Lendemains de cendres
Peinture du talentueux dessinateur et scénariste cambodgien Séra, de la fin du régime Khmers Rouge à la fin des années soixante-dix. Essentiel et boulversant.
1961 - 1989 : Jusqu'à la fin de la Guerre Froide Guerre civile cambodgienne et Khmers rouges Mirages
1978, le régime khmer; à l'agonie, connaît ses ultimes soubresauts. L'invasion du Cambodge par les troupes vietnamiennes lui porte le coup fatal. Plus encore qu'un territoire, c'est tout un peuple, victime d'une violence aveuge et arbitraire, qui doit aors se reconstruire. Ecartelés entre perte de valeurs, extrème pauvreté et exil necessaire, Nhek et Chantrea vont traverser les ombres en quête d'une renaissance...
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Date de parution | 20 Juin 2007 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
J'avais vraiment beaucoup apprécié ma première lecture de Séra avec son touchant L'Âme au bord des cheveux. Ici aussi Séra revient sur l'horreur cambodgienne du génocide des Khmers rouges d'une façon moins personnelle mais tout aussi saisissante. Le récit se fait à travers les yeux de deux miraculés Nhek et Chantréa qui font le long, et souvent mortel, périple vers la Thaïlande pour échapper à l'enfer. Leurs rencontres nous permettent de nous rappeler les horreurs souvent empreintes de sadisme qu'ont subies ce peuple si sympathique. Toutefois ce qui m'a le plus marqué dans l'ouvrage, ce sont les quelques pages qui rappellent l'incurie de l'ONU et des Occidentaux pendant et après l'épisode Pol Pot aidant les génocidaires contre l'armée vietnamienne, un comble. Le graphisme de Séra est très réaliste sans tomber dans le voyeurisme morbide. On hésite souvent entre dessin de fiction et photo d'actualité. Ce sentiment est renforcé par la construction qui ajoute quelques photos au récit. Les tons presque uniformément gris donnent l’impression d'un sale cauchemar qui envahit le lecteur tout au long du récit. Une lecture exigeante mais indispensable pour comprendre jusqu'où la folie d'une idéologie peut mener en toute bonne conscience.
Voilà ! Voilà ! Ca, mes amis, c'est de la BD documentaire comme il FAUT en lire, et non pas se contenter de l'envisager. Ca, c'est le genre de BD dont la lecture devrait être obligatoire au collège ! Parce que ce n'est pas juste un documentaire ! La BD est sur la guerre du Cambodge, certes, mais surtout elle traite de tout ce qui se passe durant cette guerre atroce (en même temps, quelle guerre ne l'est pas ...). Car si, comme moi, vous ne connaissez des guerres asiatiques du vingtième siècle que la guerre du Vietnam et vaguement les Khmers rouges, cette BD remet les pendules à l'heure sur ce qu'il s'est passé il y a moins de cinquante ans dans cette partie du monde. Et ce fut loin d'être beau ! Mais ce que j'ai particulièrement aimé dans cette BD, c'est que loin de se contenter de décrire au travers d'un personnages les affres de la guerre, l'auteur rajoute des précisions qui éclaircissent bien plus sur tout ce qui a eut lieu autour (et notamment en Thaïlande par exemple). C'est des ajouts qui renforcent encore plus le sentiment d'horreur de cette guerre, qui a vu la mort de tant de cambodgiens déjà affaiblis par un des pires systèmes que le monde ait connu. Le dessin est particulier, retranscrivant une atmosphère propre au récit, mais avec quelque chose donnant ce côté sale. C'est bien puissant au niveau de l'immersion, et efficace également. Bref, je ne serais pas plus long pour vous le conseiller : cette BD mérite qu'on s'y attarde, deux fois plutôt qu'une. Ne serait-ce que pour comprendre dans quel monde on vit, il faut lire cette BD. Ce genre de guerre est bien trop proche de nous pour qu'on puisse la considérer comme du passé lointain. Remettre en tête ce que c'est que la guerre, c'est peut-être d'autant plus crucial aujourd'hui, dans notre démocratie qui n'hésite pas à la faire chez autrui.
Ce one shot à mi chemin entre le documentaire et une BD historique ne se résume pas, elle se lit. Le récit est bien détaillé, la narration est excellente. Pour ceux qui ne connaissent pas l'époque douloureuse des Khmers Rouges au Cambodge, cette excellente BD leur permettra de pallier leurs lacunes. Sera a un style très particulier ultra réaliste qui correspond à merveille aux propos. Le sujet lui tient à coeur car il est originaire de ce pays. On comprend son investissement pour cette oeuvre qui permet de ne pas voir passer dans l'oubli collectif cette triste page de l'humanité. Plutôt qu'en parler, je préfère en conseiller la lecture et même l'achat pour ceux qui aiment les belles BD avec du contenu.
Lorsque que le neuvième art mélange Histoire et fiction, il est patent que l'impact est juste et puissant. La division des événements historiques par le biais des cases permet de s'attarder sur des parcelles de vie, ancrées dans une réalité vécue. A jamais, la bande dessinée nous fait preuve de son efficience lorsqu'elle devient un moyen pour une fin historique. Elle est mémoire, elle devient peu à peu une nouvelle arme contre l'ineffable de l'Histoire. Sera, qui signe ici la fin d'un cycle sur la dictature des Khmers Rouges au Cambodge, s'installe avec ferveur et raison au niveau du panthéon des témoins de l'Histoire par le crayon, avec autant de puissance qu'un Art Spiegelman. Ce livre de 120 planches est une merveille de l'art séquentiel, Sera nous plonge par l'intensité d'une narration frivole et multi langues dans les décombres d'un pays bouleversé. Il parcourt avec brio les degrés de l'âme humaine, de ces hommes et de ces femmes, qui représentent une humanité meurtrie, désenchantée et écorchée. La narration se mêle avec le documentaire, le dessinateur s'insère avec omniprésence dans son récit, comme pour s'allier avec ses personnages, comme pour nous prouver qu'il prouve. Les personnages, chez Sera, sont des reflets de tous les hommes, de nous tous qui devons comprendre et ne pas oublier que l'homme est capable du pire. Les personnages nous fixent du regard, ils sont multiples, mais jamais anonymes car centrés dans l'image. Ils nous prennent comme témoins, comme porteurs d'une mémoire qui ne doit jamais disparaître. On les sent vivre. Là est l'art de Sera, les personnages transcendent la feuille de papier, ils sont opaques, on sent une existence et une vie, ils semblent réels. C'est pourquoi, incontestablement, ce livre est bouleversant. On ressent l'horreur et la puanteur de la terre, on entend les sons, le vent silencieux, le cliquetis des armes. Lendemains de cendres est une synesthésie, une prouesse de la bande dessinée. Chaque case est un délice visuel, les techniques se mélangent et s'épousent. Essentielle et singulière, cette oeuvre incontournable de Sera est un cri de renaissance pour un neuvième art, trop souvent en manque de perfection.
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