The Filth
The Filth décrit les travaux de la Main, une association chargée de surveiller notre réalité pour y supprimer les “anti-personnes” qui en menacent l’hygiène sociale.
DC Comics Folie Trash Vertigo
Pour chasser le plus dangereux d’entre eux, un agent est rappelé de sa retraite. Greg Feely va quitter son petit monde médiocre et son chat malade pour redevenir Ned Slade, agent nettoyeur de la Main. Ou bien est-ce l'inverse ? Une fable schizophrène quasiment indescriptible, qu’il faut pourtant absolument découvrir, pour les milliers d’idées scénaristiques et visuelles de l’équipe artistique.
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Date de parution | 22 Février 2007 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
État de conscience supérieur - Ce tome regroupe les 13 épisodes de la série complète du même nom parue en 2002 et 2003. Première page, un homme (Spartacus Hughes) en a arrosé un autre d'essence et il lui jette un mégot de cigarette allumée. Deuxième page, Greg Feely achète une litière pour chat, le journal du jour et des magazines pornographiques hardcore pour sa soirée. Il sort du magasin, mange une crotte de nez, et monte dans un bus. Toute la scène est vue à partir de caméras de surveillance vidéo. Dans le bus, une jeune femme s'assoit à coté de lui et le prévient de ne pas déconner avec The Filth (la saleté, mais aussi la police en argot). Cette jeune femme revient le voir le lendemain et lui révèle qu'il est un agent d'un genre très spécial (dont le vrai nom est Ned Slade) au service de The Hand, une organisation chargée d'éliminer les manifestations extraordinaires remettant en cause l'ordre naturel du monde (ou le statu quo, ça dépend du point de vue). Il est donc remplacé par une doublure qui a charge de veiller sur son chat et il s'en va combattre les cellules cancéreuses de la réalité au coté d'autres agents sortant de l'ordinaire dont Miami (une belle femme noire spécialisée dans les techniques sexuelles), Camarade Dmitri-9 (un chimpanzé russe doté de conscience et de la parole qui exerce le métier de tireur d'élite, et assassin de JFK), sous la tutelle de Mother Dirt (une femme pilotant un ordinateur futuriste et habillée d'une combinaison intégrale en latex, avec le masque). La première mission que Slade doit effectuer concerne le piratage par Spartacus Hughes, d'une nanotechnologie dotée d'une intelligence artificielle et dédiée à soigner les malades dont les défenses immunitaires n'arrivent pas à venir à bout de leurs infections. Je m'arrête là dans l'histoire parce que Grant Morrison a injecté tellement de concepts et d'idées dans son récit qu'aucun résumé ne peut faire justice au foisonnement de créativité et à la densité narrative. La question de fond concernant ce récit est : comment le lire ? Dans son introduction (sous forme de notice de médicaments), Morrison indique explicitement que chaque aventure est une métaphore incorporant une bonne dose de second degré. Effectivement, l'humour est présent régulièrement dans le récit essentiellement sous forme d'autodérision ce qui constitue des respirations et des décompressions bienvenues pour le lecteur en apnée dans ce monde si riche. Premier mode de lecture : lire les aventures de Ned Slade au premier degré. C'est marrant, il y a beaucoup d'idées provocantes et transgressives (le président des États-Unis à qui on a greffé une poitrine plantureuse, un stylo géant qui écrit tout seul). Ce mode de lecture apporte la satisfaction d'aventures décalées avec une bonne quantité de scènes d'action. Chris Weston (dessins) et Gary Erskine (encrage) illustrent ces aventures avec un style réaliste et méticuleux. L'immersion est complète que ce soit dans l'appartement très ordinaire de Greg Feely, ou dans l'espace étrange autour de la base de The Hand. Mais dans ce mode de lecture, beaucoup de passages semblent déplacés ou inutiles. Beaucoup d'intrigues ne semblent déboucher sur rien (par exemple, qui sont Man Green et Man Yellow ?, dans quelle structure plus vaste s'insèrent-ils ?). Deuxième mode de lecture : chercher les métaphores. Ce niveau est accessible à tout le monde car Morrison est un scénariste chevronné. Ned Slade a oublié qui il était pendant qu'il prenait des vacances en tant que Greg Feely. Donc les personnes autour de lui lui expliquent ce qui se passe au fur et à mesure. le lecteur profite de ces explications et la première métaphore sur le système immunitaire apparaît évidente. À nouveau, Morrison utilise le postulat de base de la mémétique pour nourrir l'un des épisodes et développer une métaphore relative à la propagation des idées. Là encore, Weston et Erskine effectuent un travail incroyable en donnant forme aux concepts les plus sophistiqués de Morrison. Les véhicules utilisés par The Hand sont un mélange de technologie rétro-futuriste (la science fiction anglaise des années 1960) et de cauchemars (les dents acérées) dont l'amalgame est réussi. le paquebot géant évoque les luxueux palaces flottant et les illustrateurs ont bien fait leur travail de recherche de références pour que le résultat soit crédible et consistant. Avec ce mode de lecture, la structure du récit devient plus compréhensible, les scènes qui semblaient inutiles prennent du sens et la progression dramatique devient apparente. Troisième mode de lecture : interpréter les allégories. Alors là, c'est beaucoup plus dur. Morrison en explicite certaines (la nature des costumes revêtus par les agents de The Hand qui reposent sur les théories freudiennes), la relation entre le créateur et ses créations (l'ingérence d'agents de The Hand dans le comics dédié à Secret Original) et quelques autres. Et puis il y en a d'autres qui exigent une grande culture de la part du lecteur sur des sujets très hétéroclites. Lors de la parution de cette histoire, Morrison a par exemple expliqué qu'il avait bâti son récit sur les Qliphoth de la Kabbale (l'arbre des Sephirot négatifs, j'ai commencé par chercher sur wikipedia et il est évident qu'il va me falloir du temps pour assimiler ces concepts). Il faut également avoir une idée de qui est Max Hardcore (Paul Little) et ce qu'il a fait, pour comprendre la parodie de Tex Porneau et son engin pixellisé. Il faut également un petit peu de culture comics pour appréhender le concept de superhéros et ainsi faire émerger le lien organique qui existe entre Secret Original et son créateur, mais aussi ses lecteurs, pour en déduire que Morrison compare la réalité à un organisme vivant dont nous sommes des cellules codépendantes. J'ai été confronté à plusieurs reprisées à des concepts ou des idéologies qui me sont inconnus et qui me demanderont du temps pour les assimiler. de ce fait, il reste encore beaucoup d'éléments du récit qui ne font pas sens pour moi comme la signification de l'amour de Feely pour son chat. Et ce n'est qu'en rédigeant ce commentaire que j'ai compris d'où provient l'appel à l'aide laissé en lettres de sang sur un tampon hygiénique. Néanmoins le premier mode de lecture permet de trouver du plaisir à ces aventures du début jusqu'à la fin, même si l'on est perdu dans certains passages trop hermétiques ou trop intellectuels. Et puis les illustrations portent la lecture dans tous les passages, même les plus délirants. Weston et Erskine donnent des visages reconnaissables à chacun et transmettent le second degré du scénario. Par exemple, les agents de The Hand portent tous un postiche en guise de cheveux pour les isoler des ondes négatives. Il s'agit d'une idée loufoque de mauvaise science-fiction pour laquelle les illustrateurs ont trouvé le juste milieu entre perruques réalistes et moumoutes de clown. Ils mettent en scène les passages pornographiques sans tomber dans le voyeurisme, ni atténuer la cruauté de ces rapports. Ils mettent en image les motifs visuels (la main tenant le stylo) sans user de la photocopie, tout en créant un lien évident en ses différentes apparitions. À la fois pour les thèmes abordés et pour la complexité, cet ouvrage est à réserver à des adultes consentants et avertis. Je ne pense pas que l'on puisse comprendre tous les éléments du récit à la première lecture. Pour autant, Morrison, Weston et Esrkine ont créé une histoire regorgeant de matière et de symboles où tout le monde peut trouver quelque chose. Je relirai cette histoire avec plaisir d'ici un an ou deux, un peu à la manière de Watchmen pour lequel il faut plusieurs lectures pour déceler les correspondances, les indices et les significations multiples.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il faut s’accrocher pour entrer dans cette histoire ! D’abord une couverture peu engageante et très différente du dessin et de la colorisation intérieures (couverture qui ferait presque penser qu’on va lire un essai sur la répression policière écrit dans les années 1960). Ensuite un rythme très lent, et surtout un début très difficile à comprendre, et lorsque cela s’éclaire un peu, ben alors disons que c’est plus lumineux, mais pas forcément très clair ! En effet, l’intrigue est plutôt barrée. Tellement que j’avoue avoir quelque peu décroché au bout d’un moment, tant j’étais perdu (pas trop compris exactement ce qu’était la Main ?). Graphiquement, c’est du comics classique, mais plutôt bon, là pas trop de bémol. Mais bon, je suis gros amateur de trash, de loufoque. Pourtant, ici, malgré quelques passages que j’ai bien aimés, l’ensemble m’est resté trop hermétique. Je retenterai peut-être ma chance, en laissant passer du temps, mais là, la déception prédomine.
Ouch ! La bataille contre les spermatozoïdes géants (page 136, soit un peu moins de la moitié de l’album) a finalement eu raison de mon entêtement à continuer une lecture qui ne m’apportait aucun plaisir. L’histoire est un grand n’importe quoi, un gros délire certes original, mais souvent très compliqué et difficile à suivre. L’ensemble est vulgaire et trash à souhait, et surtout je ne me suis jamais intéressé aux intrigues (idiotes) ou attaché aux personnages. Il y a certes quelques touches d’humour sarcastiques assez bien vues (dont notamment l’introduction du bouquin), mais c’est trop peu pour sauver cet album du naufrage… Quel ennui ! Dans le genre comics trash, préférez plutôt Transmetropolitan ou Wanted (Delcourt).
The Filth est la première BD surréaliste que je lis, du surréalisme à part entière. Imaginez que Philip K. Dick et Salvador Dali s'associent pour créer une oeuvre de science-fiction et vous aurez une idée très proche de ce à quoi ressemble The Filth. C'est le genre d'oeuvre qu'on ne peut pas résumer, le genre d'oeuvre qu'on ne peut pas noter car soit on est stupéfait et admiratif devant son contenu soit on déteste. "Quel beau ramassis de conneries !" "Quel incroyable recueil d'idées géniales !" "Quelle horreur provocante et gerbante !" "Quel chef-d'oeuvre de l'imagination débridée et hors de toute norme !" Autant de réactions qu'on peut avoir en même temps à la lecture de cet album. Présentons les faits : il n'y a pas de fait. Greg Feely est un minable, la quarantaine dégarnie, célibataire qui passe sa vie entre son chat neurasthénique et ses branlettes devant des pornos. Mais Greg Feely n'est qu'une para-personnalité, la vie dans laquelle l'agent Ned Slade passe ses instants de repos. Et Ned Slade est un agent de la Main. La Main est une organisation qui a pris vie dans la Faille, quelque part entre le Stylo, les Doigts et l'Encre. La Main gère les troubles qui apparaissent dans le monde réel, le monde imaginaire ou le monde virtuel en 2D des comics et autres oeuvres littéraires. Les nettoyeurs de la Main suppriment les anti-personnes, des hommes ou des femmes qui sont allés au-delà des normes du monde qui les entourent, des créatures qui ont amené le chaos ou l'horreur autour d'eux. Mais où est le monde réel ? Qu'est-ce que la réalité ? Ned est-il Greg ou Greg est-il Ned ? Qu'est-ce que la Main et pourquoi ? Aussi bien visuellement que scénaristiquement, The Filth est un chaos éclatant et imaginatif. Le dessin fin et maîtrisé de Chris Weston fourmille de détails incongrus, de paysages grotesques et oniriques, de personnages improbables, tout en gardant un semblant de réalité en permanence. Le scénario évolue entre toutes ces réalités ou apparences, passant d'une narration lente et morose à une orgie d'horreur et de violence. Le lecteur est ballotté d'une ambiance à une autre, d'un monde à un autre, d'une intrigue complexe à un déchaînement d'action. Vraiment une oeuvre hors-norme. Grant Morrisson va assez loin dans le trash, tout en gardant toujours un aspect propre sur soi et respectueux. Imaginez un méchant qui meurt noyé dans sa propre urine, un autre écrasé sous un flot de spermatozoïdes géants, un capitaine de navire ou le président des USA torturés d'une manière assez inimaginable... Et le tout parait presque normal tant le multivers de The Filth est à la fois impensable, onirique et crédible. Une vraie oeuvre de folie insidieuse. Schizophrénie de l'oeuvre et de son personnage principal, délire de drogué, hallucination collective, fantasme onirique et bas instincts. Le tout est pourtant organisé et mis en place sous la forme d'une vraie intrigue ou d'une suite de sous-intrigues qui se tiennent totalement. Seule l'explication du background dans son ensemble reste complètement opaque et incompréhensible : bien malin qui comprendra ce qu'est la Main, dans quels mondes elle évolue, ou si tout cela n'est qu'un délire de folie furieuse de Greg Feely lui-même. Bourré d'idées, innovant, choquant, à la fois facile à comprendre et incompréhensible, c'est un OVNI du monde de la BD qui plaira énormément à certains et déplaira fondamentalement à d'autres. En ce qui me concerne, j'ai été assez fasciné par le contenu, la folie et l'innovation de ce récit dans sa forme et son contenu. Mais je ne suis pas amateur de son aspect trash ou insidieusement violent par moments. Et je ne suis pas non plus amateur de récits qui donnent l'impression de masquer une explication complexe et grandiose mais qui au final démontrent que l'auteur n'a pas plus d'explication que vous à cet univers qu'il a inventé, ou à ces univers qu'il a mélangés. Bref, c'est une BD à lire pour tous les amateurs de BD en quête d'une frappante nouveauté, mais je reste circonspect sur l'intérêt de son achat d'autant plus que malgré le nombre conséquent de pages (314), ce n'est pas donné.
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