IIIe république à la fin du XIXe siècle Auteurs espagnols Jack London L'Océan pacifique Le Colonialisme Les petits éditeurs indépendants
Les blancs ont apporté la maladie, les blancs ont pris leurs terres aux Kanaks. Les malheureux atteints de la lèpres sont déportés et plus jamais n'apparaissent. Koolau et quelques semblables désirent vivre en paix dans leurs montagnes, afin de mourir libres et dignes. Mais les blancs ne l'entendent pas ainsi et feront tout afin de capturer Koolau le Hors-la-loi... Mieux vaut mourir libre que vivre à genoux, telle est la morale de cette histoire radicale d'un peuple asservi qui se dresse contre ses maîtres blancs. Que ce récit anticolonialiste soit né sous la plume généreuse et lucide de Jack London ne peut nous étonner. Que sa transposition en images fortes et émouvantes surgisse sous le pinceau révolté et survolté de Carlos Giménez ne peut nous surprendre !
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Date de parution | Octobre 1979 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Plus de 30 ans après la sortie de cette BD, il est difficile de ressituer le contexte. Chalybs le fait à merveille mais il aurait été souhaitable que cela soit intégré à la BD. Le récit est radical car on a un lépreux se retrouvant seul rapidement en train de défendre un piton contre l'armée. Sa tête est mise à prix en tant que chef " militaire " de sa tribu. Il joue avec le terrain et va au bout de son engagement contrairement à son peuple à bout. Cet hymne à la liberté passe par l'acte de guerre. On ne sait plus trop quel est le sens du récit à cause de l'orientation à la Rambo de l'histoire. Le final est réussi pour sa part. Le dessin N&B est très tranché opposant les deux extrêmes sans gris intermédiaires. Il dégage une force en rapport avec le contenu. Il a bien vieilli mais manque un peu de finesse. Cette BD est pas mal mais manque son objectif principal qui est de dénoncer les procédés radicaux de la colonisation sur les autochtones afin de tout leur prendre puis de les exploiter.
Pas mal ! Toute la rage de koolau correspond sans doute à l'engagement de l'auteur, qui nous livre encore une fois une BD courte mais directe. Les dessins sont comme toujours ... efficaces ! On regrette par contre (et à force de lire Gimenez) le gros manque de finitions : quasi pas de décors, pas toujours de fond derrière les personnages, ce qui finalement nous "sort" du contexte historique pour nous amener dans le domaine de la caricature (juste une tronche, pas de contexte...). Du coup le message passe, mais la BD n'a pas le poids de l'histoire. En plus, les personnages de Gimenez ont toujours les mêmes gueules, du coup on a tendance à ne pas rentrer dans chacune de ses BD complètement, car on a toujours une impression de déjà vu assez déroutante. Pas mal donc, mais pas franchement extra... on reste sur sa faim.
Un peu surpris de voir ce récit parler de kanaks se plaignant d'hommes blancs ayant amené de la main-d'oeuvre chinoise, de leur voir opposés des soldats visiblement américains et venant d'Honolulu, je me suis un peu renseigné pour apprendre que la nouvelle de Jack London, "Koolau the Leper", a pour décor Hawaï et non pas la Nouvelle-Calédonie. Pour autant que je sache, c'est donc une erreur de traduction d'appeler kanaks le peuple de Koolau, même si les évènements racontés là font probablement écho à ceux qui ont pu avoir lieu en Nouvelle-Calédonie et à l'assaut de la grotte d'Ouvéa qui aura pourtant lieu près de 10 ans après la première publication de cette bande dessinée. Bref, Koolau est un rebelle hawaïen qui, avec les rejetés lépreux de son peuple, s'est dressé contre la puissance colonisatrice déjà bien installée de l'armée américaine. Cet album raconte son chant du cygne, sa dernière longue bataille, la défense d'une vallée inexpugnable puis sa fuite en avant quand tout a semblé perdu. Un ultime combat sacrificiel et déterminé pour la liberté. La narration et le dessin sont très bons, comme Carlos Giménez sait nous l'offrir à son habitude. L'ambiance et l'impact symbolique de ce combat perdu d'avance sont bien rendus. Je me suis cependant un peu ennuyé à la lecture de cet album. Le scénario se résume en une ou deux lignes. La fin est courue d'avance. Et comme j'ai été induit en confusion par cette erreur de traduction, m'imaginant mal au milieu de kanaks, je n'ai pas apprécié à sa juste valeur non plus l'aspect instructif et parlant de la comparaison entre l'ancien mode de vie heureux des polynésiens comparé à la déchéance de l'assujettissement aux occidentaux. Bref, je ressors un peu déçu de ma lecture.
Belle critique que celle émise par Chalybs ci-dessous, et merci à lui de replacer l'album dans le contexte qui le concerne. Cependant, même si je partage les louanges qu'il attribue à "Koolau le Lépreux", je tiens à rectifier l'un des points qu'il soulève, à savoir la bilatéralité de l'histoire. Ici les 90% de l'intrigue sont vus par Koolau lui-même, du début, où il presse ses compagnons de ses soulever, à la conclusion, où l'on suit son combat solitaire face aux Blancs, en passant par ses efforts pour remotiver les survivants. A aucun moment on n'a le point de vue de ses ennemis, ceux qu'on nous dépeint comme imbus d'eux-mêmes, sûrs d'eux et tellement arrogants. Attention, je ne mets pas en doute cet état de fait, ni même le fait qu'ils ont apporté des maladies dans ces contrées lointaines, précipitant la disparition des populations kanaks. Le lépreux, le récit de Jack London ici adapté par Giménez est le récit d'un homme seul, et vu par lui seul, face à une force qui précipitera le déclin de son peuple. C'est magistral, certes, mais je trouve que le dessin de Giménez dans ce tome n'est pas son meilleur, même si en effet de nombreuses images sont saisissantes, en particulier les gros plans sur les visages mutilés des lépreux. Et ses paysages sont impressionnants, et me rappellent un peu ceux dessinés par un auteur édité par la même maison d'édition, Sergio Toppi, toutes proportions gardées. C'est une histoire dramatique que nous content ces deux formidables auteurs, un drame collectif et solitaire, un drame humain que notre histoire s'est empressée d'oublier.
Avant de commencer ma critique, faisons un point sur l'histoire de la Nouvelle Calédonie… La prise de possession de la Nouvelle-Calédonie en 1853 marqua le point de départ d'une longue phase de dépopulation pour les autochtones: les raisons épidémiologiques de la baisse considérable des effectifs kanak sont connues, tout comme le sont les conséquences des répressions militaires et les causes psychologiques dues aux spoliations foncières et aux déplacements de population. Tous ces facteurs, parmi lesquels il convient de ne point omettre l'évangélisation, provoquèrent une altération sociale et culturelle qui commençait, inéluctablement, par la perte du territoire qui était le support de l'identité des groupes précoloniaux. Entre 1860 et 1921, la population kanak passa de 42 000 à 27 000 personnes environ (SAUSSOL, 1981), pour retenir une estimation basse de la population initiale. Cette dépopulation fut plus ou moins marquée selon les zones; relativement atténuée dans les îles Loyauté, elle fut en revanche considérable dans certaines régions de la Grande-Terre. À Koumac, la population passa ainsi de I 000 habitants environ vers 1855 à 134 en 1906; à Bondé tout proche, l'énumération des calamités est lancinante: épidémies de grippe en 1852 et 1853, de lèpre en 1866, de peste en 1903, 1904, 1906, 1909 et 1914, d'oreillons en 1912 ;expédition militaire en 1868,cyclones en 1853et 1890 sécheresse en 1915. L'alcool provoque aussi des ravages. Parallèlement à ce déclin démographique des Kanak, la colonisation européenne, libre et pénale, opérait une poussée considérable. Démographie et foncier interférèrent rapidement car dès le départ, les Européens se lancèrent dans des politiques actives d'obtention de terres afin d'assurer leur emprise territoriale et leur développement économique. Les premières réserves furent délimitées dès 1868, et le code de 1'Indigénat, promulgué en 1887, commença d'y astreindre les Kanak à résidence. Leur déclin démographique, voire le mythe de " I'extinction de la race " qu'ils étaient censés illustrer, furent le prétexte pour réviser à plusieurs reprises à la baisse l'étendue des aires dans lesquelles ils se voyaient confinés. L'aboutissement de ce processus fut le " grand cantonnement " du gouverneur Feillet, mené de 1894 à 1903 et qui rassembla dans les réserves tous les Mélanésiens en leur allouant une superficie moyenne de trois hectares par habitant; il s'agissait alors de libérer les espaces nécessaires à l'implantation de colons libres recrutés en France afin d'assurer le développement de la colonie sur des bases jugées moins infâmantes que la colonisation pénitentiaire en vigueur depuis 1864. L'histoire de la plupart des régions de la GrandeTerre, dont Agnès Dalloz nous livre un exemple, fut pendant longtemps celle du confinement de plus en plus pressant des populations kanak. Venant après les divers décrets fonciers et les interventions politiques et militaires des décennies précédentes, ce cantonnement fixait les superficies des réserves pour plus d'un demi-siècle. La parcimonie dont il procédait s'inscrivait dans une conception implicite de l'utilisation des terres qui était plus conforme à une mise en valeur par une exploitation de type européen, qu'aux usages extensifs et itinérants des populations mélanésiennes. Voilà dans quel contexte se place cet album paru en 1979. Pour le moins que l'on puisse dire, nous avons là une BD franchement engagée. Sortir une telle œuvre à cette époque me paraît surprenant. Dans un monde où la BD n'était pas des plus développée, il fallait oser faire ça. Le scénario n'est pas exceptionnel, dans le sens où il n'y a pas d'histoire tarabiscotée, pas de rebondissements magistraux, pas de vaisseaux spatiaux. Non, ici, ça hurle la simplicité de la vérité et c'est d'autant plus fort. Les premières pages sont étranges, on voit Koolau haranguer ses semblables à la guerre. Quelques dessins sont vraiment chocs. Il se dégage de ses pages une puissance et une intensité hors norme. Le reste de l'album nous plonge au cœur de l'absurdité de l'homme. Entre les blancs qui se croient supérieurs, qui croient en leurs croyances, qui ont une vision en forme de pensée unique de toute cette affaire, et les Kanaks qui sont fatigués de lutter pour leur indépendance, chassés de leurs terres, pourchassés alors qu'ils sont chez eux, et qui au final rejettent la faute de leurs souffrances sur Koolau qui ne veut que leur redonner ce que les blancs leur ont pris. L'incompréhension est des deux cotés, la manipulation aussi. Les soldats ne font qu'obéir aux ordres. La violence n'est pas cachée, les balles sifflent, les grenades explosent, les morts s'entassent sans compassion des deux cotés. Koolau est un fin tireur qui ira jusqu'au bout de son rêve. Mourir libre. Le dessin en noir et blanc de Gimenez porte sans contexte l'histoire. Son dessin réaliste est puissant. Sa plume fine et précise est une arme autrement plus efficace que celles des policiers et des soldats. Un récit sans état d'âme, qui prend aux tripes. Félicitation Mr Gimenez, votre œuvre est éternelle. Le Jury Œcuménique de la bande dessinée s'efforce quant à lui de récompenser chaque année à l'occasion du Festival d'Angoulême, un album de l'année civile choisi pour l'ensemble de ses valeurs humaines et esthétiques. Composé de critiques, d'historiens, de journalistes, de spécialistes et d'amateurs de bande dessinée, le Jury Œcuménique porte un regard à la fois spirituel et artistique sur des Bandes Dessinées issues essentiellement de la production européenne qui allient à l'élégance du trait la profondeur des causes défendues.
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